Candide, commentaire composé du Chapitre 3: Rien n'était si beau, si leste, si brillant... avaient fait de même.
Publié le 17/05/2020
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" Rien n'était si beau, si leste, si brillant...
avaient fait de même."
Déchu du paradis, Candide tombe sur l'un des pires fléaux crée par l'homme : la guerre.
Son évocation a été préparée au chapitre 2 par la satire de lasociété militaire (enrôlement forcé, entraînement mécanique, prestige de l'uniforme, rigueur des châtiments corporels…)
Pour dénoncer la guerre, fausse valeur, Voltaire utilise deux procédés différents et successifs.
D'abord, il traite le sujet avec ironie, dévoilant, sous ledécor pompeux et rutilant , sa triste réalité.
Puis, avec la description des atrocités, subies par les civils, c'est lémotion, la révolute du lecteur qu'il solicite.Enfin, à travers plusieurs allusions, il désigne les responsables de cette absurdité.
I.
UNE "BOUCHERIE HEROÏQUE".
A.
Un spectacle grandiose
Le combat se présente comme un spectacle "théâtre de la guerre" musical et dansant, qui tourne ensuite au cauchemar.
La fête commence par deuxphrases hyperboliques de registre épique, qui décrit les deux armées face à face avant la bataille.
L'hyperbole utilise ici l'accumulation de termes :adjectifs et noms d'instruments, mais également des tournures superlatives "rien n'était si… que" (l.1) "telle qu'il n'y en eut jamais" (l.3).
Elle estfréquente dans le genre littéraire de l'épopée, qui retrace les exploits, souvent guerriers, de héros exceptionnels.
Le mot "héros" apparait trois fois dansle texte.
Les adjectifs laudatifs se suivent et le nombre de leurs syllabes augmente, procédé fréquent d'amplification oratoire : "beau", "leste", "brillant""ordonné" (L.1).
La guerre débute par une parade militaire en musique (trompettes, hautbois, tambours, canons) et se clôt par une cérémonie avec deschants de remerciement a Dieu.
" TE DEUM"
B.
Parodie de l'épopée : L'ironie par le contraste
Voltaire parodie l'épopée , par un des contrastes entre registre noble et bas, entre le symbolique et la réalité sordide.
les soldats sont a la fois des"héros" , et des victimes anonymes traitées avec mépris : des "coquins" qui "infectaient' la surface de la terre (l.7).
Les canons, d'abords instruments demusiques parmi d'autres, deviennent des instrument de mort.
Le combat se déroule en trois phases et phrases construites sur un même modèle : lamention des armes ; qui vont de l'assaut à distance vers l'affrontement corps à corps (canon, mousquetaires, baïonnette) ; l'expression imagée de lamort "renversement" "ôta du meilleur des mondes"", "fut la raison suffisante de la mort" (l4 a 8) , le dénombrement des défunts ' a peu près six mille","neuf a dix mille", "quelques milliers", les approximations montrent a quel point la vie humaine individuelle compte peu dans la guerre.
Suit un bilanobjectif et sinistre : "le tout pouvait bien se monter à une trentaine de mille âmes" (l9).D'où la trouvaille verbale finale sous forme d'oxymore la "boucherie héroïque" (l11° réunit significativement les deux faces de la médaille de la guerre etillustre un carnage sanglant et atroce, compare à l'exécution d'animaux dans un abattoir, glorifié sous le masque épique.
II.
UN APPEL A L'ÉMOTION : LE MASSACRE DES CIVILS.
A.
Des victimes sans défense
Après cette ironie cinglante et froide sur "la guerre en dentelles" des petits soldats de plomb fâchés sur l'herbe qui s'achève en "tas de morts et demourants" (L.16).
Voltaire, par l'intermédiaire de Candide, qui s'enfuit passe aux abords du champ de bataille, dans les "villages" , également ravagé parle conflit, mais ici pas de parade ni flonflons : c'est l'horreur du massacre des civils, qui n'ont rien à voir avec la guerre.
Ici, plus de militaires dans leursbeaux uniformes et armés , professionnels, s'affrontant dans un combat égal.
Les mêmes soldats se livrent au meurtre sur les êtres les plus faibles de lasociété : "vieillards", mère et leurs nourrissons, jeunes filles, auxquelles le viol n'est pas épargné "besoins naturels de quelques héros" (L.22)
B.
Un chaos tragique
Le réalisme préfigure le tableau Guernica de Picasso, qui décrit le bombardement d'un village durant la guerre d'Espagne en 1937 : comme le peintrecubiste, choqué par l'actualité, l'écrivain traduit sa colère et son épouvante par une femme hurlante tenant son enfant mort, des bouches béantes et desbras levés, la dislocation des corps, mutilés ou réduits à des morceaux tronqués : "criblés de coups", "égorgées" , "mamelle sanglantes", "éventrées", "àdemi brûlées", "coupés" (l.19 à 25).
