Avons-nous besoin de cultiver notre langue ?
Publié le 09/12/2021
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La défense de la langue française semble d'actualité. On parle quotidiennement d'épurer le français des anglicismes qui le défigurent, de corriger les fautes émaillant le discours des hommes de presse et de communication et même de nommer un Monsieur Langue... Ne croyons pas cependant que ces prises de position caractérisent le XXe siècle. Du Bellay écrivait une Défense et Illustration de la langue française et Rivarol remportait au XVIIIe siècle un concours organisé par l'Académie de Berlin grâce à son discours intitulé « De l'universalité de la langue française ». Quelles peuvent être les raisons incitant à cultiver sa langue ? Comment ne pas sombrer dans un protectionnisme culturel et idéologique de mauvais aloi ? Quels moyens peut-on adopter ?
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La défense de la langue française semble d'actualité.
On parle quotidiennement d'épurer le français des anglicismesqui le défigurent, de corriger les fautes émaillant le discours des hommes de presse et de communication et mêmede nommer un Monsieur Langue...
Ne croyons pas cependant que ces prises de position caractérisent le XXe siècle.Du Bellay écrivait une Défense et Illustration de la langue française et Rivarol remportait au XVIIIe siècle unconcours organisé par l'Académie de Berlin grâce à son discours intitulé « De l'universalité de la langue française ».Quelles peuvent être les raisons incitant à cultiver sa langue ? Comment ne pas sombrer dans un protectionnismeculturel et idéologique de mauvais aloi ? Quels moyens peut-on adopter ?
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Pour certains, la langue n'est qu'un véhicule sans personnalité, sans signification particulière ; pour d'autres, elle secharge d'une véritable mystique.
Face à ces deux positions extrémistes, on peut raisonnablement affirmer que lalangue doit être cultivée pour différentes raisons.La première est liée à la conservation du patrimoine.
Au-delà des frontières parfois mouvantes d'un territoire ou dedéfinitions contestables de la race, une nation se constitue par l'élaboration progressive, puis la conservation d'unpatrimoine.
Celui-ci, entendu dans un sens linguistique, est particulièrement riche en France et hors de France grâceaux écrivains francophones.
La communauté de langue a créé une richesse littéraire, historique et idéologique dontnul, à moins de souhaiter faire table rase du passé comme dans Fahrenheit 451 de Ray Bradbury, ne peut contesterl'immense réservoir d'idées, de sensations et de références.
La culture de notre langue s'impose pour augmentercette richesse et continuer à lui donner vie.
Il faut continuer à parler, à écrire, à apprendre la langue, afin de lire etde comprendre les oeuvres du passé, car un livre n'existe réellement que s'il est lu, commenté, discuté.
Sadestruction commence dès son oubli, avant le lance-flammes des pompiers spécialisés de Fahrenheit 451.La langue française est également liée à des événements historiques qui ont pris valeur de symbole pour le mondeentier.
Ainsi la Révolution française de 1789, celle de 1848 et la Commune de Paris furent des références pour lesmouvements de libération et de révolution d'autres pays, francophones ou non.
Des textes comme la Déclarationdes droits de l'homme sont devenus des symboles idéologiques.
Historiquement, des vocables tels que « liberté » ou« égalité » sont liés à la langue française.
Il ne faut donc pas s'étonner si, paradoxalement, les idées dedécolonisation sont nées dans des pays colonisés par la France ayant assimilé son héritage linguistique et culturel.Ces divers patrimoines, littéraire, historique et idéologique, paraissent liés à un élément linguistique, la languefrançaise en l'occurrence.
Il semble en effet que le fait de parler une même langue exerce une influence sur le modede penser.
Les langues possèdent un génie propre, soit des caractéristiques, comme la plus ou moins granderichesse de vocabulaire dans tel domaine, l'ordre des mots dans la phrase, la plus ou moins grande aptitude à créerdes mots.
Loin de n'être que des curiosités grammaticales, ces caractéristiques expliquent que des peuples aientdes démarches intellectuelles et verbales différentes.
Ainsi la poésie française par l'existence du « e » muet estfondée sur le compte des syllabes et non sur l'alternance de syllabes brèves ou longues (comme la poésie latine) ouaccentuées et non accentuées (comme la poésie anglaise).
Ainsi peut-on penser qu'abandonner ou délaisser salangue peut avoir des conséquences graves sur la pensée et l'expression d'un groupe d'individus.Historiquement, ces diverses raisons sont à l'origine du rayonnement culturel de la langue et de la civilisationfrançaise à l'extérieur du territoire.
Le français est ainsi parlé en Belgique, au Luxembourg, en Suisse romande, dansle Val d'Aoste, à Jersey.
Les zones francophones se situent également au Québec, en Acadie, en Louisiane et àHaïti.
Enfin, la colonisation a répandu le français dans le Maghreb, en Afrique noire, dans les îles de l'océan Indien eten Asie (au Liban et dans les Etats de l'ex-Indochine française).
Alors que les plaies de la colonisation et de ladécolonisation tendent à se panser, qui parmi les Français soutiendrait que la présence de la langue française estnéfaste ? On ne peut que souhaiter cultiver sa richesse, la variété de ses expressions.
La francophonie doitdésormais se comprendre comme un espace linguistique et géographique, non plus politique, qui permet à descultures différentes, de s'exprimer et d'être diffusées par une langue commune.La culture de la langue ne doit pas s'apparenter à un protectionnisme passéiste ou réducteur.
La langue françaisene peut être protégée grâce à un ostracisme contre d'autres langues, parlers régionaux ou anglais.Pendant la Troisième République, le français était imposé aux élèves et le fait de parler patois sévèrement puni dansles écoles primaires.
Pierre Jakez Hélias, auteur breton, se fait le rapporteur indigné de ces pratiques dans Le Chevald'orgueil.
Mal supportées des petits élèves habitués à ne parler que patois chez eux, ces brimades n'étaientcependant pas gratuites.
La Troisième République eut du mal à se maintenir et devait donc créer un sentimentnational, une mystique lui permettant de s'ancrer dans les mentalités.
L'identité par une langue commune quelle quesoit la classe sociale et l'uniformisation de l'enseignement du Nord au Sud de la France en étaient les élémentsfondateurs.
Le problème d'identité et de maintien d'un régime ne se posant plus en termes identiques, la politique àl'égard des parlers régionaux a changé.
Des mouvements comme celui des félibres autour du poète provençal Mistralont contribué à une nouvelle expansion du provençal, de l'occitan et du breton, que les élèves peuvent désormaisadopter en deuxième langue vivante dans certains établissements.La même tolérance devrait guider les rapports des francophones, notamment avec l'anglo-américain qui apparaîtcomme un ennemi.
La diffusion de l'anglais est liée à des facteurs numérique et économique.
L'anglais est la languedu Royaume-Uni, des pays du Commonwealth (la plupart des anciennes colonies de la Couronne britannique) et ducontinent américain.
A ce grand nombre d'individus concernés, il faut ajouter la puissance américaine, ce quiexplique que l'anglais soit devenu la langue de la recherche scientifique ou des échanges commerciaux.
Nul ne peutcontester et peut-être s'opposer à cet état de faits.
Il paraît plus sage de développer l'usage du français dans lesdomaines traditionnels qui lui sont propres comme la littérature.
Des poètes africains comme Aimé Césaire ou LéopoldSédar Senghor, pourtant à l'origine du concept de « négritude », des romanciers balkaniques comme Panait Istrati,des dramaturges comme Beckett ou Ionesco dont la langue maternelle n'est pas le français, font la preuve de lavitalité du français..
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