C.E. 5 févr. 1954, ASSOCIATION EL HAMIDIA, Rec. 77
Publié le 01/10/2022
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«
COMPÉTENCE
RAPPORTS DE DROIT PRIVÉ
C.E.
5 févr.
1954, ASSOCIATION EL HAMIDIA, Rec.
77
(J.
C.
P.
1954.II.8136, concl.
Mosset)
Cons.
que la requête de la société « El Hamidia » est dirigée contre
un arrêté, en date du 30 sept.· 1949, par lequel le préfet d'Alger, usant
çlu pouvoir que lui confère à cet égard l'art.
l er de l'arrêté pris par le
gouverneur général de l'Algérie le 26 mars .1942, a prononcé d'office
l'affiliation de cette société à la caisse interprofessionnelle de compen
sation des allocations familiales du département d'Alger; que l'arrêté
attaqué ne présente pas le caractère d'un acte réglementaire;
' Cons.
qu'il résulte de l'ensemble' des dispositions des textes relatifs au
régime des allocations familiales en Algérie et aux caisses de compensa
tion, lesquelles constituent des organismes privés, que, si ces caisses
assurent la gestion d'un service public, leurs rapports avec les employeurs
qui relèvent d'elles et avec les bénéficiaires des prestations familiales sont
des rapports de droit privé; que, par suite, le litige qui s'élève entre une de
ces caisses et un employeur, et qui est afférent à l'obligation où se
trouverait ledit employeur de s'affilier à l'organisme dont s'agit, ressortit
à la compétence de l'autorité judiciaire; que la circonstance que le préfet
a prononcé d'office l'affiliation d'un employeur qui a refusé de donner
son adhésion ne saurait modifier la nature du litige sus-défini; que, dès
lors, il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître de
la requête susvisée de la Société « El Hamidia >>; ••• (Rejet).
OBSERVATIONS
1.
- La décision par laquelle le gouvernement général de
l'Algérie prononce d'office l'affiliation d'un employeur à une
caisse d'allocations familiales ne constitue pas un acte adminis- •
tratif susceptible de recours pour excès de pouvoir : peu 1
importe que l'acte émane d'une autorité administrative; peu l
importe également qu'il mette en jeu une prérogative de puis
sance publique.
A ces deu� critères traditionnels de l'acte
administratif, le Conseil d'Etat en substitue un nouveau :
l'objet de l'acte.
Si ce dernier concerne des rapports de droit
public, il s'agit d'un acte administratif; s'il est relatif à des
rapports de droit privé, il relève de la compétence judiciaire, à .,
moins qu'il n'ait un caractère réglementaire, auquel cas il aurait{
la qualité d'acte administratif.
Ce nouveau critère de la délimination des compétences,
esquissé dans la jurisprudence depuis 1951 (C.
E.
27 juill.
1951,
Caisse mutuelle d'allocations familiales agricoles de la Loire-Infé
rieure, Rec.
438; Dr.
Soc.
1952.407, concl.
Mosset; J.
C.
P.
1952.11.7211, note Rivero), avait été confirmé dans des arrêts
de 1952 et 1953 (C.
E.
25 janv.
1952, Fédération maritime du
port de Bordeaux, Rec.
57; - 9 juin 1952, Chambre syndicale
des maîtres portefaix, Rec.
247; - 12 déc.
1952, Dame Martin,
Rec.
579; Dr.
Soc.
1953.122, concl.
Delvolvé; - 23 janv.
1953,
Avallone, Rec.
33; - 23 janv.
1953, Audoin, Rec.
40; J.
C.
P.
1954.Il.7916, note Vedel), avant d'être présenté sous une forme
systématique dans l'arrêt El Hamidia et les conclusions de
M.
Mosset.
Le commissaire du gouvernement indique que l'introduction
du nouveau critère de compétence a entraîné « une complexité
encore accrue des frontières entre la compétence administrative
et la compétence judiciaire en ce domaine...
Le plaideur à la
poursuite de son juge...
n'aura plus seulement à se demander
s'il y a intervention d'un agent administratif ou, à défaut, s'il y
a exercice d'une prérogative de puissance publique.
Il devra
encore rechercher si l'agent administratif n'agit pas pour 'le
compte d'entreprises privées, si le litige est ou non au fond un
litige de droit privé ou de droit public.
