Bernard Le Bovier de Fontenelle1657-1757On le dirait installé du côté de la mort.
Publié le 22/05/2020
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Bernard Le Bovier de Fontenelle
1657-1757
On le dirait installé du côté de la mort.
L' œ uvre de sa jeunesse : les Dialogues des Morts .
L' œ uvre de son âge mûr : les Éloges funèbres qu'il prononce en sa qualité de secrétaire
perpétuel de l'Académie des Sciences.
Enfin, comme s'il appartenait déjà à son royaume, la
mort semble l'oublier, pour se souvenir enfin de lui le 9 janvier 1757, un mois avant le
terme de sa centième année.
Ce qui nous fait croire que Fontenelle est installé dans la
mort, c'est qu'il a introduit la vie (ou son simulacre) dans les lieux que nous attribuons
d'ordinaire à la mort.
Une vie un peu exsangue, à laquelle manque la chaleur de la
passion.
Une vie illuminée par le clair de lune de la raison.
Les morts célèbres bavardent
spirituellement dans les Champs Élysées… Rien d'insolite ni de surnaturel dans le monde
qui nous entoure, pour peu qu'on ait compris le vrai mécanisme de la nature, ce jeu de
tourbillons, de poulies, de leviers.
Voici donc l'univers dépouillé de ses sortilèges et la
nature désenchantée.
Pour compenser, des enchantements artificiels et raisonnables nous
sont offerts — l'opéra, la conversation — qui rendent je ne sais quel charme à cet univers
géométrisé.
Mélodieusement, et presque tendrement, l'on expliquera le ciel étoilé à une
marquise (dans la réalité, elle s'appelle Madame de la Mésangère) dont la beauté blonde
fait contraste avec la beauté brune de la nuit.
Leçon de choses, devant la Chose universelle
qui livre obligeamment quelques-uns de ses secrets.
La langue des Entretiens sur la pluralité
des mondes ressemble à celle des pièces de clavecin de Couperin : noblement rythmée,
digne jusque dans la galanterie, et sans que manque jamais l'ornement conventionnel du
trille ou du mordant.
“ C'est un Orphée qui diminue sa voix dans un lieu resserré qui ne
permet point de plus grands éclats.
” Mais un Orphée pour qui l'âge des fables et des
oracles est révolu, un Orphée qui ne peut plus croire à l'histoire d'Orphée.
Fontenelle, en
effet, n'éprouve aucune nostalgie pour l'époque où l'homme croyait vivre au milieu des
divinités.
Cet âge d'or que d'autres regrettent, il s'en fait l'historien désabusé.
L'homme de
la religion naïve se trompe.
Peu à peu, pour notre chance, les vérités se sont fait jour.
L'esprit est sorti de sa poétique enfance ; il a su quitter les fables pour trouver les faits, et il
n'y a rien perdu.
L'un des premiers, Fontenelle propose l'idée d'un progrès indéfini des
connaissances.
Au nom de ce progrès, il prend parti pour les modernes, contre les
anciens… Mais, quant à notre existence, c'est folie de vouloir nous élancer vers un aven
imaginaire.
“ Un grand obstacle au bonheur, c'est de s'attendre à un trop grand bonheur.
”
Il faut donc renoncer à cet élan que nous suggérait l'idée de progrès.
“ Le sage tient peu de
place et en change peu.
” Les vrais changements de l'univers s'opèrent imperceptiblement,
dans une durée qui n'a point de proportion avec cette vie trop brève dont nous devons
nous accommoder.
Nous ressemblons à ces roses qui prétendent que, de mémoire de rose,
on n'a jamais vu mourir un jardinier.
“ On n'est pas si aisément éternel.
”.
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