CARNET LECTURE MANON LESCAUT
Publié le 11/06/2024
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CARNET DE LECTURE
MANON LESCAUT ABBÉ PRÉVOST 1753
1
MANON LESCAUT PRÉSENTATION DE L’OEUVRE
INTRODUCTION
Manon Lescaut est le 7 ème volume d'une œuvre intitulée Mémoires d'un
homme de qualité que l'auteur, François Prévost a volontairement détaché
de l'ensemble, en lui donnant un titre particulier : Histoire du chevalier
Des Grieux et de Manon Lescaut paru en 1731 et qui sera publié
séparément, dès 1753 sous le titre de Manon Lescaut.
L'œuvre offre de multiples intérêts :
1) Un intérêt documentaire : les héros sont deux libertins représentatifs
d'une période très libertine de l'histoire de France qu'ils nous font revivre :
La Régence de Philippe d'Orléans.
2) Des Grieux ressemble fort à l'auteur lui-même et l'œuvre prend ainsi
l'allure d'une autobiographie astucieusement camouflée.
3) Un intérêt émotionnel : C'est l'histoire d'une passion fatale, et celle
d'une amitié virile (celle de Des Grieux et de Tiberge que la vie va
séparer), ce qui explique le succès de cette œuvre au XVIIIème, mais
aussi au XIXème et de nos jours, où la corruption et l'amour sont souvent
mêlées.
Les héros sont « une catin » et « un fripon », mais ils s'aiment et
nous les aimons.
4) Un intérêt didactique : par le rapport entre l'Argent et l'Amour.
(Cf :
rôle de l'argent (puissance et destruction) ? Argent et Bonheur.) ; mais
aussi un intérêt didactique par la force des passions, par la valeur
cathartique de la tragédie : Manon se repent.
5) Un intérêt symbolique : on retrouve la lutte interne dans la
psychologique des personnages.
6) Enfin, un intérêt du roman dans le Parcours « Personnages en marge et
plaisir du romanesque.
»
2
CONTEXTE HISTORIQUE ET SOCIAL DE LA RÉGENCE
La monarchie absolue, de droit divin se relâche en 1715 avec la mort de
Louis XIV, elle durera toutefois jusqu'à la révolution.
NB : La Régence, dans l’histoire du royaume de France, est la période
de régence instaurée à la mort de Louis XIV (1er septembre 1715) à cause
du trop jeune âge de son héritier désigné, Louis XV, qui n’a que 5 ans et 9
mois.
La Régence se termine officiellement à la majorité de Louis XV (13
ans et 1 jour) le 16 février 1723, mais une « régence politique » se
poursuit.
Avant la Régence : La monarchie pure et dure :
C’est une époque de despotisme :
- où l'Église et le Pouvoir collaborent.
- où le droit chemin est défini par des principes, en effet, pour être
honnête homme il suffit d'accepter de vivre selon les principes en vigueur
(le classicisme est un art de vivre à l'aise dans une société rigoureuse,
morale et hiérarchisée).
- où le Bien est ce qui était raisonnable et où ce qui est raisonnable est ce
qui est voulu par Dieu et le Roi.
- où le Raisonnable s'oppose à la liberté et à la passion : la littérature
orthodoxe ne cesse de montrer le danger des passions et de la liberté.
(Mort de Don Juan, Mort de Phèdre, Morale des Fables de La Fontaine)
- où la littérature « orthodoxe » cherche à "plaire et à instruire", ce qui
signifie dans les faits : "séduire et manipuler" dans le but d'intégrer.
- où les courants de contestations sont jugulés au point de paraître
marginaux et secondaires.
(Courant Baroque, Courant Libertin, Querelles
entre jésuites et jansénistes autour de la casuistique, Querelles entre
Anciens et Modernes).
3
Pendant : La Régence
C'est ce magma de contestations qui va profiter d'une faille : celle de la
Régence, pour exploser.
C'est cette explosion qui marque le changement
de vie et de pensée du XVIII ème siècle.
Ceux qui avaient été opprimés
s'expriment et imposent leurs idées.
À l'austérité et à la dévotion affectée de la « vieille cour » du RoiSoleil, elle fait succéder la gaieté et la licence.
Dans les salons où
se côtoient nobles et roturiers, on se met à « philosopher », c'està-dire à « rendre à la raison toute sa dignité » et à « secouer le
joug de la tradition et de l'autorité ».
Chez la marquise de
Lambert, chez la duchesse du Maine et chez le duc de Sully
trônent Montesquieu, Marivaux, Voltaire, le
président Hénault, Fontenelle, Mme Dacier, Houdar de La Motte.
1) Les marginaux d'idées et de mœurs (les libertins) divulguent
leur matérialisme, leur athéisme et leur Epicurisme : ils imposent
l'idée d'une recherche primordiale du Bonheur terrestre, ce qui
destitue la promesse éventuelle du Paradis et la philosophie stoïcienne
fondée sur l'idée d'une souffrance rédemptrice.
