Blaise Cendrars, La Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France, 1913
Publié le 14/05/2021
Extrait du document
« Et je n’avais pas… quand le soleil se couche » - Les vers 7 à 13 tracent le portrait de l’adolescent que le « je » est alors, donnant une illusion de réalité à celui-ci. Nous y apprenons que le poète est, à l’instar de nombreux adolescents, avide d’aventures et de découvertes (« je n’avais pas assez des sept gares et des mille et trois tours ») et en proie à des émotions très vives (ce que dit l’adverbe d’intensité « si » dans « mon adolescence était si ardente et si folle »). Le lyrisme se déploie dans ce passage : l’accent est mis sur la sensation (le toucher avec la chaleur de la brûlure et la vue avec le coucher de soleil) et l’émotion, l’expérience vécue est sublimée par recours à l’adverbe d’intensité « si », aux répétitions de mots (« gares, clochers, tour, comme ») et de sons (allitérations en [s] aux vers 7 et 8 et en [p] au vers 9) qui créent un rythme proche du martèlement. - Aux lieux réels mentionnés précédemment, s’ajoute la référence au temple d’Ephèse qui permet de rendre visuellement frappante l’image du « cœur [qui] brûl[e] » : cette image, empruntée à un temps très ancien, permet non seulement de superposer plusieurs espaces (Moscou/Ephèse) mais aussi plusieurs temps (le XXème et l’Antiquité). Le poème, avec cette référence, déréalise les lieux du réel.
«
Parcours 1 – LES JEUX DU « JE »
En ce temps-là j'étais en mon adolescence
J'avais à peine seize ans et je ne me souvenais
Déjà plus de mon enfance
J'étais à seize mille lieues du lieu de ma naissance
J'étais à Moscou, dans la ville des mille et trois
Clochers et des sept gares
Et je n'avais pas assez des sept gares et des mille
et trois tours
Car mon adolescence était si ardente et si folle
que mon cœur, tour à tour, brûlait
comme le temple d' Éphèse 1
ou comme la Place Rouge 2
de Moscou quand le soleil se couche.
Et mes yeux éclairaient des voies anciennes.
Et j'étais déjà si mauvais poète
que je ne savais pas aller jusqu'au bout.
Le Kremlin 3
était comme un immense gâteau tartare
croustillé d'or, avec les grandes amandes
des cathédrales toutes blanches
et l'or mielleux des cloches...
Blaise Cendrars, La Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France, 1913.
1 Une des plus anciennes cités grecques d’Asie mineure.
Le temple dédié à Artémis, qu’elle abritait, appartenait à ce que l’on
nomme les « sept merveilles du monde ».
Il a été détruit par un incendie,
2 Place de Moscou où se trouve le Kremlin,
3 Forteresse qui a été, successivement, la résidence officielle des tsars puis des dirigeants de l’Union soviétique et le centre
politique de la Fédération de Russie.
Karine Girard – [email protected].
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Blaise Cendrars : Prose du Transsibérien (fiche de lecture)
- Prose du Transsibérien - Blaise Cendrars
- Blaise Cendrars, L'Or: Un jour, il a une illumination.
- Bachelard, Gaston Cendrars, Blaise Desnos, Robert
- BLAISE CENDRARS