Bachelard, La formation de l’esprit Scientifique
Publié le 02/04/2023
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Mahé ESCRICH
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Philosophie
Gaston Bachelard, La Formation de l’esprit scientifique (1938)
Question 1: Expliquez avec précision la citation suivante: “Et il ne s’agit pas de
considérer des obstacles externes, comme la complexité et la fugacité des phénomènes, ni
d’incriminer la faiblesse des sens et de l’esprit humain: c’est dans l’acte de mieux connaître,
intimement, qu'apparaissent, par une sorte de nécessité fonctionnelle, des lenteurs et des
troubles”.
Qu’est ce qu'un obstacle épistémologique?
Dans cette phrase, Gaston Bachelard établit que blâmer les obstacles externes, la
rapidité ou la complexité d’un phénomène, est aussi inutile que d’accuser les sens et l’esprit
humains de ne pas être à la hauteur.
En effet, c’est simplement dans l’acte d’approfondir les
connaissances que surgissent la lenteur et les troubles.
De prime abord il semble pourtant
logique que la rapidité d’un phénomène le rende compliqué voir impossible à analyser car,
ayant peu de temps pour saisir ce qu’il se passe, l’esprit humain, même scientifique et donc
habitué aux phénomènes nouveaux, aura du mal à en saisir toutes les dimensions.
Le même
problème se pose lorsqu’un phénomène est complexe.
Un esprit, aussi brillant soit-il, peut ne
pas être en mesure de rendre compte avec précision de ce qui compose le phénomène.
Ces
deux éléments sont des obstacles car ils empêchent la progression scientifique, la découverte
et la compréhension de nouveaux phénomènes.
De plus, ce sont des obstacles externes dans
la mesure où ils ne dépendent en aucun cas du scientifique lui-même et il n’a donc aucun
moyen d’action et de contrôle sur ces paramètres.
On ne peut pas non plus reprocher aux sens
et à l’esprit humain de ne pas être suffisamment aiguisés et donc de freiner la découverte.
Ainsi, ni les obstacles externes à l’esprit scientifique ni les obstacles internes ne sont à
l’origine de la lenteur avec laquelle progressent les découvertes scientifiques.
Cependant cette
lenteur existe bel et bien et il faut l’expliquer.
C’est de la connaissance primaire que vient
cette lenteur qui se transforme alors en obstacle.
En effet, lorsque nous cherchons à enrichir
nos connaissances en examinant un nouveau phénomène, le problème de notre connaissance
préalable du réel se pose.
Selon Bachelard “la connaissance du réel est une lumière qui
projette toujours quelques parts d’ombres” (p.15), ainsi, la connaissance du réel est à la fois
une aide précieuse qui éclaire le monde réel et nous aide à le comprendre mais également un
frein à la découverte car il assombrit une partie de la réalité.
Cela devient alors un obstacle épistémologique dans le sens où cela freine la
construction de la connaissance scientifique.
Ce sont des préjugés, des croyances ou bien des
idées préconçues qui empêchent l’individu de remettre en question certaines idées ou
certaines théories.
Ces éléments nous empêchent alors de penser correctement, ils vont faire
en sorte que notre vision du monde soit altérée par les principes que nous connaissons déjà et
que nous avons déjà intégrés depuis longtemps.
En effet, puisqu’elles touchent à notre vision
du monde, ces croyances sont la plupart du temps liées à des conceptions naïves du monde et
à des idées reçues qui peuvent être profondément ancrées dans la culture et la société, elles
sont ainsi intériosées depuis souvent des années ce qui rend difficile le chemin inverse: la
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déconstruction de ces idées.
Si ces préjugés sont dans tous les cas handicapants pour
l'acquisition de nouvelles connaissances, ils possèdent une part variable de véracité ce qui
rend plus ou moins compliqué l’évolution des connaissances.
Ainsi, ce ne sont pas des
paramètres extérieurs ou un défaut de l’esprit humain qui freinent et troublent l’avancée des
connaissances.
Ce sont nos propres idées préconçues desquelles nous ne parvenons pas à
nous défaire pour aborder les phénomènes nouveaux d’un œil neutre et ainsi développer
réellement nos connaissances.
Ces idées préconçues produisent des biais de pensées qui
influencent notre vision d’un phénomène, notre interprétation et plus tard les lois générales et
les usages qui pourront en être tirés.
Question 2: Expliquez avec précision la citation suivante: “Quand il se présente à la
culture scientifique, l’esprit n’est jamais jeune.
Il même très vieux, car il a l’âge de ses
préjugés”
Un individu, lorsqu’il se présente au monde scientifique, ne peut être dénué de
préjugé comme on l’a vu précédemment.
Ainsi, c’est un esprit déjà modelé et façonné avec
les croyances et les préjugés auxquels il se raccroche.
Il n’est donc pas tout jeune comme le
serait un nouveau né qui viendrait au monde sans aucun à priori sur le monde.
