BAJAZET

« BAJAZET [Bayezid].

Fils du sultan otto­ man Ahmed 1er et de la sultane Kosem, il fut élevé dans le sérail.

Ses qualités aimables et nobles excitèrent la jalousie de son frère le sultan Murad IV (Amurat chez Racine), qui le fit mettre à mort.

Bayezid mourut étranglé en l'an 1044 de l'hégire (1635 de notre ère), après avoir farouchement résisté et tué quatre de ses meurtriers.

M.

Mat.

* Personnage de la tragédie de Jean Racine Bajazet(*) (1672).

Il n'a guère trouvé grâce auprès des critiques.

Dès la création de la pièce, Robinet voyait en lui un «Turc aussi doux qu'un Français».

C'était aussi l'opinion de Voltaire : «courtisan français», c'est-à-dire un héros fade, sans couleur.

Racine ainsi se serait totalement trompé, qui écrivait que Bajazet est un héros passionné, gardant au milieu de son amour la «férocité» de sa nation.

De plus la tragédie porte le nom de Bajazet, non celui de Roxane •, comme Bri­ tannicus (*) celui de la victime de Néron • et non celui de Néron, et pour les mêmes raisons.

Afin de rendre au personnage son véritable caractère, il importe d'abord de bien mettre en valeur dans quelle situation politique il se trouve; car, avant d'être un amoureux, il est au centre des intrigues qui se trament autour du trône de Constantinople.

Bajazet est le frère du sultan Amurat, et le premier soin d'un sultan est d'écarter tout peril pouvant naître d'un prince de sang royal : Amurat a condamné à « une éternelle enfance >> son frère Ibrahim (et cette situation ne devait pas paraî­ tre si étrange à des contemporains qui savaient par quels moyens, pour protéger le trône de Louis XIV, avait été éliminé le duc d'Orléans Monsieur, frère du roi).

uant à Ba'azet, trop rude pour être rendu ino ensif par es mêmes méthodes d'amollissement, il a vu sans cesse Amurat « anné contre sa vie >> : il a été mis au secret dans le sérail.

Au moment de son départ pour la campagne contre Babylone, Amurat à donné l'ordre à Roxane, la sultane favorite de faire mettre à mort Bajazet au moindre so'up­ çon.

Bajazet est donc d'abord cet homme-ci : un prince valeureux qui a fait très tôt la preuve de son courage et qui, en raison de ses qualités mêmes, est tenu à l'écart de toute activité publique et menacé dans sa vie.

De cet état d'abai�sement, il souffre ; aussi, lorsque, pour des ratsons toutes personnelles, le grand vizir Acomat • ourdit un complot pour renverser Amurat,, Bajazet accepte-t-il la perspective du coup d'Etat.

Mais la réussite du complot est liée à la participation de Roxane, qui reste seule maîtresse du sort de Bajazet.

Roxane, tombant amoureuse du jeune homme, se déclare disposée à prêter la main à l'opération, à la condition que celui-ci l'épouse.

Et Bajaz�t commence à biaiser, à user d'un langage eqw­ voque à l'égard de la sultane qu'i! n'ai�e �s, s'engageant juste assez pour lut lrusser 1 espotr, mais se gardant de jamais prononcer les paro­ les qui le lieraient défmitivement.

Bajazet devient donc ce personnage : l'homme honnête pris dans.

une situatio� faus� qu'.il a l�i-mêm� créée qu1 souffre du role qu tl dott tentr, et qut tente ' de sauver l'essentiel, en cédant autant qu'il faut, mais pas davantage, au caprice de la toute- · ssante sultane.

Puis vient le moment décisi : il doit choisir entre Roxane et Ata­ lide • qu'il aime.

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hchoisit: il dit la vérité, et rejette la proposition de mari�ge.

�ais ce n'e�t pas sur un ton provocant : JUSQU au bout, tl tente d'échapper au dilemme; rappelant à Roxane les illusions qu'elle a eUe-même volon­ tairement entretenues, il souligne qu'il a évité toute promesse founelle.

Et, constatant Q';l'il est cette fois perdu, il tente de sauver au motns Atalide.

Il signe ainsi.

son arrêt de !'llort : Roxane le livre aux matns des muets qut vont l'étrangler.

Bajazet n'est donc pas ce person­ nage terne et conventionnel qu'ont �i so�vent critiqué les comm�ntateurs ..

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h de�ent e�on­ namment vivant, st l'on vott en lw le pnnce déshérité qui lutte pour échapper à la cond�­ tion humiliante qui lui a été faite -en cela, Il rappelle Britannicus • � qui est pris dans l'engrenage de ses d�mt-mensonges, et .que � fierté perd parce qu'il ne peut pas aller JUSQ� a se renter lui-même.

Et, si l'on fait abstractto� de l'inévitable langage noble et galant que.

lw prête Racine, il est bien un personna�e onen­ tai : par son habileté à feindre et à JOuer d.e l'équivoque, par la violence de l'amour qu'Il porte à Atalide, par son mépris .de ..

la mort, par son fatalisme enfin.

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hne sauratt etre question de faire de Bajazet le premier rôle de la tra­ gédie, mais c'est fausser le sens d� 1:œuvr� que d'en faire un personnage sacnfie et édul­ coré.

M.

D.. »