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C. E. 18 nov. 1949, Demoiselle MIMEUR, Rec. 492

Publié le 30/09/2022

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« RESPONSABILITÉ - FAUTE PERSONNELLE ET FAUTE DE SERVICE - CUMUL C.

E.

18 nov.

1949, Demoiselle MIMEUR, Rec.

492 (D.

1950.667, note J.

G.; R.

D.

P.

1950.183, note Waline; J.

C.

P.

1950.11.5286, concl.

Gazier; Rev.

Adm.

1950.38, note Liet-Veaux; Et.

et Doc.

1953.80, chr.

Long) Sur la responsabilité de l'État : Cons.

que les dégâts dont la demoiselle Mimeur demande réparation ont été causés par un camion militaire dont le conducteur, le sieur Dessertenne, avait perdu le contrôle et qui, heurtant violemment l'immeuble de la requérante, en a démoli un pan du mur; Cons.

que la décision, en date du 25 janv.

1947, par laquelle le ministre des armées a refusé à la requérante toute indemnité, est fondée sur ce que le camion était, lors de l'accident, utilisé par son conducteur .« en dehors du service et pour des fins_ personnellei; » et qu'ainsi la responsabilité de celui-ci serait seule susceptible d'être recherchée pour faute lourde personnelle détachable de l'exécution du service; Cons.

qu'il résulte de l'instruction· et notamment des déclarations mêmes faites par le sieur Dessertenne lors de l'enquête de gendarmerie que, lorsque s'est produit l'accident, le sieur Dessertenne, qui avait reçu mission de livrer de l'essence à Mâcon, était sur le chemin du retour, mais suivant la route nationale n° 470; qui n'était pas la route directe prise par lui lors du trajet d'aller; qu'il ne s'était ainsi détourné de cette demière route que pour passer à Bligny-sur-Ouche, où se trouvait sa famille, c'est-à-dire pour des fins strictement personnelles; Cons.

qu'il ressort des pièces du dossier que si, en s'écartant de son itinéraire normal pour des raisons indépenda!'tes de l'intérêt du service, le sieur Dessertenne a utilisé le véhicule de l'Etat pour des fins différentes de celles que comportait son affectation, l'accident litigieux, survenu du fait d'un véhicule qui avait été confié à son conducteur pour l'exécution d'un service public, ne saurait, dans les circonstances de l'affaire, être regardé comme dépourvu de tout lien avec le service; qu'il suit de là qu'alors même que la faute commise par le sieur Dessertenne revêtirait le caractère d'une faute personnelle, le ministre n'a pu valablement se prévaloir de cette circonstance pour dénier à la demoiselle Mimeur tout droit à réparation; Sur le montant de l'indemnité : Cons.

que l'état de l'instruction ne permet pas d'évaluer le préjudice subi par la requérante; qu'il y a lieu de la renvoyer devant le secrétaire d'État aux forces armées (Guerre), pour être procédé à la liquidation, en principal et en intérêts, de l'ipdemnité à laquelle elle a droit, sous réserve de.

la subrogation de ·l'Etat dans les droits qui peuvent être nés au profit de l'intéressée, à l'encontre du sieur Dessertenne, en raison de cet accident; ...

(Annulation et renvoi). OBSERVATIONS Par cet arrêt, ainsi que par deux autres rendus le même jour au profit des sièurs Defaux et Besthelsemer, le Conseil d'État a, pour la première fois, admis que la responsabilité de l'État peut être engagée par un accident dû à une faute personnelle commise par un de ses agents en dehors du service. La demoiselle Mimeur, le sieur Defaux et le sieur Besthelsemer demandaient en effet réparation à l'État d'accidents causés par les conducteurs de véhicules administratifs qui avaient commis, chacun, une faute personnelle : fausse manœuvre au volant, vitesse excessive, violation des règles de priorité.

Ces fautes avaient, matériellement, été commises hors du service : le premier conducteur, venant de livrer de l'essence, s'était, au retour, détourné de son itinéraire normal pour s'arrêter dans une localité où se trouvait ,sa famille; le second, au lieu de \ rester en stationnement pendant que son chef de service assistait à une conférence, était allé faire en ville une course personnelle; le troisième, un militaire regagnant son quartier après avoir accompli la mission qui lui était confiée, profitait du retour pour f~re une promenade d'agrément. Le Conseil d'Etat admit cependant que « l'accident litigieux survenu du fait d'un véhicule qui avait été confié au conducteur pour l'exécution d'un service public, ne saurait, dans les circonstances de l'affaire, être regardé comme dépourvu de tout lien avec le service » et jugea que les trois accidents engageaient la responsabilité administrative. Ces arrêts faisaient écho aux célèbres conclusions du commissaire du gouvernement Léon Blum dans l'affaire Lemonnier* (C.E.