2) Ils refusent d'être déterminés et soumis à une puissance
supérieure à eux : ils se veulent libres d'assumer leur vie et ils
veulent chercher eux-mêmes les critères du Bien, du Mal, du Bon,
du Juste, etc.
Ainsi tout va être mis à plat pour être vérifié : il faut
faire la lumière, il faut trouver la Vérité.
C'est le doute total, le
scepticisme, et l'effervescence intellectuelle.
3) Ils refusent tout principe aliénant non rationnel : les dogmes,
l'obscurantisme religieux, la tyrannie (despotisme), principes moraux,
sociaux, politiques.
4) Ils refusent toute entrave à la Paix, sentie comme un élément
fondateur du Bonheur terrestre et reflet de l'intolérance : inadmissible
dans un contexte de recherche, de relativité (racisme, fanatisme,
traditions et idées reçues).
5) Ils n'admettent que deux seuls principes :
a) la foi dans le progrès : optimisme face à l'avenir
b) la foi en l'homme : confiance en la nature humaine
4
6) Ils conservent du siècle précédent :
a) une langue (le français moderne) propre à l'abstraction, langue
qu'ils vont élaborer encore davantage.
b) une conception engagée de la littérature en tant que moyen de
véhiculer des idées (conception humaniste).
c) un raisonnement cartésien : logique, clarté, preuve : c'est le
rationalisme.
(Culte de la Raison : du mathématique).
Les Excès de la période
C'est à cause de cette violence due à un phénomène d'attrait pour
l'interdit que des excès vont être commis :
1) La confusion s'installe entre Bonheur et Plaisir, entre Bonheur
et confort.
On boit, on fume (la pipe) cf.
: prix du tabac et position de
l'Eglise face à l'herbe d'enfer).
On fréquente les salles de jeux, les cafés et
les clubs privés.
La mode vestimentaire est aux décolletés plongeants, aux
vêtements amples et transparents.
On souligne de bleu le tracé des veines
sur les mains...
Ces confusions posent d’une part le problème de la définition du mot
Luxe, et d’autre part, le problème de la définition du mot Luxure
(correction/ débauche).
2) L'argent devient une valeur essentielle pour accéder au
"Bonheur" : tout devient possible pour arriver à en gagner : la triche
comme le meurtre.
3) La frivolité devient la règle commune et le cynisme s'installe :
c'est la « dolce vita » qui tourne parfois à la perversion.
Et ce avec
d'autant de facilité que l'athéisme se développe et que la casuistique
jésuite excuse tout.
La question des déportations
La Louisiane est alors une colonie française.
Les colons réclament des
femmes blanches.
Après les départs des "laiderons", ce sont toutes les
jeunes femmes nubiles (en âge d’être mariées) hors la loi qui sont, entre
5
1717 et 1720, expatriées en Louisiane.
Certaines femmes se mutinent
pour échapper à cet exil forcé et à cette atteinte à leur liberté.
Des slogans, dans les journaux, vantent de façon mensongère les mérites
de la Louisiane, pays de l'or, du soleil et de la profusion.
La réalité y est
tout autre : une zone marécageuse infestée de moustiques, chaude et
humide, une centaine de baraques et un régime dictatorial.
NB : la majorité des rois de France avait été fixée à 15 ans en 1220 puis
à 14 ans en 1374.
La question du libertinage
Au XVIème siècle le mot « libertin » entre dans la langue ; il a alors
le sens restreint de « indocile aux croyances religieuses ».
Il a
pour étymologie latine « libertinus » signifiant « affranchi »,
libéré.
Les libertins sont peu nombreux : ce sont des hérétiques qui
préfèrent l'épicurisme au stoïcisme prêché par la morale judéo-chrétienne
dont ils s'affranchissent.
Ils cherchent le bonheur et les biens terrestres.
Au XVIIème siècle, la religion chrétienne catholique est dominante.
Louis XIV établit une monarchie absolue de droit divin et gouverne avec le
Cardinal de Richelieu.
Le libertin est un dissident à l'orthodoxie
chrétienne ; c'est un libertin d'esprit, qui, par provocation, lance un
défi à l'Eglise pour affirmer sa liberté.
En ce sens le libertin est un
mécréant, un impie.
C'est aussi un dissident et un réfractaire à la morale sociale : il
n'accepte pas que la société cherche à maîtriser ses instincts et établisse
une scission entre le haut et le bas, entre Dieu et les hommes, entre la
tête et le sexe, entre le cœur et la raison.
Il refuse toute entrave à sa
liberté, tout ce qui s'oppose à son envie de satisfaction immédiate.
Sa
seule règle est son plaisir.
En cela libertin, le libertin est un amoral,....
»
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