C.E. 10 févr. 1905, TOMASO GRECCO, Rec. 139, concl. Romieu (S. 1905.3.113, note Hauriou; D.-1906.381, concl. Romieu)
Publié le 20/09/2022
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«
RESPONSABILITÉ
DE LA PUISSANCE PUBLIQUE
SERVICES DE POLICE
C.E.
10 févr.
1905, TOMASO GRECCO, Rec.
139, concl.
Romieu
(S.
1905.3.113, note Hauriou;
D.-1906.381, concl.
Romieu)
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre : - Cons.
que la
requête contient l'énoncé des faits invoqués par le sieur Grecco comme
engageant la responsabilité de l'État; que, dès lors, elle satisfait aux
,conditions exigées par l'art.
ter du décret du 22 juill.
1806:
Au fond : - ,Cons.
qu'il ne résulte pas de l'instruction que le coup
de feu qui a atteint le sieur Grecco ait été tiré par le gendarme
Mayrigue, ni q�e l'accident, dont le requérant a été victime, puisse êtrè
attribué à une faute du service public dont l'administration serait
responsable; que, dès lors, le sieur Grecco n'est pas fondé à demander
l'annulation de la décision par laqu\:Ile-le ministre de la guerre a refusé
de lui allouer ùne indemnité;_...
(Rejet).
62
LES GRANDS ARRfilS ADMINISTRATIFS
OBSERVATIONS
Un taureau devenu furieux s'étant échappé à Souk-el-Arbas
(Tunisie), la foule s'était lancée à sa poursuite; un coup de feu
fut tiré, blessant le sieur Tomaso Grecco à l'int~rieur de sa
maison.
La victime demanda une réparation à l'Etat en alléguant que le coup de feu avait été tiré par un gendarme et que,
de toute façon, le service de police avait commis une faute en
n'assurant pas l'ordre de manière à éviter de tels incidents.
L'état de la jurisprudence antérieure à 1905 ne l!tissait guère
de chances de s-gccès au requérant.
Le Conseil d'Etat décidait
en effet que « l'Etat n'est pas, en tant que puissance publique, et
notamment en ce qui touche les mesures de police, responsable de
la négligence de ses agents» (C.E.
13 janv.
1899, Lepreux,
·Rec., 18; S.
1900.-3.1, note Hauriou); pour les fautes commises
par le service de police, le Conseil d'État maintenait donc
l'ancien principe d'irresponsabilité de la puissance publique.
Le commissaire du gouvernement Romieu proposa d'étendre
à ces services le principe d'après lequel la puissance publique
doit être déclarée pécuniairement responsable, des fautes de
service commises par ses agents.
Le Conseil d'Etat suivit cette
suggestion : sans doute rejeta-t-il la demande d'indemnité
présentée par le sieur Grecco, mais il le fit pour des raisons -de
'fait tirées de l'espèce - absence de faute imputable à la police
dans l'affaire qui foi était soumise - et n'invoqua plus le
principe de l'irresponsabilité de l'État pour les services de
police.
Le commissaire du gouvernement avait cependant ajouté que,
pour les services de police comme pour tqut autre service, la
responsabilité de l'administration « n'est ni générale, ni absolue», selon les termes de l'arrêt Blanco* (T.
C.
8 févr.
1873) :
« c'est pourquoi toute erreur, toute négligence, toute irrégularité...
n'entraînera pas nécessairement la responsabilité pécuniaire de la personne publique.
Il appartient au juge de
déterminer, dans chaque espèce, s'il y a une faute caractérisée
du service de nature à engager sa responsabilité, et de tenir
compte, à cet effet, tout à la fois de la nature de ce service, des
aléas et des difficultés qu'il comporte, de la part d'initiative et
de liberté dont il a besoin, en même temps que de la nature des
droits individuels intéressés, de leur importance, du degré de
gêne qu'ils sont tenus de supporter, de la protection plus ou
moins grande qu'ils méritent, et de la gravité de l'atteinte dont
ils sont l'objet».
La jurisprudence ultérieure devait en effet
préciser que seule une faute lourde pouvait engager la responsabilité de la puissance publique pour les services de police, à
raison tant de la difficulté particuli~re des tâches de la police
que de la nécessité de ne pas « paralyser » ces services par la
menace d'une responsabilité pécuniaire encourue pour toute
_,t
lt
\.
•
10
FÉY.
1905,
TOMASO GRECCO
63
faute, même légère.
Le commissaire du gouvernement Rivet a
exposé ces motifs en ces termes, dans ses conclusions sur
l'affaire Clef (C.E.
13 mars 1925, R.
D.
P.
1925.274) : « Pour
s'acquitter de la lourde tâche de maintenir l'ordre dans la'rue,
les forces de police ne doivent pas voir leur action énervée par
des menaces permanentes de complications contentieuses.
»
Cette restriction quant à la gravité de la faute commise a été
maintenue, mais assortie de nombreuses nuances et limitations.
L'exigence de la faute lourde demeure essentiellement pour
les activités de police qui interviennent dans le « feu de
l'action» et présentent donc un caractère de difficulté.
Elle
concerne les activités matérielles, sur le terrain pourrait-on
dire : faute....
»
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