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Averroès1126-1198De l'Orient du Dâr al-Islâm, nous passons à son Extrême-Occident.

Publié le 22/05/2020

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« Averroès 1126-1198 De l'Orient du Dâr al-Islâm, nous passons à son Extrême-Occident.

Le climat spirituel est autre ; tandis qu'en Orient s'élabore le platonisme néo-zoroastrien de Sohramardî (préfigurant le dessein du Byzantin Gémiste Pléthon), nous venons ici en un climat où domine un penseur qui se veut consciemment et délibérément aristotélicien.

La réputation des grands philosophes de l'Andalousie (Ibn Masarra, Ibn Badja, Ibn Tofayl) pâlit quelque peu devant le nom d'Averroès (Ibn Ruchd), le philosophe de Gordoue.

Il semblerait que le souci dominant de chaque historien ait été de montrer qu'Averroès appartint à son propre camp, dans le grand débat mettant en cause les rapports de la philosophie et de la religion. Renan fit de lui un libre penseur avant la lettre, par réaction, des travaux des années 50 tendent à le montrer comme un apologiste du Coran, voire comme un théologien, le plus souvent sans s'expliquer sur le sens de ce mot.

On ne devrait jamais oublier que les problèmes qui ont absorbé la chrétienté, n'ont pas forcément leurs équivalents exacts en Islam ; ne pas oublier surtout que ce dernier ignore tout magistère dogmatique analogue à celui de l'Église.

En fait, le propos d'Averroès est déterminé par un impérieux discernement des esprits, le texte religieux comporte une lettre exotérique (zâhir) et un ou plusieurs sens ésotériques (bâtin) ; mais l'on provoquerait les pires catastrophes psychologiques et sociales en dévoilant intempestivement aux ignorants et aux faibles le sens ésotérique des enseignements religieux.

Néanmoins, il s'agit toujours d'une même vérité se présentant à des plans d'interprétation différents.

Il était abusif d'attribuer à Averroès lui-même l'idée de deux vérités contradictoires.

Pour en arriver là, il fallait tout ignorer des propriétés de cette opération mentale qui s'appelle ta'wîl , c'est-à-dire exégèse symbolique .

Précisément, on ne peut étudier le ta'wîl pratiqué par Averroès, sans connaître comment il fut mis en œ uvre ailleurs, chez un Avicenne, un Sohrawardi, d'une manière générale dans le soufisme et dans le chi'isme, et par excellence dans l'ismaélisme.

La comparaison peut alors dégager les motifs et les conséquences de la cosmologie d'Averroès qui aboutit à détruire la seconde hiérarchie de l'angélologie avicennienne, celle des Âmes célestes représentant en propre le monde des Images et de l'imagination active, par qui subsiste l'univers des symboles.

Avec la disparition de ce monde intermédiaire, s'efface l'idée d'une nouvelle naissance de l'âme liée à sa progression dans la nuit des symboles.

Le ta'wîl peut dégénérer en pure technique.

Au lieu de s'interroger sur le rationalisme d'Averroès en présupposant les données qui furent propres aux conflits internes de la pensée chrétienne, il convient d'insérer la question dans le seul contexte qui lui donne son sens vrai. Parce que son propos est de restaurer une cosmologie qui soit dans le pur esprit d'Aristote, Averroès reproche à Avicenne son schéma triadique qui interpose l'Âme céleste entre l'Intelligence séparée et l'orbe céleste.

Le moteur de chaque orbe est une vertu, une énergie finie, acquérant une puissance infinie par le désir qui le meut vers un être qui n'est ni un corps, ni une puissance subsistant dans un corps, mais une Intelligence séparée qui meut ce désir comme étant sa cause finale.

C'est par homonymie, pure métaphore, que l'on peut donner le nom d'âme à cette énergie motrice, à ce désir qui est un pur acte d'intellection. Ce qui motive cette critique, c'est une prise de position fondamentale contre l'émanatisme avicennien, contre l'idée d'une procession successive des Intelligences à partir de l'Un. Dans ce qui l'apparente encore à l'idée de création, cette idée est inintelligible à un péripatéticien de stricte observance.

Il n'est point de cause créatrice.

S'il existe une. »

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