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CASANOVA : sa vie et son oeuvre

Publié le 20/11/2018

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casanova
CASANOVA DE SEINGALT Jacques, pseudonyme de Giacomo Casanova (1725-1798). Le xviiie siècle, âge d’or du libertinage, a été également une époque privilégiée pour les aventuriers : charlatans, escrocs, magiciens, joueurs parcouraient alors l'Europe en tous sens et accumulaient de ville en ville leurs exploits. Giacomo Casanova, né à Venise de parents comédiens, fut certes l’un des plus brillants représentants de cette corporation, mais rien ne le prédestinait, apparemment, à entrer dans la légende. Successivement séminariste, militaire et licencié en droit, il fut jeté en prison en 1755 pour athéisme, libertinage et pratique de la magie : évadé quinze mois plus tard, il se jeta alors sur les routes. Choyé par la fortune, il courut de succès en succès pendant une quinzaine d’années, mais il devait se retrouver, aux abords de la cinquantaine, privé de toutes ressources. Recueilli en 1785 au château de Dux, en Bohême, par le comte Waldstein, il décida bientôt, pour tromper son ennui, de raconter l’histoire de sa vie : ce fut pour lui, littéralement, une seconde naissance. Le héros qu'il a créé à partir de lui-même n'a cessé, depuis son apparition. de fasciner ses lecteurs successifs.
 
Le plaisir, le bonheur
 
C'est en 1790 que Casanova a commencé la rédaction de ses Mémoires. Il avait jusque-là beaucoup écrit : des lettres, des textes historiques, des traductions, des libelles et un volumineux roman, l'Icosaméron (publié à Prague en 1788). Mais ce qu'il entreprend désormais est d’un tout autre ordre : il s’agit pour lui de déjouer le temps et l’espace pour ressusciter sa jeunesse et goûter de nouveau, un à un, ses bonheurs. A mesure que sa plume court sur le papier, jour après jour jusqu'à sa mort en 1798, il se soustrait aux atteintes de la réalité, et il se réincarne dans un personnage proprement fabuleux.
 
« Ma vie, dit Casanova, est ma matière; ma matière est ma vie ». Par la vertu de l'écriture, son existence est maintenant devant lui, offerte aux constructions de la mémoire et du rêve, prête à s’actualiser toute neuve au fil de sa plume. « Membre de l'univers, je parle à l’air, et je me figure de rendre compte de ma gestion » : faut-il ajouter qu’il procède moins en historien qu’en romancier amoureux du monde et, au centre du monde, avant tout épris de lui-même? Toutes les émotions qu’il a connues, il les éprouve plus fortes que naguère, et il vole de surprise en bonheur, innocent, irrésistible, adoré. Voici Henriette, Thérèse, Lucrèce, Marceline, Véronique, Esther : actrices, femmes du monde, nonnes, soubrettes, bourgeoises, fillettes au bord de la puberté ou beautés épanouies, cœurs sensibles ou corps mercenaires. Et voici des amourettes, des colloques expédiés à la hâte, de grands coups de passion, des raffinements de sensibilité. Mais, avec don Juan, Lovelace ou Valmont, ses rivaux en littérature et en mythologie, Casanova n’entretient que des rapports de lointain cousinage. Ce qui le pousse, lui, sur le théâtre du monde, c’est tout uniment le goût du plaisir.
 
L’amour ne lui sert ni à éprouver son empire sur autrui ni à jeter des défis au diable ou au bon Dieu : s’il comble sa vanité, il lui permet encore plus sûrement de trouver une sorte d'accord bienveillant avec l’univers. La sensualité de Casanova est ardente, spontanée, avide de conclure. Elle balaie les obstacles avec une verve irrésistible, et, s’il lui faut composer, menacer, tricher ou acheter pour vaincre, elle n’hésite jamais, mais elle ne puise pas simplement sa force dans le charme, la prestance et le bagout du séducteur : Casanova enlève les places d’assaut par la vertu d'un optimisme prodigieusement dynamique et d’une confiance en soi qui est la chose du monde la plus communicable. Toutes les femmes éveillent sa curiosité. A toutes, il prend soin de donner du plaisir en ménageant le sien. S’en déprend-il une à une, qu’il s’ingénie chaque fois qu’il le faut à les déprendre également de lui-même, à les dédommager ou à les éta
 
blir. Les échecs, les vilenies et les maladies de l’amour, il les passe par pertes et profits, et c’est ainsi qu'il va jusqu'à la quarantaine.
 
