Carzou (Jean)

« ' ) 1" février 1967 Série C-14 Fiche No 1596 Carzou (Jean) 1.

Les toiles du peintre français Carzou participent d'un univers féerique où l'inquié­ tude des paysages désertiques baigne étrangement dans une luminosité apaisante.

Ce visionnaire a choisi de traduire son angoisse par l'effroi et la brutalité, mais de l'exorciser en extrayant patiemment, comme il le dit lui-même, cette « magie qui existe en toute chose "· 2.

Né en 1907, Jean Carzou montre très tôt d'heureuses dispositions pour le dessin.

Titulaire d'une bourse pour l'Ecole spéciale d'architecture, il ne renonce pas pour autant à suivre les cours des académies de Montparnasse.

Sa première exposition particulière, en 1939, lui vaut un prix de peinture.

Depuis 1930, il participe régulière­ ment à des salons d'ensemble où ses œuvres attirent l'attention.

On le verra passer successivement du Salon des Indépendants au Salon de Mai, puis au Salon des Peintres témoins de leur temps.

En 1949, le quatrième Prix Hallmark vient récomj:'enser sa toile « Le Berger et les Mages "· Carzou voyage en Egypte, au Liban, en Suis3e.

Venise surtout l'attire et lui offre le thème d'une exposition célèbre en 1953.

En 1957, une série de toiles illustrent brillamment l'Apocalypse et confirment la renommée d'un artiste travaillant à l'écart de tous les groupes.

3.

Initialement passionné par les recherches de formes pures et par les couleurs en liberté, Carzou ne succombe cependant pas à la séduction de l'art abstrait.

Par-delà l'éclatement cie couleurs en fusion, le monde resurgit, les rues de Paris, un person­ nage féminin qui va hanter la plupart des toiles, des forêts, la campagne française.

Dès 1936, Carzou, selon son expression "met de l'ordre dans ses tableaux ••.

Le "Vieux Château " n'est pas sans évoquer Claude Lorrain, comme, plus tard, la célé­ bration de Venise retrouvera la luminosité de Canaletto.

Pourtant, si la calme ordon­ nance du tableau exclut le démoniaque, elle ne cesse de nourrir le goût de l'artiste pour 'le magique et le fabuleux.

Carzou définit d'ailleurs son réalisme fantastique quand il avoue: ..

La réalité est· riche et pour moi, toute chose me parait baigner dans une lumière extra-lucide.

" 4.

Le monde offre son décor naturel à la réflexion du peintre sur le peu de présence de l'homme.

L'œuvre porte, comme une protestation tacite, la marque des années de guerre: villes, champs et ports dévastés dénoncent la folie meurtrière.

Réfugié à Prades er:.

1941, Carzou a pris contact avec l'univers paysan.

Les machines agricoles mêlées aux canons brisés semblent les derniers vestiges d'une civilisation que l'on pourrait croire moribonde, n'étaient, comme une note d'espoir, la luminosité du ciel, une fleur, une couleur souriante, qui viennent in extremis substituer la légèreté féerique au tragique naissant.

Le merveilleux se donne aussi dans le thème de la forêt, dont l'attrait lui vient d'un séjour en Bourgogne.

Il y puisera le décor du cc Loup», ballet d'Henri Dutilleux réglé par Roland Petit.

5.

Les œuvres du peintre témoignent de son habileté.

A la plénitude des tons répond un style linéaire serré et pointu, auquel Bernard Buffet doit beaucoup.

Sa précision dans le détail lui a valu d'illustrer de façon remarquable plusieurs livres (Maurois, Audiberti, etc.).

Son talent d'Illustrateur s'était d'ailleurs affirmé dès 1932 dans la revue Comoedla, où il fit ses premiers pas.. »