BERGSON: A quelle date faisons-nous remonter l'apparition de l'homme sur la terre ?
Publié le 15/05/2020
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Selon votre préférence, faites soit un résumé soit une analyse de ce texte de Bergson, puis développez, en utilisant les affirmations de l'auteur lui-même, cepassage : « ...
de la machine à vapeur, avec les inventions de tous genres qui lui font cortège, on parlera peut-être comme nous parlons du bronze ou de lapierre taillée ; elle servira à définir un âge.
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BERGSON: A quelle date faisons-nous remonter l'apparition de l'homme sur la terre ? A u temps où se fabriquèrent les premières armes, les premiers outils.On n'a pas oublié la querelle mémorable qui s'éleva autour de la découverte de Boucher de Perthes dans la carrière de Moulin-Quignon.
La question était desavoir si l'on avait affaire à des haches véritables ou à des fragments de silex brisés accidentellement.
Mais que, si c'étaient des hachettes, on fût bien enprésence d'une intelligence, et plus particulièrement de l'intelligence humaine, personne un seul instant n'en douta.
Ouvrons, d'autre part, un recueild'anecdotes sur l'intelligence des animaux.
Nous verrons qu' à côté de beaucoup d'actes explicables par l'imitation, ou par l' association automatique desimages, il en est que nous n'hésitons pas à déclarer intelligents ; en première ligne figurent ceux qui témoignent d'une pensée de fabrication, soit quel'animal arrive à façonner lui-même un instrument grossier, soit qu'il utilise à son profit un objet fabriqué par l'homme.
Les animaux qu'on classe tout desuite après l'homme au point de vue de l'intelligence, les Singes et les Eléphants, sont ceux qui savent employer, à l'occasion, un instrument artificiel.
Au-dessous d'eux, mais non très loin d'eux, on mettra ceux qui reconnaissent un objet fabriqué : par exemple le Renard, qui sait fort bien qu'un piège est unpiège.
Sans doute, il y a intelligence partout où il y a inférence ; mais l'inférence, qui consiste en un infléchissement de l'expérience passée dans le sens del'expérience présente, est déjà un commencement d'invention.
L'invention devient complète quand elle se matérialise en un instrument fabriqué.
C'est làque tend l'intelligence des animaux, comme à un idéal.
Et si, d'ordinaire, elle n'arrive pas encore à façonner des objets artificiels et à s'en servir, elle s'yprépare par les variations mêmes qu'elle exécute sur les instincts fournis par la nature.
En ce qui concerne l'intelligence humaine, on n'a pas assezremarqué que l'invention mécanique a d'abord été sa démarche essentielle, qu'aujourd'hui encore notre vie sociale gravite autour de la fabrication et del'utilisation d'instruments artificiels, que les inventions qui jalonnent la route du progrès en ont aussi tracé la direction.
Nous avons de la peine à nous enapercevoir, parce que les modifications de l'humanité retardent d'ordinaire sur les transformations de son outillage.
Nos habitudes individuelles et mêmesociales survivent assez longtemps aux circonstances pour lesquelles elles étaient faites, de sorte que les effets profonds d'une invention se font remarquerlorsque nous en avons déjà perdu de vue la nouveauté.
Un siècle a passé depuis l'invention de la machine à vapeur, et nous commençons seulement àressentir la secousse profonde qu'elle nous a donnée.
La révolution qu'elle a opérée dans l'industrie n'en a pas moins bouleversé les relations entre leshommes.
Des idées nouvelles se lèvent.
Des sentiments nouveaux sont en voie d'éclore.
Dans des milliers d'années, quand le recul du passé n'en laisseraplus apercevoir que les grandes lignes, nos guerres et nos révolutions compteront pour peu de chose, à supposer qu'on s'en souvienne encore ; mais de lamachine à vapeur, avec les inventions de tout genre qui lui font cortège, on parlera peut-être comme nous parlons du bronze ou de la pierre taillée ; elleservira à définir un âge.
Si nous pouvions nous dépouiller de tout orgueil, si, pour définir notre espèce, nous nous en tenions strictement à ce que l'histoire etla préhistoire nous présentent comme la caractéristique constante de l'homme et de l'intelligence, nous ne dirions peut-être pas Homo sapiens, mais Homofaber.
En définitive, l'intelligence, envisagée dans ce qui en paraît être la démarche originelle, est la faculté de fabriquer des objets artificiels, en particulierdes outils à faire des outils, et d'en varier indéfiniment la fabrication...L'instrument fabriqué intelligemment est un instrument imparfait...
Mais, comme il est fait d'une matière inorganisée il peut prendre une forme quelconque,servir à n'importe quel usage, tirer l'être vivant de toute difficulté nouvelle qui surgit et lui conférer un nombre illimité de pouvoirs...
