Canada (1982-1983): La dérive
Publié le 13/09/2020
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Vers la fin de 1981, le Canada pouvait encore espérer tirer parti de
la récession économique prévue pour
1982.
On parlait même de retrouver une place dans le peloton de tê
te des pays industrialisés, grâce aux
malheurs qui n'allaient pas manquer de s'abattre sur les autres.
Les gra
nds projets énergétiques devaient
permettre non seulement de maintenir l'emploi à un niveau acceptable,
mais aussi de mieux répartir la
richesse entre les régions, problème qui hante le pays depuis sa c
réation en 1967.
On comptait ainsi
mettre un terme au sous-développement chronique des provinces de l'At
lantique, faire oublier le
sentiment d'aliénation économique encore prédominant dans l'Oue
st, rassurer l'Ontario en danger de
"désindustrialisation" et surtout prouver aux Québécois la "ren
tabilité" du fédéralisme.
La proclamation, en avril 1982, d'une "nouvelle" constitution était é
galement censée donner un nouvel
élan.
Après des années de discussion, les provinces anglophones
et le gouvernement fédéral étaient enfin
parvenus à un accord - contre l'avis du Québec, il est vrai.
Mais
débarrassé de l'hypothèque
constitutionnelle, le pays allait pouvoir se pencher sur ses "véritab
les" problèmes.
La décision du Premier
ministre fédéral, Pierre Elliot Trudeau, de retarder son départ
maintes fois annoncé de la vie politique,
l'expérience d'un gouvernement majoritaire libéral rompu à la d
irection des affaires de l'État, la conclusion
d'un accord sur les prix du pétrole avec la principale province produ
ctrice (Alberta): tous ces facteurs
laissaient présager que les effets de la récession économique s
eraient peut-être moins sévères qu'ailleurs.
Un an plus tard, le rêve s'est écroulé et c'est au Canada que l
es effets conjugués de l'inflation et du
chômage ont été les plus forts.
Après un an de récession
économique, le taux d'inflation se situait
toujours autour de 11%, et à la fin de 1982, le taux de chômage se
mblait vouloir se stabiliser autour du
palier de 13%.
La majorité des grands projets se sont volatilisés
et rares étaient ceux qui rêvaient encore
de voir se développer les usines de liquéfaction de charbon, les c
entres de production de pétrole
synthétique et les méga-usines de pétrochimie.
Les rivalités
inter-régionales s'en sont trouvées
exacerbées.
Seuls les champs de pétrole au large de Terre-Neuve é
taient désormais en production, mais
leur rentabilité était menacée par la chute des cours mondiaux
et par une inlassable querelle de juridiction
entre le gouvernement fédéral et celui de la province.
Proclamée avec éclat en 1981, la nouvelle politique énergéti
que du ministre Marc Lalonde était au début
de 1983 menacée d'effondrement.
L'exploration pétrolière éta
it en chute libre et bon nombre de
compagnies ont dû fermer leurs portes ou aller voir ailleurs.
Le prix
du pétrole canadien, qui devait se
stabiliser à 70% du cours mondial, risquait même de dépasser ce
dernier.
C'est toute la structure de
l'industrie pétrolière canadienne qui se trouvait ainsi menacée
.
Et plus personne ne parlait d'indépendance
énergétique pour 1990.
Pour l'Alberta, cette chute a signifié l
a fin du "boom" économique.
Déficits, mises
à pied massives et chômage sont devenus le lot de la province qui
était la locomotive économique du
pays.
La confiance n'y est plus.
Alors que d'autres pays occidentaux ont leurs propres stratégies nati
onales pour sortir de la crise -
stratégies qui accompagnent souvent des changements au sein de l'é
quipe dirigeante -, le Canada
donnait début 1983 l'image d'un pays à la dérive.
Contrairement
aux États-Unis ou à la Grande-Bretagne,
qui ont misé sur des politiques monétaires, contrairement à la
France, à l'Allemagne, à la Suède, ou à
l'Espagne, qui ont changé de gouvernement, le Canada semblait avoir c
hoisi de ne rien faire et
d'encaisser les coups en attendant que la reprise économique améri
caine entraîne l'économie canadienne
dans la même voie.
Une grande conférence sur l'économie tenue en février 1982 fut
surtout l'occasion d'un nouvel
affrontement entre les gouvernements provinciaux, qui réclamaient une
baisse des taux d'intérêts, et
celui d'Ottawa, qui voulait poursuivre la lutte contre l'inflation.
Inca
pables d'en arriver à une stratégie
commune, les gouvernements ont assisté impuissants à la dégring
olade économique.
Le PNB a baissé de
4,8% en 1982, tandis que les paiements de l'assurance-chômage augment
aient de 78%, pour atteindre
8,5 milliards de dollars canadiens.
L'un des piliers de l'économie ca
nadienne, l'industrie du bois, a vu sa
production amputée de 45% et sa force de travail de 20 000 emplois.
E
n juillet, un nouveau budget
fédéral a prévu de limiter à 6% en 1982 et à 5% en 1983 t
outes les augmentations de prix et de salaires.
Comme cette mesure était purement incitative et ne s'applique qu'aux
secteurs de juridiction fédérale,
elle n'a pas eu l'impact psychologique prévu.
Pour 1983, on prévoy
ait un déficit fédéral de 23 milliards de.
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