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Brassens: Pénélope. Commentaire

Publié le 19/12/2021

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« Introduction Sujet banal en apparence : soit une invitation à l'amour adressée à une femme vertueuse, mais pas très heureuse, soit un commentaire ironique sur la vertu, qui n'est qu'apparence.

En choisissant Pénélope comme héroïne, Brassens joue à la fois la difficulté et la facilité.

Difficulté, parce que Pénélope entraîne tout un cortège culturel, littéraire.

Facilité, parce que mettre en cause la vertu de Pénélope, modèle de toutes les vertus, en montrer, si l'on ose dire, les dessous, c'est mettre en cause la vertu de toutes les femmes et la valeur de toute une conception de la vie.

Ce n'est pas tout : mettre en cause la vertu, cela peut se faire de manière dramatique, éloquente; mais cela peut se faire aussi sur un mode léger, souriant, et la satire de l'ordre, des bons sentiments peut conduire aussi bien à l'idée de changer la vie qu'à celle de s'en tenir, sans illusion, à l'ordre établi.

Bonne occasion de poser l'éternelle question : anarchisme ou transformation du monde? Première partie : un exercice culturel Comme une pièce de Giraudoux, comme un épisode d'Astérix, cette forme d'expression pourtant si « démocratique », de consommation directe ou mondaine, en tout cas hors du circuit culturel habituel (l'école, la « littérature »), qu'est la chanson est loin d'être simple, innocente.

Exercice intellectuel raffiné, elle manie l'allusion, le double sens, télescope les formules consacrées et n'est, en conséquence, recevable que par le petit nombre.

Brassens fuit ici toute démagogie.

On peut se demander s'il ne tombe pas dans un élitisme contestataire condamné à demeurer lettre morte pour un vaste public. Conformément à toute une tradition française, Brassens écrit d'abord pour les gens qui ont des lettres et pour ceux qui savent manier le langage.

C'est en ce sens que sa chanson est profondément littéraire. 1) L'héritage et les clichés mythologiques et légendaires Brassens, conformément à toute une tradition (de la Belle Hélène d'Offenbach aux pièces de Giraudoux et de Cocteau) traite la mythologie sur le mode irrévérencieux de l'opérette et du canular.

Mais ce n'est pas pour retrouver dans les mythes et les légendes une modernité dramatique.

C'est pour y tourner en dérision les grandes leçons, et d'abord de morale, de la tradition culturelle.

Pénélope, les statues des parcs et jardins, avec tout leur sérieux, virent au léger.

Dans quelle mesure est-ce humanisation? Dans quelle mesure est-ce réduction? 2) L'héritage religieux moderne Même manière de procéder.

Ajouter ceci : c'est la tradition biblique la plus ancienne qui est ici chansonnée, avec en arrière-texte l'idée que le péché — originel — fut sans doute quelque chose de bien agréable.

C'est pourquoi il devient aisément véniel.

Brassens montre que rien ne lui est étranger, après la Bible, des règlements et subtilités de l'Église (péché mortel, péché véniel).

Manière discrète de suggérer que la religion de la Pénélope de banlieue doit être fort légère? Brassens se propose en tous cas pour son confesseur... Cette condamnation du rigorisme, cependant, est-elle amour réel et profond de la vie ou superficielle « humanité »? On se sent un peu gêné devant ce qui pourrait être une méconnaissance de tout ce que la vie peut avoir de sérieux ! Mais c'est par là, incontestablement, que le texte passe, réussit : mettre la marguerite (celle qu'on effeuille, il, ou elle, aime un peu, beaucoup, pas du tout, passionnément, à la folie) au jardin potager télescope une rengaine ou comptine populaire avec un souvenir possible de Madame Bovary (les rêves d'Emma, l'hiver, lorsqu'elle descend dans son potager, dont les choux, couverts de fils de la vierge, contrastent avec ses rêves échevelés), en même temps que l'on est renvoyé au jardinet réaliste de banlieue.

C'est bien le jeu des mots qui manifeste ici toute une réalité profondément culturelle.. »

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