26 juill.

1918).

La jurisprudence antérieure admettait déjà que la responsabilité administrative était engagée soit lorsque la faute personnelle se cumulait avec une faute de ,service (C.E.

3 févr.

1911, Anguet*) , soit lorsqu'elle avait été commise matériellement dans le service (C.

E.

21 avr.

1937, Delle Quesnel, Rec.

413).

Par contre, elle rejetait le recours en indemnité lorsque la faute personnelle avait été commise hors du service (C.E.

30 janv.

1948, Dame Vve Buffevant, Rec.

51; - 28 janv.

1949, Librairie Hachette, Rec.

43).

Elle préparait cependant l'évolution que devait marquer l'arrêt Mimeur en admettant très facilement l'existence d'une faute de service se ·cumulant avec la faute personnelle.

La faute personnelle faisait presque présumer la faute de service (C.E.

19 mai 1948, Souchon, Rec.

221 ,: le fait dommageable, tout en constituant une faute personnelle, « révèle un fonctionnement défectueux du service public »). Si l'arrêt Mimeur marque un nouveau progrès du cumul des responsabilités, les conclusions de Léon Blum n'en sont _pas pour autant entièrement rejointes.

La responsabilité de l'Etat été n'est toujours pas engagée du seul fait que l'accident causé par un instrument du service (C.E.

23 févr.

1951, Voisin-Revillard, Rec.

112; - 28 juill.

1951, Compagnie Standard françaises des pétroles, Rec.

470; - 13 juin 1952, Carré, Rec.

313; - 23 juin 1954, Dame Vve Litzler, Rec.

376).

Il faut encore que le fait dommageable ait un lien avec l'exécution du service : cette exécution pouvait être, incorrecte mais devait rester le but de l'agent.

Ainsi, un agent qui, sa mission terminée, rentrtl sa voiture au garage en faisant un crochet et provoque un accident engage la responsabilité du service (C.

E. 5 janv.

1951, Mamadou M'Baclœ, Rec.

7).

Il en est de même. d'un militaire qui, lors d'un détour effectué au retour d'une mission, a refusé de s'arrêter devant le domicile d'une jeune fille qu'il transportait bénévolement, laquelle, prise de panique, a sauté du véhicule et s'est mortellement blessée (C.E.

13 juin 1958, Dame Vve Polin, Rec.

352; S.

1958.352, concl.

Braibant; a D.

1958.587, concl.

Braibant; R.

D.

P.

1958.1073, note Waline). Mais le meurtre commis par un douanier armé et en uniforme n'engage pas la responsabilité du service s'il a été commis, en dehors du service, dans le cadre de la vie privée (Dame Vve Litzler, précité). Certains arrêts ont toutefois fait application , en élargissant son domaine, de la jurisprude nce Mimeur.

Dans ,l'affaire Dame Benquet (28 oct.

1953, Rec.

459), le Conseil d'Etat avait à se prononcer sur une requête tendant à la réparation du domm,age causé au prestataire d'une réquisition opérée au profit de l'Etat du fait du pillage, par les agents du service bénéficiaire, d'effets mobiliers lui appartenan t, déposés dans les deux pièces qui avaient été laissées à sa disposition.

Le Conseil a jugé que les fautes personnelles des agents « ,n'étaient pas dépouvues de tout lien avec le service » et que l'Etat en était donc responsable. L'arrêt est ainsi coulé dans le moule de l'arrêt Mimeur, mais, d'une part, il en fait application hors du domaine des accidents d'automob iles, et d'autre part, il se contente d'un lien extrêmement ténu entre la faute et le service. Un arrêt Bernard du Jer oct.

1954 (Rec.

505, concl.

Laurent; D.

1955.167, note Bénoit) -a également appliqué ces principes en dehors de la matière des accidents d'automob iles : un gardien de la paix est chargé de veiller au respect de l'ordre dans un bal populaire se déroulant sur une place publique; au lieu de rester en faction, il éprouve à un moment donné le besoin de pénétrer dans un débit de boissons; au cours d'une altercation qui s'y produit, il sort son révolver et blesse un consomma teur; à ce moment, il est manifestement en dehors du service, puisque précisément l'accident ne.... »

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