Surtout, il réagit sur lanature de l'être qui l'a fabriqué, car, en l'appelant à exercer une nouvelle fonction, il lui confère, pour ainsi dire, une organisation plus riche, étant un organeartificiel qui prolonge l'organisme naturel.
Pour chaque besoin qu'il satisfait, il crée un besoin nouveau, et ainsi, au lieu de fermer, comme l'instinct, le cercled'action où l'animal va se mouvoir automatiquement, il ouvre à cette activité un champ indéfini, où il la pousse de plus en plus loin et la fait de plus en pluslibre.
RÉSUMÉ
On fait remonter l'apparition de l'homme sur la terre à l'époque où se fabriquèrent les premiers instruments.
Or, lors de la découverte de Boucher dePerthes, la question posée fut de savoir s'il s'agissait d'outils, non de savoir si ces outils prouvaient l'existence d'une intelligence ; dans le domaine animal,on parle d'intelligence à partir d'une utilisation de l'instrument qui dépasse la simple imitation ou association.
C'est donc la matérialisation par l'outil quicaractérise l'intelligence inventive.
C 'est elle d'autre part qui conditionne notre vie sociale, dominée par la fabrication et l'utilisation d'objets artificiels.
Bienque les habitudes nous masquent l'évolution, la machine à vapeur qui a révolutionné notre industrie, nos idées, nos sentiments, définira peut-être• un âge.Ainsi, au départ, l'intelligence est l'art de fabriquer des objets artificiels qui confèrent à l'homme un pouvoir illimité.
ANA LYSE
Tout le texte tend à détruire la suprématie de l'homo sapiens sur l'homo faber ; Bergson utilise comme premier argument l'attitude des paléontologistes : onfait remonter l'apparition de l'homme sur la terre à l'époque où se fabriquèrent les premiers instruments.
Or, lors de la découverte de Boucher de Perthes, laquestion posée fut de savoir s'il s'agissait d'outils, non de savoir si ces outils prouvaient l'existence d'une intelligence.
Le philosophe tire son deuxièmeargument des critères selon lesquels on distingue l'intelligence chez les animaux : dans le domaine animal, on parle d'intelligence à partir d'une utilisationde l'instrument qui dépasse la simple imitation ou association.
La conclusion est évidente pour Bergson : c'est la matérialisation par l'outil qui caractérisel'intelligence inventive.
Puis l'auteur argumente à partir de notre monde actuel, notant l'importance de cette forme d'intelligence qui conditionne notre viesociale, dominée par la fabrication et l'utilisation d'objets artificiels.
L'histoire contemporaine fournit une dernière preuve par l'exemple : bien que leshabitudes nous masquent l'évolution, la machine à vapeur, qui a révolutionné notre industrie, nos idées, nos sentiments définira peut-être un âge.
Laconclusion affirme la primauté de l'homo faber : au départ, l'intelligence est l'art de fabriquer des objets artificiels qui confèrent à l'homme un pouvoir illimitéBergson lui-même souligne, avant de conclure en ces termes, les divers aspects de la révolution provoquée par l'invention de la machine à vapeur.
C ertainssont évidents : tous les livres d'histoire évoquent l'importance du machinisme lorsqu'il apparaît au xixe siècle ; il bouleverse les procédés de production,transforme les usines qui se concentrent et disposent d'une puissance accrue ; il crée les moyens de transport qui conditionneront désormais toutel'organisation de la vie matérielle.
Il entraîne, avec la naissance de la grande industrie, la concentration de la main-d'oeuvre, les brassages de population, lacroissance des cités.Toute l'organisation de la société s'en trouve modifiée.
Le bien-être accru est la première forme de cette course à la consommation que notre mondecontemporain ne parvient plus à freiner.
L'organisation des usines et des banques nécessite la concentration des capitaux et engendre un type d'économienouveau : l'enrichissement des uns a pour corollaire la misère des autres, les crises de surproduction, les conflits sociaux de toutes sortes.
Les guerres quien découlent prennent des proportions inouïes jusque-là ; la dernière guerre mondiale doit peut-être son atrocité au raffinement technique qui permit la mortde millions de déportés.Aussi la découverte de la machine à vapeur a-t-elle posé des problèmes philosophiques nouveaux.
L'ancien « science sans conscience n'est que ruine del'âme » de Rabelais a repris son caractère d'avertissement urgent.
L'homme se demande si son destin se trouve bien entre ses propres mains ; tous lespenseurs socialistes du XIXe siècle ont cherché à donner un sens à ce destin.
De façon différente, mais avec un égal optimisme, Bergson affirme sa foi dansle progrès.
La question demeure entière, et son acuité, son caractère purement humain sont bien signes d'une ère nouvelle..
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