L'être humain réduit au cadavre n'a plus d'âge ni de sexe ni de corps : " Des cervelles étaient répandues sur laterre à côté de bras et de jambes coupés" (l24).Au concert militaire se substitue la cacophonie stridente des cris de peur et d'agonie, mêlés aux "derniers soupirs" et au tragique regard muet desvieillards passifs spectateurs de la mort "regardaient mourir leurs femmes égorgées" (l.19).
L'horreur est telle que des femmes, pour abréger leurssouffrances, crient non pour appeler à l'aide afin de survivre, mais pour qu'on les achève.Ce point de vue des victimes réapparaîtra dans Candide : récits de Cunégonde , et de son frère , sur ce conflit des Bulgares et des Abares, de la vieillesur les corsaires ou la guerre civile du Maroc, sur le siège d'Azof.
S'y ajoutent la guerre des jésuites contre les Espagnols, des Oreillons contre lesjésuites au Paraguay.
III.
LA DÉSIGNATION DES RESPONSABLES.
A.
Un fléau absurde et sans justification
Volontairement, Voltaire ne donne aucune explication, ni ne prend parti : on sait seulement , à la fin du chapitre 2 que "le roi des Bulgares livra batailleau roi des Abares".
Il évoque " les deux armées" (l.2), les deux villages sans préférence ni distinction.
Soldats et civils abraes et bulgares sont unis dansun destin identique, manipulés comme des marionnettes qui toutes finissent dans les cendres.
Ici, l'auteur joue sur des parallélismes : les soldats desdeux camps tombent au même moment et de la même façon ; le premier village, abare, est en cendres; le second , bulgare, est "traité de même"(l.27); les deux rois dans une parfaite symétrie temporelle "font chanter des Te Deux , chacun dans son camp" (l.13à, et l'on aura noté la ressemblanceentre les noms des peuples abare et bulgare.
Ni vainqueur , ni vaincu, et aucun enjeu ; la guerre ne sert à rien, voilà la conclusion à laquelle Voltaireconduit son lecteur.
B.
La responsabilité des rois et de la religion
Il désigne aussi , dans ce passage, les auteurs de cette absurdité révoltante.
Ce sont tout d'abord les souverains.
Les termes d'Abares et de Bulgares(mongols envahissant l'Europe au premier millénaire), ne désignent aucun pays en particulier au XVIIIème siècle; en revanche, ce combat près de laWesphalie allemande, vise clairement la guerre de Sept Ans, récemment déclenchée par Frédéric II de Prusse, que Voltaire croyait prince éclairé etpacifique, et qui le bouleversa autant que le séisme de Lisbonne ( début du conte avec ces deux drames).
L'auteur vie l'appétit de conquêtes des grandsindifférents aux malheurs qu'ils provoquent.
il dénonce la caution que les religieux donnent aux conflits au mépris des enseignements chrétiens derespect du prochain : des messes étaient dites par des prêtres pour obtenir de Dieu la victoire ou l'en remercier ( les Te Deum).
L'harmonie orchestralemilitaire n'évoque pas le paradis comme on pouvait s'y attendre, mas "l'enfer" (l4).
Dans des chapitres ultérieurs, cette critique reviendra : allusions auxguerres menées par les père jésuites, aux guerres de religions ( orthodoxes russe contre Turcs d'Azof).
la guerre civile marocaine se déroule "sans qu'onmanquât aux cinq prières par jour ordonnées par Mahomet".
C.
La collusion du droit et de l'optimisme
Responsables aussi, des intellectuels de l'époque (Grotius) qui justifient la guerre par des théories sur "le droit public", élevant les cruautés à des "lois" ,des "usages".
Ici le village abare est brûlé, "selon les lois du droit public".
Cette argutie juridique revient dans l'oeuvre.Significative, l'attitude de Candide : Voltaire en use contre l'optimisme, par des expressions caractéristiques de cette théorie , mais aussi pour faire vivreles scènes à travers le regard horrifié d'un personnage sympathique auquel le lecteur s'identifie.
Le jeune homme réagit non en héros, mais en déserteur: il "tremblait comme un philosophe" (l10) et "se cacha du mieux qu'il put" (l11), puis "prit le parti d'aller raisonner ailleurs des effets et des causes"(l14).
Voltaire se moquait déjà plus haut de ce "meilleur des mondes" pire qu'un "enfer" et parodiait la théorie des causes finales, avec la baïonnette,"raison suffisante de la mort de quelques milliers d'hommes" (l.8).
L'assurance de Pangloss , ici représenté par son disciple, ne résiste pas aux horreursde la guerre.
Au delà de cette satire Candide ne suit-il pas le parti que chacun devrait prendre ace à ce fléau : le refus d'y participer ? Il est vrai queVoltaire lui-même composa un poème célébrant la victoire du roi français à la bataille de Fontenoy.
Mais Candide appartient à la maturité née desépreuves et de la réflexion..
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