Canada (1981-1982): Un pays désarticulé
Publié le 13/09/2020
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Born again.
Il en est du Canada comme des chrétiens fondamentalistes:
il est "né à nouveau" le 17 avril
1982 avec la proclamation de la nouvelle loi constitutionnelle.
Mais il
faut se rendre à l'évidence: la
situation économique, toujours aussi dépendante de celle des Ét
ats-Unis (70% des échanges
commerciaux), n'est guère reluisante.
Alsands, le joyau des mégap
rojets énergétiques - pétrole
synthétique - en Alberta, dans l'Ouest du pays, devait rapporter des
milliards de dollars et créer au moins
soixante mille emplois.
Les pétrolières Shell et Gulf l'ont abando
nné.
Les projets de rechange dans
l'extrême Nord, l'Arctique (mer de Beaufort: gaz, pétrole), et d
ans l'extrême Est, au large de Terre-Neuve
(Hibernia, pétrole), se heurtent par ailleurs à des difficulté
s.
Alors que le gouvernement fédéral rêve
d'indépendance énergétique pour 1990, cette situation a été
masquée en 1981 par la querelle
constitutionnelle.
Certes, les Canadiens demeurent les sujets d'Elizabeth II.
Cependant, le
s modifications constitutionnelles
se feront désormais au Canada.
Le Premier ministre, Pierre Elliott Tr
udeau, a toujours voulu "un Canada
réellement indépendant".
Confronté à l'origine aux provinces
, il a fini par isoler sa province natale, le
Québec, pour se gagner l'appui des neuf provinces anglophones.
A la notion de dualité anglophone et francophone, qu'il se défend
de nier, Trudeau préfère celle de
peuple du Canada, multiculturel, issu bien sûr des Anglais et des Fra
nçais mais nourri également des
autochtones et des néo-Canadiens.
Dans cet immense territoire désa
rticulé, fondé sur des frustrations
régionalistes, cette vision paraît peu réaliste.
Il n'existe au
cun parti d'envergure nationale ; les
conservateurs concentrent leurs forces dans l'Ouest, et les libéraux
les leurs dans l'Est.
Soixante-quatorze
des soixante-quinze comtés fédéraux du Québec sont détenu
s par les libéraux.
Ces mêmes Québécois,
qui répondent massivement présents à Ottawa, votent depuis des
lustres pour des gouvernements
provinciaux autonomistes.
L'Ouest anglophone a le sentiment d'être le
fournisseur énergétique du Centre
et de l'Est mais s'estime mal payé de retour.
Cette impression d'inju
stice est telle qu'un parti séparatiste a
vu le jour.
Le Western Canada Concept, dirigé par un agent immobilier
, a fait élire, en février 1982, son
premier député, Gordon Kesler, Albertain, un pétrolier-rancher-
cavalier de rodéo.
Dans cette région encore relativement prospère et qui avait peu co
nnu le chômage, les budgets fédéraux
viennent renforcer l'inquiétude.
Ceux-ci sont impitoyables: et leurs
effets risquent d'être désastreux:
maintien des taux d'intérêt élevés, ralentissement de l'é
conomie, crise du logement et augmentation du
chômage -10,3% de la population active canadienne, 13,6% au Québec
, un record depuis la crise de
1929.
Il y a aujourd'hui 400 chômeurs pour un seul emploi disponible.
Symboles de la mauvaise gestion
fédérale, les deux budgets ont été l'occasion d'un procès
en règle de l'équipe Trudeau, au pouvoir depuis
quatorze ans.
Cibles des syndicats, des gouvernements provinciaux et du
Conseil économique du Canada,
ils sont critiqués même par les milieux d'affaires.
Le déficit
est de près de 20 milliards de dollars
canadiens et la dette publique dépassera les 100 milliards.
Dans ce contexte de double échec, politique et économique, une atm
osphère de fin de règne prédomine
à Ottawa, qui ne trouble cependant pas Trudeau.
La remuante province francophone est au centre de la question nationale
canadienne.
Les nationalistes
du Québec, dont l'option se trouve pourtant dans une impasse, semblen
t convaincus de représenter un
peuple différent.
Ils voient le reste du Canada comme un magma anglop
hone indifférencié.
Le Parti
québécois (PQ), ouvertement "souverainiste", est au pouvoir depu
is six ans.
Aveuglés par la
"trudeauphobie", les dirigeants péquistes ne voient pas toujours l'in
térêt bien compris de la province.
Le
Québec n'échappe pas à la langueur économique de l'Amériq
ue du Nord.
L'année fiscale 1982-83 a
commencé sans budget.
Pour éviter l'augmentation du déficit pré
vu de 3 milliards de dollars, le Premier
ministre René Lévesque se voit obligé de "couper" près d'un
milliard dans le secteur public.
Les salariés
des services public et para-étatique constituent sa clientèle é
lectorale privilégiée.
Ils ont le droit de grève
depuis 1964 et en font largement usage.
La paix sociale sera-t-elle pert
urbée? Début 1982, le climat
économique restait morose.
Les usines, notamment celle de meubles, ch
aussures et textiles, fermaient.
L'accès à la propriété ne sera bientôt plus qu'un songe e
t l'on craint pour la santé précaire des PME qui
emploient la majeure partie de la main-d'œuvre industrielle (77%)..
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