C.E. 10 mai 1912, Abbé BOUTEYRE, Rec. 553, concl. Helbronner
Publié le 20/09/2022
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«
FONCTION PUBLIQUE - ACCÈS
POUVOIR D'APPRÉCIATION
C.E.
10 mai 1912, Abbé BOUTEYRE, Rec.
553, concl.
Helbronner
(S.
1912.3.145, note Hàuriou; •
D.
1914.3.74, concl.
Helbronner;
R.
D.
P.
1912.453, concl.
Helbronner, note Jèze)
Cons.
que le décret du 10 avr.
1852, dans son art.
7 relatif aux
conditions exigées des candidats à l'agrégation de l'enseignement
secondaire pour leur admission .
au concours, dispose qu'ils doivent
produire une autorisation ministérielle; que le règlement du 29 juill.
1885 sur les concours d'agrégation du même enseignement porte :
« Art.
4.
Les aspirants se feront inscrire au moins deux mois avant le
jour de l'ouverture du concours au secrétariat de l'Académie dans
laquelle ils résident; le recteur doit donner avis de cette inscription
dans les huit jours au ministre de l'instruction publique, en y joignant
ses observations.
� Art.
5.
Les listes des candidats sont définitivement
arrêtées par le ministre.
Les candidats admis à prendre part aux
épreuves de l'agrégation sont avertis quinze jours au moins avarit
l'ouverture du concours »;
Cons.
que l'agrégation a été instituée exclusivement en vue du
recrutement des professeurs de l'enseignement secondaire public;
qu'elle ne confère pas aux agrégés un grade universitaire, mais un titre
d'ordre professionnel, dont l'objet est d'assurer aux maîtres, qui l'ont
obtenu après concours, des avantages particuliers dans la carrière de
l'enseignement public; que les textes précités· ont donc pu légalement,
é;ant donné ce caractère de l'agrégation, ne pas la rendre accessible à
tous, mais la réserver aux candfdats agréés par le ministre, ·chef responsa
ble du service de l'enseignement secondaire public, comme pouvant être
évenduellement chargés des fonctions de professeur dans un lycée ou dans
un collège; qu'en refusant, par la décision attaquée, d'admettre le
requérant à prendre part au concours d'agrégation de philosophie, le
ministre de l'instruction publique n'a fait qu'user à l'égard de ce
candidat, dans l'intérêt du service placé sous son autorité, du droit
10., MAI 1912, ABBÉ BOUTEYJŒ
109
d'appréciation qui l~L a été réservé par le décret du 10 avr.
1852 et le
règlement du 29 juill.
1885, et que ladite décision n'est par suite
emachée ni d'excès, ni de détournement·de pouvoir; ...
(Rejet).
\
OBSERVATIONS
,
L'abbé Bouteyre s'était inscrit, en 1911, sur la liste des
candidats au concours d'agrégation de philosophie de l'enseignement secondaire, mais le ministre de l'instruction publique
l'avait informé que « l'état ecclésiastique auquel il s'était consacré s'oppose à ce qu'il soit admis dans 1~ personnel de l'enseignement public, dont le caractère est la laïcité, et que, par suite,
il n'y a pas lieu de l'autoriser à prendre part aux épreuves
destinées à pourvoir au recrutement des lycées».
Estimant que
·cette décision frappait d'une véritable incapacité les ministres
du culte, l'abbé Bouteyre en demanda l'annulation pour excès
de pouvoir.
Le commissaire du gouvernement Helbronner montra que
l'existence de règles légales concernant les conditions d'aptitude
à une fonction publique (âge, durée de services, diplômes,
etc...) ne fait pas obstacle à ce que le ministre écarte, dans
l'intérêt du service, les candidats qu'il juge inaptes à remplir les
fonctions auxquelles ils vont être appelés : « L'État a le droit...
de s'assurer que le candidat à une fonction ne se trouve pas
dans le cas de ne pas la remplir selon l'esprit et le but eh vue
desquels la loi l'a instituée.
L'autorité qui fait la nomination a
dème forcément, dans l'intérêt du service que la fonction a pour
but d'assurer, à excercer un certain pouvoir d'appréciation sur
les mérites des candidats.
Ce pouvoir d'appréciation, souvent
qualifié de· « discrétionnaire », appartient à l'administration,
tantôt en vertu de texte exprès - c'était le cas de l'espèce -,.
tantôt en vertu du principe général selon lequel le gouvernement est chargé d'assurer la bonne m~rche des services publics
(sur ce point, cf.
C.E.
7 févr.
1936; Jr,zmart*).
Mais le commissaire du gouvernement ajoutait que ce pouvoir, restreint progressivement par la jurisprudence, s'exerce dans le cadre des
'lois et sous le contrôle du juge : « C'est un plein pouvoir
d'appréciation pour celui qui en est investi, à condition qu'il
l'exerce légalement et dans le but pour lequel il a été créé.
Les
conditions dans lesquelles il s'exerce échappent en principe au
contrôle du....
»
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