Puis vient le moment où il ne possède plus ce qu'il appelle le « suffrage à vue », et son système s’effondre : « Ayant l’air d’un papa plus que d’un galant, je ne croyais plus avoir ni des droits ni des justes prétentions », avoue-t-il à quarante-cinq ans. Mais il continue encore quelque temps sur son erre, et ne comptez pas sur lui pour faire un drame d'une histoire qu'il a dédiée au bonheur : s’il interrompt son récit à l’année 1774, lorsqu’il vient d'obtenir la grâce des inquisiteurs d'État de Venise, ce n'est sûrement pas un effet du hasard, ou parce que ses forces l'auraient alors trahi. On peut penser, au contraire, qu’il s’est arrangé avec lui-même pour écarter de son livre les ombres de la défaite, de la pauvreté et de la compromission, de manière à préserver l'image qu’il voulait laisser au monde des salissures que la vie a fini par lui infliger. Il lui fallait absolument être en position d'écrire encore en 1797 : «A l'âge de soixante et douze ans, où je peux dire vixi, quoique je respire encore, je ne saurais me procurer un amusement plus agréable que celui de m’entretenir de mes propres affaires et de donner un noble sujet de rire à la bonne compagnie qui m'écoute ».
 
L'Europe buissonnière
 
On aurait tort, cependant, de négliger chez Casanova l’aventurier au profit de l’amoureux. Non seulement la trajectoire de l'un se confond exactement avec le parcours de l'autre, mais cet « étourdi intéressant, assez beau cheval d'une bonne race » n’a jamais limité le plaisir des sens à la sexualité : son penchant pour la bonne chère et pour le luxe, son goût du paraître, sa passion pour le savoir, sa curiosité universelle, la virtuosité de son éloquence, tout cela est essentiel à son personnage et indissociable de sa définition du bonheur.
 
Enfant de la balle, doué d’une mémoire et d’une promptitude d'esprit à toute épreuve, pourvu dès son jeune âge d’un solide bagage de connaissances, il apprend vite ce qu'il faut pour se faufiler dans la société : une teinture suffisante de bonnes manières, valorisée par un usage facile de la langue française; une forte dose d'aplomb, qui peut tourner à l'insolence, mais qu’un zeste d’obséquiosité vient tempérer à point; un coup d’œil juste, qui perce d'emblée chez autrui le défaut de la cuirasse; mais aussi de la familiarité avec les sciences occultes, de l’habileté aux cartes, un sens aigu de la mise en scène.
 
Pour mettre le pied à l’étrier, il suffit à Casanova d'une première dupe : une fois ferré le sénateur Braga-din, vieil homme entiché de magie qui le prend pour fils adoptif, il peut aller de l’avant. Enfermé dans la redoutable prison des Plombs, il réussit une évasion retentissante, dont le récit lui servira de morceau de bravoure dans les salons, et le voilà sur les routes de l'Europe.
 
Pendant dix-huit années, il va ainsi courir la vie à grandes guides. L’œil allumé, le nez au vent, il se promène d’Italie en France, d’Allemagne en Suisse, d’Angleterre en Espagne, et il pousse même une pointe jusqu'en Russie, échafaudant sans relâche de mirifiques projets, se refaisant aux cartes chaque fois qu’il le faut, toujours hâbleur et parfois escroc, poète à l’occasion et spectateur passionné des choses, des lieux et des gens. A Paris, il est receveur de la loterie de l’Ecole militaire. A Rome, il se fait donner la croix de l’Éperon d’or, et, par la raison que « l’alphabet est public » et que « chacun est maître de s’en servir pour créer une parole et la faire devenir son propre nom », il se baptise chevalier de Seingalt. A Potsdam, il soumet des plans à Frédéric II.

casanova

« vilégiée pour les aventuriers : charlatans, escrocs, magi­ ciens, joueurs parcouraient alors l'Europe en tous sens et accumulaient de ville en ville leurs exploits.

