Bergson, Henri
Publié le 15/05/2020
Extrait du document
«
BERGSON
1859-1941
UN grand philosophe est celui qui crée de nouveaux concepts : ces concepts à la fois dépassent
les dualités
de la pensée ordinaire et donnent aux choses une vérité nouvelle, une distribution
nouvelle,
un découpage extraordinaire.
Le nom de Bergson reste attaché aux notions de durée,
de mémoire, d'élan vital, d'intuition.
Son influence et son génie s'évaluent à la manière dont de tels
concepts se sont imposés,
ont été utilisés, sont entrés et demeurés dans le monde philosophique.
Dès les
Données Immédiates, le concept original de durée était formé; dans Matière et Mémoire, un
concept de mémoire; dans l'Évolution créatrice, celui d'élan vital.
Le rapport des trois notions
voisines
doit nous indiquer le développement et le progrès de la philosophie bergsonienne.
Quel
est donc ce rapport?
En premier lieu, pourtant, nous nous proposons seulement d'étudier l'intuition, non pas
qu'elle soit l'essentiel, mais
parce qu'elle est susceptible de nous renseigner sur la nature
des problèmes bergsoniens.
Ce n'est pas par hasard que, parlant de l'intuition, Bergson nous
montre quelle est l'importance, dans la vie de l'esprit, d'une activité qui pose et constitue les
problèmes (
1) : il y a des faux problèmes plus encore qu'il n'y a de fausses solutions, avant qu'il
n'y ait de fausses solutions pour les vrais problèmes.
Or, si une certaine intuition est toujours au
cœur de la doctrine d'un philosophe, une des originalités de Bergson est dans sa propre doctrine
d'avoir organisé l'intuition même comme une véritable méthode, méthode pour éliminer les faux
problèmes,
pour poser les problèmes avec vérité, méthode qui les pose alors en termes de durée.
« Les questions relatives au sujet et à l'objet, à leur distinction et à leur union, doivent se poser
en fonction du temps plutôt que de l'espace (2).
» Sans doute c'est la durée qui juge l'intuition
comme Bergson l'a rappelé plusieurs fois, mais il n'en reste pas moins que c'est seulement
l'intuition qui peut, quand elle a pris conscience de soi comme méthode, chercher la durée dans
les choses, en appeler à la durée, requérir la durée, précisément parce qu'elle doit à la durée
tout ce qu'elle est.
Si donc l'intuition n'est pas une simple jouissance, ni un pressentiment, ni
simplement
une démarche affective, nous devons d'abord déterminer quel est son caractère
réellement méthodique.
LE premier caractère de l'intuition, c'est qu'en elle et par elle quelque chose se présente, se
donne en personne, au lieu d'être inféré d'autre chose et conclu.
Ce qui est en question, ici, est
déjà l'orientation générale
de la philosophie; car il ne suffit pas de dire que la philosophie est
à l'origine des sciences
et qu'elle fut leur mère, mais maintenant où elles sont adultes et bien
constituées, il faut
demander pourquoi il y a encore de la philosophie, en quoi la science ne suffit
(1) La Pensée et le Mouvant n.
- (2) Matière et Mémoire 1..
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