Canada 1988-1989: L'aventure du libre-échange
Publié le 13/09/2020
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La résurrection de Brian Mulroney, le Premier ministre conservateur s
ortant, marquera l'histoire politique
du Canada.
Personne n'est revenu d'aussi loin pour remporter une victoir
e aussi décisive que celle qu'il a
obtenue aux élections du 21 novembre 1988.
Paradoxalement, il la doit
en bonne partie à John Turner, le
chef du Parti libéral, qui décida de transformer l'élection en
référendum sur l'accord de libre-échange
signé avec les États-Unis au début de 1988.
Cet accord devait e
ntrer en vigueur le 1er janvier 1989: le
Congrès américain et la Chambre des communes canadienne l'avaient
entériné à la fin de l'été 1988, mais
le Sénat canadien, à majorité libérale, le bloquait.
John Turner se prononça résolument contre cet accord, rompant ains
i avec la position traditionnelle du
Parti libéral.
Il faut dire que l'accord déborde largement la seul
e question des tarifs douaniers et que les
dispositions concernant les capitaux, l'énergie et le renvoi à une
deuxième négociation de l'épineuse
question des subventions "déloyales" aux entreprises peuvent être
diversement interprétées.
Après un
début de campagne catastrophique, J.
Turner sut profiter de deux dé
bats télévisés pour mettre B.
Mulroney sur la défensive...
et galvaniser la coalition hétéroc
lite des opposants à l'accord de libre-
échange.
Le Canada anglais a rarement été secoué par une tel
le vague nationaliste.
Mais B.
Mulroney
disposait de plusieurs atouts: la faible cote personnelle de J.
Turner,
l'engagement du monde des affaires,
largement acquis au libre-échange, l'imperméabilité du Québe
c au nationalisme canadien.
Mais l'atout le plus important fut le mode de scrutin, uninominal à u
n tour, qui n'est pas tendre pour les
oppositions divisées.
Or le Nouveau parti démocratique (NPD) fai
sait également campagne contre le libre-
échange.
Avec seulement 43% des voix, le Parti conservateur a donc pu
récolter 169 circonscriptions,
contre 83 pour les libéraux (33% des voix) et 43 pour le NPD (20%
des voix), qui a repris sa place
habituelle après avoir été pendant de nombreux mois la coqueluc
he de l'opinion publique.
L'accord de
libre-échange est donc entré en vigueur...
grâce au Québec.
Sans le Québec, le Parti conservateur eût été minoritaire.
G
râce à une large coalition regroupant les
milieux économiques, les médias et les nationalistes québéco
is, il y récolta 63 des 75 circonscriptions,
balayage encore plus impressionnant que celui de 1984.
Le Premier minist
re du Québec, Robert
Bourassa, s'engagea personnellement.
Le vote québécois a représ
enté à la fois un pied-de-nez à la
puissante province voisine, l'Ontario, qui militait contre l'accord de l
ibre-échange, et une marque de
confiance à l'égard de la nouvelle bourgeoisie d'affaires francoph
one, qui rêve de conquêtes
économiques.
Un budget d'austérité
Même si tous les autres thèmes ont été relégués au sec
ond plan, chaque parti y est allé de ses
promesses électorales.
Du déficit du gouvernement central (5,2% d
u produit national en 1988-1989), il
n'a pas été question.
La croissance de l'économie allait bon tr
ain (+4,5% en 1988) et le taux de chômage
semblait stabilisé (7,8% pour 1988).
Il y avait cependant une ombre
au tableau, la hausse des taux
d'intérêt: du premier trimestre 1988 au premier trimestre de 1989,
ils ont augmenté de quatre points,
prétendument pour calmer la surchauffe de l'économie.
Mais celle-c
i est limitée à l'Ontario, et les autres
provinces s'estiment lésées par John Crow, le directeur de la Banq
ue du Canada, qui bénéficie de l'appui
du ministre des Finances, Michael Wilson.
En fait, le gouvernement central est la principale victime de cette poli
tique monétaire, à cause de
l'ampleur de la dette.
Le déficit allait-il devenir incontrôlable?
L'élection terminée, il a fallu redescendre
sur terre.
Le budget du 26 avril 1989 a révélé l'étendue des
dégâts: malgré l'abandon des principales
promesses électorales, malgré la hausse des impôts directs et i
ndirects et les coupes claires dans
plusieurs secteurs dont la défense (adieu, sous-marins nucléaires
...), le déficit de 1989-1990 atteindra
30,5 milliards de dollars, en hausse de 1,6 milliard.
Près du tiers d
es recettes de l'État central servent à
couvrir le service de la dette.
A l'exception de l'assurance-chômage,
les programmes sociaux en sont
cependant sortis relativement indemnes.
Mais le ralentissement économ
ique qui se dessinait au printemps
1989 faisait craindre d'autres budgets moroses.
La deuxième lune de m
iel de Brian Mulroney a été de
courte durée..
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