Giacomo Casanova, né à Venise de parents comédiens, fut certes 1' un des plus brillants représentants de cette corporation, mais rien ne le prédestinait, apparemment, à entrer dans la légende.

Successivement séminariste, militaire et licencié en droit, il fut jeté en prison en 1755 pour athéisme, libertinage et pratique de la magie : évadé quinze mois plus tard, il se jeta alors sur les routes.

Choyé par la fortune, il courut de succès en succès pen­ dant une quinzaine d'années, mais il devait se retrouver, aux abords de la cinquantaine, privé de toutes ressources.

Recueilli en 1785 au château de Dux.

en Bohême, par Je comte Waldstein, il décida bientôt, pour tromper son ennui, de raconter l'histoire de sa vie : ce fut pour lui, littéralement, une seconde naissance.

Le héros qu'il a créé à partir de lui-même n'a cessé, depuis son appari­ tion.

de fasciner ses lecteurs successifs.

le plaisir, le bonheur C'est en 1790 que Casanova a commencé la rédaction de ses Mémoires.

Il avait jusque-là beaucoup écrit : des lettres, des textes historiques, des traductions, des libel­ les et un volumineux roman, l' lcosaméron (publié à Pra­ gue en 1788).

Mais ce qu ·il entreprend désormais est d'un tout autre ordre : il s'agit pour lui de déjouer le temps et l'espace pour ressusciter sa jeunesse et goûter de nouveau, un à un, ses bonheurs.

A mesure que sa plume court sur le papier, jour après jour jusqu'à sa mort en 1798, il se soustrait aux atteintes de la réalité, et il se réincarne dans un personnage proprement fabuleux.

« Ma vie, dit Casanova, est ma matière; ma matière est ma vie».

Par la vertu de l'écriture.

son existence est maintenant devant lui, offerte aux constructions de la mémoire et du rêve, prête à s'actualiser toute neuve au fil de sa plume.

«Membre de l'univers, je parle à l'air, et je me figure de rendre compte de ma gestion >> : faut-il ajouter qu'il procède moins en historien qu ·en romancier amoureux du monde et, au centre du monde, avant tout épris de lui-même? Toutes les émotions qu'il a connues, il les éprouve plus fortes que naguère, et il vole de sur­ prise en bonheur, innocent, irrésistible, adoré.

Voici Henriette, Thérèse, Lucrèce, Marceline, Véronique, Esther : actrices, femmes du monde, nonnes, soubrettes, bourgeoises, fillettes au bord de la puberté ou beautés épanouies, cœurs sensibles ou corps mercenaires.

Et voici des amourettes, des colloques expédiés à la hâte, de grands coups do! passion, des raffinements de sensibilité.

Mais, avec don Juan, Lovelace ou Valmont, ses rivaux en littérature et en mythologie, Casanova n'entretient que des rapports de lointain cousinage.

Ce qui le pousse, lui, sur le théâtre du monde, c'est tout uniment le goût du plaisir.

L'amour ne lui sert ni à éprouver son empire sur autrui ni à jeter des défis au diable ou au bon Dieu : s'il comble sa vanité, il lui permet encore plus sûrement de trouver une sorte d'accord bienvei liant avec 1' uni vers.

La sen­ sualité de Casanova est ardente, spontanée, avide de conclure.

Elle balaie les obstacles avec une verve irrésis­ tible, et, s'il lui faut composer, menacer, tricher ou ache­ ter pour vaincre, elle n'hésite jamais, mais elle ne puise pas simplement sa force dans le charme, la prestance et le bagout du séducteur : Casanova enlève les places d'assaut par la vertu d'un optimisme prodigieusement dynamique et d'une confiance en soi qui est la chose du monde la plus communicable.

Toutes les femmes éveil­ lent sa curiosité.

A toutes, il prend soin de donner du plaisir en ménageant Je sien.

