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autisme

Publié le 06/12/2021

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autisme n.m. (angl. Autism; allem. Autismus). Repliement sur son monde intérieur du sujet qui refuse le contact avec le monde extérieur, ce repliement pouvant être conçu comme l'effet d'un ratage radical de la mise en place de l'image du corps.

DESCRIPTION CLINIQUE DU SYNDROME

L. Kanner a été le premier, en 1943, à décrire le tableau clinique, en étudiant un groupe de 11 enfants («Autistic Dis-turbances of affective Contact «, trad. fr. in Berquez, l'Autisme infantile, 1983). Sa description reste toujours valable et présente l'avantage de ne pas être enta¬chée de tentatives explicatives, comme chez les auteurs postérieurs. Kanner décrit un tableau dont le trait patho¬gnomonique est «l'inaptitude à établir des relations normales avec les per¬sonnes, depuis le début de la vie «. Il écarte toute confusion avec la schizo¬phrénie, adulte ou infantile, en sou¬lignant qu'il n'a jamais existé chez ces enfants de relation initiale après laquelle il y aurait eu un retrait. «Il y a depuis le départ une extrême solitude autistique qui, toutes les fois que cela

 

est possible, dédaigne, ignore, exclut tout ce qui vient vers l'enfant de l'exté-rieur.« Tout contact physique direct, tout mouvement ou bruit est vécu comme menaçant de rompre cette soli-tude. Ce sera traité «comme si ça n'était pas là« ou bien ressenti doulou-reusement comme une interférence désolante. Chaque apport de l'exté¬rieur représente «une intrusion effroyable«. Il en découle une limite fixe dans la variété des activités sponta¬nées, comme si le comportement de l'enfant était gouverné par une recherche d'immutabilité, rendant compte des répétitions monotones. Dans les entretiens, ces enfants ne prêtent pas la moindre attention à la personne présente : aussi longtemps qu'on les laisse tranquilles, ils la traitent comme un meuble du bureau... Si l'adulte s'introduit lui-même de force en prenant un cube ou en arrêtant un objet que l'enfanta lancé, celui-ci se débat, se met en colère contre le pied ou la main en les traitant en soi et non comme parties d'une personne.

Concernant des signes précurseurs, Kanner remarque que, si l'enfant ordi¬naire apprend dès les premiers mois à ajuster son corps à la position de la personne qui le porte, les enfants autistes n'en sont pas capables.

Quant à l'étiologie en cause, Kanner suppose que « ces enfants sont venus au monde avec une incapacité innée, bio¬logique, de constituer un contact affec¬tif avec les gens «.

Pour ce qui est du langage, huit des onze enfants étudiés parlaient, mais pour énoncer des noms d'objets identi-fiés, des adjectifs de couleurs ou des indications sans spécificité. Quand ces enfants en viennent à former finale-ment des phrases — état que les auteurs actuels dénomment « postau-tisme « —, il s'agit de répétitions immé-diates ou d'écholalies différées, comme chez les perroquets, voire de combinaisons de mots entendus. Le 

 

sens d'un mot est inflexible, il ne peut être utilisé qu'avec la connotation ori-ginairement acquise. Les pronoms per-sonnels sont répétés comme ils sont entendus, sans tenir compte de qui énonce la phrase. «Le langage, dit-il, était dévié vers une autosuffisance sans valeur sémantique, ni de conversation, ou alors vers des exercices de mémoire grossièrement déformés.«

Il conclut que, en ce qui concerne la fonction de communication de la parole, il n'y avait pas de différence fondamentale entre les huit enfants parlants et les trois muets. Et, comme certains parents avaient profité de l'ex-traordinaire mémoire de ces enfants pour leur faire apprendre des psaumes ou des textes par coeur, Kanner s'était demandé si cet apprentissage même ne constituait pas une cause de leurs diffi-cultés de communication.

Si nombre de ses observations demeurent pertinentes, certaines de ses conclusions s'avèrent contredites par l'étude qu'il a menée lui-même trente ans plus tard («Follow up Study of eleven Children originaly reported 1943 «, 1971) sur le devenir des onze enfants étudiés. Il y réitère, avec davan¬tage de conviction encore, sa concep¬tion d'une étiologie innée biologique, refusant toute psychogenèse postna¬tale: pour lui, tout est déjà joué à la naissance, et il lui paraît impossible de considérer un tel tableau comme un effet de la relation parent-enfant.