Lorsque
Bachelard écrit qu’il a “l’âge de ses préjugés” il dit que les préjugés peuvent être très anciens
et souvent le sont.
Si la science est une base d’information dont les principes se renouvellent
sans cesse et sont donc indéfiniment “jeunes” les préjugés eux par définition ne sont jamais
renouvelés, ils persistent quelques soient les avancées et sont donc aussi âgés que leur
création.
Or, un esprit est nécessairement emprunt de ces préjugés car nous vivons dans un
monde au sein duquel une vision particulière de la réalité existe et cela est normal.
Nous ne
pouvons pas contrôler ces fausses croyances car elles sont puissamment et profondément
ancrées en nous.
Ces préjugés produisent des opinions qui ne sont pas compatibles avec
l’esprit scientifique.
En effet, une opinion produit de manière presque systématique un biais
de pensée par lequel un phénomène scientifique sera perçu.
Une opinion par définition ne
permet pas d’être neutre.
L’opinion est donc nécessairement dangereuse d’autant plus
lorsqu’on prend cette opinion pour un savoir.
C’est un défaut qu’un scientifique doit éliminer.
La science n’est pas l’accumulation de connaissances et d’informations comme l’est une
opinion.
La science doit-être une remise en cause permanente de ce que l’on sait ou plutôt de
ce que l’on croit savoir.
De plus, Bachelard ajoute que “la question abstraite et franche s’use: la réponse
concrète reste”.
Par cette phrase il pose clairement la différence entre la science et les
préjugés qui mènent à l’opinion.
Selon lui, les productions de la science ne sont pas
éternelles, elles s’usent d'elle-même au bout d’un certain temps, érodées par les principes
nouveaux découverts.
Ceci est normal et bénéfique car par cette remise en cause de ce que
l’on croit savoir et de ce que l’on tient pour acquis la science progresse, elle n’est pas statique
dans ses vieilles positions.
En revanche, les réponses apportées aux questions et
particulièrement les usages qui sont faits des principes scientifiques peuvent eux perdurer des
décennies après la rectification voire la réfutation des principes sur lesquels ils se basent.
En
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effet, un principe est nécessairement vrai lorsqu’il est découvert et vérifié avec les méthodes
et moyens de l’époque donnée.
Ainsi, les usages qui sont fait de ce principe continuent à être
possibles bien que le principe, suite à de nouvelles vérifications avec des connaissances plus
poussées et des appareils perfectionnés, soit dépassé.
Ainsi, l’esprit scientifique se renouvelle
en permanence par nécessité avant tout, il lui faut intégrer de nouveaux principes et en
délaisser d’autres.
De ce fait, l’esprit scientifique est jeune car ces principes ne sont pas
stables et qu’il renaît en permanence.
À l’opposé, un esprit simple, pas encore scientifique,
est vieux, il est marqué de préjugés sans âge et jamais renouvelés.
Il est alors chargé de biais
qui ne permettent pas, s’ils ne sont pas déconstruits, une pleine adhésion à l’esprit
scientifique.
Question 3: Expliquez avec précision la citation suivante: “Il n’y a que la raison qui
dynamise la recherche, car c’est elle seule qui suggère au-delà de l’expérience commune
(immédiate et spacieuse) l'expérience scientifique (indirecte et féconde)”.
Pourquoi Bachelard estime-t-il qu’il “est nécessaire que la pensée quitte l’empirisme
immédiat”?
Expliquez ce qu’est une expérience ou expérimentation scientifique, et une théorie ou
hypothèse scientifique, et la différence entre un épistémologue et un historien des sciences.
Cette citation de Gaston Bachelard exprime l'idée que la raison est essentielle pour
dynamiser la recherche scientifique, car elle permet de suggérer des perspectives au-delà de
l'expérience commune et immédiate.
Pour lui, l'expérience commune est limitée par les
préjugés, les croyances et les représentations communes, qui empêchent la pensée de s'ouvrir
à de nouvelles perspectives et de découvrir de nouveaux phénomènes.
En revanche,
l'expérience scientifique est indirecte et féconde, car elle permet de découvrir des
phénomènes cachés ou invisibles à l'expérience commune, en utilisant des méthodes et des
instruments spécifiques.
Selon Bachelard, c'est la raison qui permet de passer de l'expérience
commune à l'expérience scientifique, en dépassant les limites de l'expérience immédiate et
spacieuse.
La raison permet de formuler des hypothèses, des théories et des modèles
explicatifs qui permettent de comprendre les phénomènes observés, et de formuler de
nouvelles questions de recherche.
En somme, cette citation souligne l'importance de la raison
pour dynamiser la recherche scientifique, en permettant de dépasser les limites de
l'expérience commune et de découvrir de nouveaux phénomènes cachés ou invisibles.
La
raison est ainsi au cœur du processus de découverte scientifique, en guidant la recherche vers
de nouvelles perspectives et de nouveaux horizons.
Pour Bachelard la connaissance scientifique....
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