S'en déprend-il une à une, qu'il s'ingénie chaque fois qu'il le faut à les déprendre également de lui-même, à les dédommager ou à les éta- blir.

Les échecs, les vilenies et les maladies de l'amour, il les passe par penes et profits, et c'est ainsi qu'il va jusqu'à la quarantaine.

Puis vient le moment où il ne possède plus ce qu'il appelle le« suffrage à vue >>, et son système s'effondre : «Ayant l'air d'un papa plus que d'un galant, je ne croyais plus avoir ni des droits ni des justes préten­ tions».

avoue-t-il à quarante-cinq ans.

Mais il continue encore quelque temps sur son erre, et ne comptez pas sur lui pour faire un drame d'une histoire qu'il a dédiée au bonheur : s'il interrompt son récit à 1' année 1774, lors­ qu'il vient d'obtenir la grâce des inquisiteurs d'État de Venise.

ce n'est sûrement pas un effet du hasard, ou parce que ses forces l'auraient alors trahi.

On peut pen­ ser, au contraire, qu'il s'est arrangé avec lui-même pour écarter de son livre les ombres de la défaite, de la pau­ vreté et de la compromission, de manière à préserver lïmage qu'il voulait laisser au monde des salissures que la vie a fini par lui infliger.

Il lui fallait absolument être en position d'écrire encore en 1797 : «A l'âge de soi­ xante et douze ans, où je peux dire vixi, quoique je respire encore, je ne saurais me procurer un amusement plus agréable gue celui de m'entretenir de mes propres affaires et de donner un noble sujet de rire à la bonne compagnie qui m'écoute>> .

L'Europe buissonnière On aurait tort, cependant.

de négliger chez Casanova l'aventurier au profit de l'amoureux.

Non seulement la trajectoire de l'un se confond exactement avec le par­ cours de J'autre, mais cet « étourdi intéressant, assez beau cheval d'une bonne race >> n'a jamais limité le plai­ sir des sens à la sexualité : son penchant pour la bonne chère et pour le luxe, son goût du paraître, sa passion pour le savoir, sa curiosité universelle, la virtuosité de son éloquence, tout cela est essentiel à son personnage et indissociable de sa définition du bonheur.

Enfant de la balle, doué d'une mémoire et d'une promptitude d'esprit à toute épreuve, pourvu dès son jeune âge d'un solide bagage de connaissances, il apprend vite ce qu'il faut pour se faufiler dans la société : une teinture suffisante de bonnes manières, valorisée par un usage facile de la langue française; une forte dose d'aplomb, qui peut tourner à l'insolence, mais qu'un zeste d'obséquiosité vient tempérer à point; un coup d'œil juste, qui perce d'emblée chez autrui le défaut de la cuirasse; mais aussi de la familiarité avec les sciences occultes, de J'habileté aux cartes, un sens aigu de la mise en scène.

Pour mettre le pied à l'étrier.

il suffit à Casanova d'une première dupe : une fois ferré le sénateur Braga­ dio, vieil homme entiché de magie qui le prend pour fils adoptif, il peut aller de J'avant.

Enfermé dans la redoutable prison des Plombs, il réussit une évasion retentissante, dont le récit lui servira de morceau de bra­ voure dans les salons, et le voilà sur les routes de l'Europe.

Pendant dix-huit années, il va ainsi courir la vie à grandes guides.

L'œil allumé, le nez au vent, il se pro­ mène d'Italie en France, d'Allemagne en Suisse, d'An­ gleterre en Espagne, et il pousse même une pointe jus­ qu'en Russie, échafaudant sans relâche de mirifiques projets, se refaisant aux cartes chaque fois qu'il le faut, toujours hâbleur et parfois escroc, poète à l'occasion et spectateur passionné des choses, des liel!x et des gens.

A Paris, il est receveur de la loterie de l'Ecole militaire.

A Rome, il se fait donner la croix de l'É peron d'or, et, par la raison que« l'alphabet est public » et que « chacun est maître de s'en servir pour créer une parole et la faire devenir son propre nom>>, il se baptise chevalier de Seingalt.

A Potsdam, il soumet des plans à Frédéric Il.. »

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