Camus, Albert
Publié le 15/05/2020
Extrait du document
«
ALBERT CAMUS
1913 - 1960
NÉ sous le signe du Scorpion dans une ferme où l'on doit encore cultiver la vigne et le tabac,
à quelques kilomètres de la basilique épiscopale de Saint-Augustin, il ne connut pas son père,
ouvrier agricole, tué à la bataille de la Marne, en r 9 r 4· Sa mère, une Espagnole illettrée, partit
alors pour Alger retrouver un frère, du nom de Sintès, tonnelier, 93, rue de Lyon.
A cette époque, ses parents le traînaient parfois le dimanche, chez des amis, dans ce quar
tier populaire de Belcourt qui servit plus tard de décor à ses tout premiers livres, avec ses petites
usines, ses vieilles gens
qui se mettaient au balcon, les soirs d'été, pour regarder passer les tramways,
ses cafés où l'on jouait à la « ronda » avec des cartes andalouses, ses marchands de beignets et ses
odeurs de brochettes.
Il tenait, dit-on, de son père ce front dur comme un des blocs de la jetée
sur lesquels, les jours de tempête, on entendait cogner les vagues, ce regard couleur de mer à
l'embouchure des oueds et ce visage aux larges pommettes tour à tour lumineux et fermé qu'il a
légué
lui-même à son fils.
De sa mère, les mains dont il aimait jouer et qu'il allait tendre à la ville
bruyante qui s'étalait le long de la baie et sur les collines que le printemps couvrait de fleurs.
L'attachement à l'Algérie a joué chez lui un si grand rôle qu'on ne saurait comprendre l'été
invincible qui l'habite, ni sa faim de justice, sans évoquer le mystère biochimique ou alchimique
que représente cette terre où la misère et la richesse pouvaient se côtoyer sans s'insulter, où le
ciel
et la mer, seuls biens essentiels, fournissent tout naturellement à l'esprit les thèmes de la
vie, de la contemplation et de la mort si étroitement mêlées qu'on ne sait plus très bien discerner
le commencement et la fin de leurs domaines propres.
En 1933, après des études supérieures menées brillamment malgré les premières atteintes
de la tuberculose, il entre, comme surnuméraire provisoire, à la préfecture d'Alger où on l'emploie
à donner des numéros minéralogiques aux véhicules.
En arrivant à la fin d'une centaine, il se
trompe, s'en aperçoit et répare son erreur en envoyant aux propriétaires des voitures qui portent
la même immatriculation une circulaire les menaçant des pires sanctions s'ils ne lui rapportent
pas leur carte grise.
Le directeur de la quatrième division, Jean Pomier, président des écrivains algériens, essaie
de le faire monter en grade et lui demande un rapport qu'il écrit dans le style de l'Étranger.
Renon
çant à apprendre les formules administratives qu'on essaie de lui enseigner, il s'en va.
Au service
météorologique il analyse, pendant un an, les situations des zones désertiques, dépouille des
quintaux d'archives, en tire une synthèse imposante et des courbes de pressions atmosphériques.
Plus tard, journaliste à « Alger-Républicain » où il a pris le parti des humbles contre l'adminis
tration, si violemment qu'on l'expulsera, il apprendra que sa peine n'a servi à rien car, dans tous
les postes militaires, la plupart des soldats employés à la météo se contentaient de recopier les
observations des
années précédentes.
C'est là qu'il a commencé à ne pas accepter l'ordre établi,
à poser les fondements d'une morale de l'absurde et à prendre le bonheur au tragique.
C'est à
cela aussi qu'il faut rattacher son court passage au parti communiste.
ro6
STUDIO LIPNITZKI.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Lecture analytique Les justes Albert Camus/ Acte II
- Lecture analytique Les justes Albert Camus/ Acte I
- La Peste - Albert Camus
- l'étranger albert camus
- Albert CAMUS ~ Quand la polémique remplace le dialogue