Presque tous les anciens enfants de sa recherche en étant venus à vivre dans des institutions pour chroniques et grabataires, Kanner constate qu'ils se sont installés dans un mode de vie «nirvana «. Deux étaient parvenus tou-tefois à une autonomie professionnelle et économique, faisant preuve de capa¬cités créatrices culturelles ou artis-tiques; ces deux destins différents sont considérés par Kanner comme résul-tant de rencontres avec des êtres capables d'entrer véritablement en

 

contact avec eux. Ce que cet auteur ne souligne pas, c'est qu'il s'agissait juste-ment de deux enfants qui avaient parti¬culièrement développé ce langage écholalique, les parents ayant fourni une quantité de matériel culturel pour alimenter leur capacité d'apprendre par coeur. Un tel travail langagier, bien qu'apparemment hors discours et non communicatif, pourrait-il donc — con-trairement à l'avis de Kanner — enga-ger l'appareil psychique de l'enfant dans une mise en route structurante ?

LE POINT DE VUE DE LA PSYCHANALYSE

L'APPROCHE DES AUTEURS POST 

KLEINIENS

Pour F. Tustin (les États autistiques chez l'enfant, 1986), les enfants autistes sont des prématurés psychologiques. La prise de conscience de la séparation d'avec l'objet a eu lieu avant que leurs capacités d'intégration soient suffi¬santes au plan neurophysiologique. L'enfant se trouverait alors en situation de dépression psychotique, concept emprunté à D. W. Winnicott et qui renvoie à un fantasme d'arrachement de l'objet, avec perte de la partie corres-pondante du corps propre — par exemple le sein avec une partie de la bouche. Cela produirait un vide que Tustin nomme «le trou noir de la psy-ché « ; et l'autiste, pour s'en défendre, développerait des défenses massives, dans le but de nier toute séparation, toute altérité. Il se ferait une carapace dans laquelle, investissant ses propres sensations internes, il produirait les «formes autistiques «, à la racine des «objets autistiques «, constitués de par-ties du corps de l'enfant ou d'objets du monde extérieur perçus comme étant du corps propre.

Donald Melzer (Exploration, Appre-hension of Beauty, 1988) décrit deux mécanismes spécifiques à l'autiste dont le but est cl'« annihiler toute dis¬ 

 

tance entre le self et l'objet« et donc toute possibilité de séparation d'avec cet objet: le «démantèlement« et P« identification adhésive «. Ce dernier concept renvoie à la notion de «peau psychique : une zone qui limite et maintient le corps comme un ensemble cohérent «. L'autiste se colle à l'objet, qu'il perçoit comme bidimen¬sionnel et donc dépourvu d'intérieur; le moi et l'objet se trouvent à plat, mor¬celés, rien n'étant là pour leur donner ni cohérence ni volume.

René Diatkine, pourtant éloigné d'une vision structuraliste de l'appareil psychique, a fait des remarques très pointues sur les inconvénients de cet abord phénoménologique de l'au¬tisme. Il souligne en particulier la diffi¬culté de considérer l'autisme en tant que système défensif et combien il lui semble hasardeux d'imputer au bébé des fantasmes d'arrachement de la bouche ou du sein.

APPROCHE LACANIENNE DE LA QUESTION DE L'AUTISME

— Peut-on différencier autisme et psy-chose? Pour répondre à cette question, C. Soler pose aliénation et séparation comme constituant les deux opéra¬tions de causation du sujet. Elle rap¬pelle l'idée selon laquelle (Lacan, Séminaire XI) le psychotique ne serait pas hors langage, mais hors discours. «Si l'inscription dans un discours est conditionnée, dit-elle, par cette opéra-tion de séparation, elle-même condi-tionnée par le Nom-du-Père, il faut dire que le hors-discours de la psychose est son installation dans le champ de l'alié¬nation. La question est alors celle de l'autisme [...]; on peut situer l'autisme dans un en-deçà de l'aliénation, un refus d'y entrer, un s'arrêter au bord.«

— Le ratage de la mise en place de l'image du corps chez l'enfant autiste. Nous savons, par les recherches inter-nationales publiées et à travers la cli-nique (cf. M.C., Laznik-Penot, «Il n'y a