Il nous semble qu'il sera
difficile de trouver sa voie même pour les spécialistes les plus
versés dans la culture byzantine».
Mais cette nouvelle étape
dans la délimitation des compétences peut être le point de
départ d'un « mouvement plus profond et plus ambitieux» qui
conduirait, après 'l'abandon de la méthode analytique adoptée
jusqu'ici par la jurisprudence, à la constitution de grands blocs
de compétence administrative ou judiciaire.
« En cherchant à
renvoyer aux tribunaux judiciaires tous les litiges individuels
ayant trait aux allocations familiales ou à la sécurité sociale, ne
tendez-vous pas à fixer une règle infi:µiment plus simple et plus
nette...
de délimitation des compétences en la matière? ...
Tant
que n'est pas invoqué un vice propre à l'acte administratif, tous
les litiges individuels relatifs à l'application de la législation sur
la sécurité sociale et sur les allocations familiales ressortissent à
la compétence des tribunaux judiciaires.»
'
/
II.
- Cet arrêt aurait pu être l'amorce d'une évolution
profonde de la définition du_ droit administratif.
Mais la
jurisprudence ultérieure, soit du Conseil d'État, �oit surtout du
Tribunal des Conflits, en a largement démenti lès principes.
Le
système des « blocs de compétence» et le critère tiré de l'objet
de l'acte ont été l'un et l'autre remis en cause.
a) Dans la logique des « blocs dé compétence», tous les
litiges concernant la sécurité sociale devraient, sauf exceptions,
relever de la compétence judiciaire.
Certes, cette règle continue
à s'appliquer, en principe, au fonctionnement des caisses, à
leurs rapports avec leur personnel et leurs affiliés, aux cotisa
tions qu'elles perçoivent et aux prestations qu'elles versent (v.
par ex.
T.
C.
6 juill.
1957, Lasry,' Rec.
817; D.
1958.296, note
daragnon; J.
C.
P.
1958.II.10351, note P.
A., pour le recouvre
ment des cotisations d'allocations familiales; - C.E.
12 juin
1959, Berche, Rec.
364; A.
J.
1959.II.247, concl.
Mayras; A.
J.
1959.I.155, chr.
Combarnous et Galabert, pour l'agrément des
médecins habilités à donner des soins , aux personnes affiliées
aux soçi.étés de secours minières; - 3 juin 1960, Dubourg, Rec.
385, pour les pensions de la caisse de retraite du personnel
navigant de l'aéronautique civile; - T.
C.
28 févr.
1966,
Genneviève, Rec.
825; A.
J.
1967.94, note J.
M., pour les litiges
relatifs au remboursement direct de certaines prestations aux
pharmaciens).
De même sont des contrats de droit privé les
conventions tarifaires passées entre les caisses de sécurité
sociale et les syndicats de praticiens : cette solution s'imposait
dès lors qu'il s'agit de contrats conclus entre deux personnes
morales de droit privé (C.E.
13 déc.
1963, Syndicat des
praticiens de l'art dentaire du département du Nord et Merlin,
Rec.
623; S.
1964.57 et D.
ï964.55, concl.
Braibant; A.
J.
1964.25, chr.
Fourré et Mme Puybasset; - cf.
nos observations
s9us les arrêts des 31 juill.
1942, Monpeurt*, et 20 avril.
1956,
Epoux Bertin *).
Mais les exceptions sont de plus en plus nombreuses.
Les
juridictions administratives ont fréquemment à connaître d'af
faires intéressant la sécurité sociale : actes réglementaires, qu'ils
émanent des autorités gouvernementales (Dubourg1 précité; -
13 juill.
1962, Con;eil national de l'ordre des médecins, Rec.
479; R.
D.
P.
1962.739, concl.
Braibant) des caisses nationales
de sécurité sociale ayant le caractère d'établissements publics
(T.
C.
22 avr.
1974, Dame Léotier) ou même de celles qui ont
un statut de droit privé (T.
C.
22 avr.
1974, Blanchet); actes de
tutelle (C.E.
8 janv.
1954, Rommel, Rec.
21; R.
D.
P.
1954.789,
note Waline; Dr.
Soc.
1954.247, concl.
Letourneur; - 19 mars
1954, Caisse primaire de sécurité sociale de la région parisienne,
Rec.
171; Dr.
Soc.
1954.425, concl.
Laurent; - 15 déc.
1967,
Ministre du travail c.....
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