BERGSON (Henri)
Publié le 06/12/2021
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BERGSON (Henri) _______________________________________________
Né en 1859 à Paris, il accomplit une carrière universitaire exemplaire qui le conduit de l'École normale supérieure (1878) au Collège de
France (1900). Célèbre dans le monde entier, il est chargé d'honneurs (Prix Nobel, 1928) et le gouvernement de la Ille République lui confie parfois des missions diplomatiques. Dès 1937, dans un testament, il déclare «avoir publié tout ce qu'Ill) voulait livrer au public «, et c'est par conséquent une oeuvre achevée qu'il laisse à sa mort (1941).
Sa philosophie tient tout entière en quatre ouvrages: Essai sur les données immédiates de la conscience, 1889 ; Matière et mémoire, 1896 ; L'Évolution créatrice, 1907 ; Les Deux Sources de la morale et de la religion, 1932 ; à cela, il convient d'ajouter deux livres où la doctrine est appliquée à des problèmes particuliers (Le Rire, 1900 ; Durée et simultanéité, 1922) et deux recueils d'articles (L'Énergie spirituelle, 1919 ; La Pensée et le mouvant, 1934).
1 . Dans une langue imagée et simple, Bergson exprime les thèmes d'une époque et choisit une voie analogue à celle de son contemporain Husserl, en orientant la philosoplije vers la vie concrète de la conscience. A la difference du philosophe allemand, il ne s'agit cependant pas de trouver dans le retour à soi le fondement de la scientificité, niais un ordre d'expérience impénétrable à la rationalité discursive. Le bergsonisme est un anti-intellectualisme qui fait de l'intuition une méthode.
2. C'est par une critique de la psychométrie qu'est introduite la dualité essentielle du spirituel et du corporel. Weber et Fechner (1) prétendent exprimer l'intensité de la sensation par une fonction numérique de l'intensité de l'excitation. Cela est aussi absurde que de vouloir relier la pression d'une aiguille sur mon doigt, à la douleur que je ressens : d'un côté, l'intensité est une qualité vécue intérieurement, de l'autre, c'est une quantité mesurable. Quantité et qualité appartiennent à des ordres différents de multiplicité ; l'une est homogène, divisible à l'infini, ses parties existent extérieurement les unes aux autres ; l'autre est composée d'éléments hétérogènes qui s'interpénètrent. La première correspond à la matière, à l'espace mathématique, c'est-à-dire à tout ce qui peut être figé dans la pensée conceptuelle ; la seconde correspond à tout ce qui n'est pas la première. Le mouvement participe à la qualité, la pensée mathématique le fixe dans l'instantané. Le mouvement est impensable, il correspond à une temporalité qui n'est que durée vécue, donnée immédiate de la conscience, que révèle l'intuition intérieure.
L'étude de la mémoire prolonge cette analyse. Il y a une mémoire-habitude, volontaire, utile, qui me permet d'apprendre une leçon en la répétant et de reconnaître le monde familier en y accomplissant des gestes connus ; il y a une mémoire-souvenir, involontaire et contemplatrice, qui conserve en moi telle lecture que j'ai faite de ma leçon lorsque je l'apprenais. En hypostasiant les cas extrêmes donnés par l'analyse d'exemples concrets, Bergson se donne ainsi la possibilité de distinguer ontologiquement le corporel et l'incorporel, dont le rapport a lieu dans l'instant, au point précis où s'accomplit l'action. De la survivance du passé comme souvenir pur résulte l'impossibilité pour le moi de traverser deux fois le même état et comme la multiplicité des souvenirs est interpénétration, la conscience ne peut se distinguer de la masse de ses souvenirs. En étant expérience de la durée intérieure, l'intuition est vision directe de l'esprit par l'esprit, c'est-à-dire réflexion.
Les choses aussi ont une durée propre que je saisis concrètement en attendant par exemple que le morceau de sucre fonde dans ma tasse. L'univers dure, mais il faut distinguer la matière sur laquelle le temps glisse et l'individu qui possède une durée interne, irréversible. Bergson fonde cette durée dans un élan vital, qui donne ordre à l'indifférence de la matière au cours d une évolution, qui s'accomplit dans l'énergie spirituelle de l'homme ; la durée vitale apparaît comme creation. En devenant vitalisme, le bergsonisme fait de la saisie de la durée non plus seulement la mode de l'expérience interne, mais l'intuition métaphysique de l'Etre tel qu'il est en lui-même.
3. C'est la référence biologique qui donne son caractère à la philosophie morale et politique. La conscience individuelle s'organise entre une intériorité profonde et une superficialité
qui est pure habitude sociale. L'obligation morale la plus simple est située au niveau de cette habitude, elle est statique. Les sentiments qui proviennent du plus profond du moi représentent chacun l'âme entière, et tout acte suscité par l'intériorité est libre puisqu'il provient entièrement de moi. La morale la plus profonde surgit de la spontanéité, elle est marche en avant, et se trouve pratiquement impossible à formuler. A la morale sociale close sur elle-même, s'oppose celle dynamique et originale du héros, comme au culte statique des dieux primitifs s'oppose le mysticisme. Ceci entraîne un primat des grandes personnalités sur les masses, et fait de l'histoire un pur déroulement événementiel.
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