 

pas d'absence s'il n'y a pas déjà pré-sence j...] « in la Psychanalyse de l'enfant, n° 10), qu'il y a des bébés qui, tout en étant élevés par leur mère et n'ayant aucun trouble organique, ne la regardent pas, ne sourient ni ne voca-lisent vers elle et ne l'appellent jamais en cas de détresse. Nos travaux nous mènent à penser que le non-regard entre une mère et son enfant, et le fait que la mère ne puisse s'en apercevoir, constitue un des signes princeps per-mettant de poser, durant les premiers mois de la vie, l'hypothèse d'un autisme — stéréotypies et automutila¬tions ne survenant que dans la deuxième année, Si ce non-regard ne débouche pas nécessairement plus tard sur un syndrome autistique caractérisé, il signe une difficulté majeure au niveau du rapport spéculaire à l'autre. Si l'on n'intervient pas, ce sont des enfants chez qui le stade du miroir ne se consti-tuera pas convenablement.

Ces cas cliniques, où l'on se trouve confronté à une non-mise en place du rapport spéculaire, permettent de mettre en évidence des pathologies qui traduisent certes une non-mise en place du rapport symbolique fonda¬mental, la présence-absence maternelle, mais non pas par défaut du temps absence (comme c'est souvent le cas dans la clinique d'autres états psycho¬tiques), mais bien plutôt par un défaut fondamental de la présence originelle même de l'Autre.

La conséquence est le ratage de la constitution de l'image du corps — au travers du rapport spéculaire à l'autre — et de la constitution du moi. Cela correspondrait à l'échec du temps « aliénation « dans la constitution du sujet.

Pour travailler la clinique d'une non-mise en place du rapport spéculaire, il faut reprendre le schéma optique. Nous savons que Lacan l'introduit (Séminaire I, 1953-54) pour tenter de métaphoriser la mise en place de ce 

 

narcissisme premier. Dans l'expérience de Bouasse, citée par Lacan dans «Remarque sur le rapport de Daniel Lagache « (1960; Écrits, 1966), nous voyons que l'objet réel — le réel du bébé, disons sa présence organique —semble bel et bien faire un avec quel-que chose qui est une image : cette image réelle (le bouquet de fleurs), les «petits a« qui constituent la réserve de libido. Nous savons que, dans un tel dispositif, le sujet du regard, métapho 

risé par celui qui est à même de

percevoir les deux comme formant un tout, une unité, ça ne peut pas être l'enfant lui-même (le vase avec les fleurs) mais nécessairement un Autre. Pour que l' infans puisse se voir lui-même, Lacan propose quelques modi-fications à ce schéma de départ, en y introduisant notamment un miroir plan, illustrant en premier lieu le stade du miroir. Mais il va l'employer aussi autrement: comme miroir sans reflet, représentation du regard du grand Autre (Séminaire VIII, 1960-61, «le Transfert «).

C'est du côté où se trouve l'ensemble constitué par l'objet réel faisant un avec l'image réelle que va se présentifier la constitution de l' Ur-1(h dans ce qui sera le corps propre, l'Ur-Bild de l'image spéculaire. Lacan accorde une grande importance à ce temps de reconnais¬sance par l'Autre de l'image spéculaire, ce moment où l'enfant se tourne vers l'adulte qui le soutient, qui le porte, qui lui demande d'entériner par le regard ce qu'il perçoit dans la glace comme assomption d'une image, d'une maî¬trise non encore advenue.

Pour rendre compte du ratage de la mise en place du stade du miroir, il faut poser la nécessité d'une première reconnaissance, non demandée celle-là, mais qui fonderait la possibi¬lité même de l'image du corps, c'est-à-dire l'Ur-Bild de l'image spéculaire, et qui ne pourrait se former que dans le regard de l'Autre.

 

Un tel défaut de reconnaissance pre-mière pourrait rendre compte de cet évitement qui semble un retranche-ment des signes perceptifs de ce qui pourrait faire regard de la mère, au sens de la présence de celle-ci, de son inves-tissement libidinal.

Parvenus à ce point, il nous faut pro-gresser au travers d'une autre question: d'où s'origine l'image réelle ? Pour y répondre, il faut nous référer à la reprise modifiée que Lacan fait du schéma optique dans le Séminaire X, 1962-63, «l'Angoisse «): l'image réelle qui appa¬raît au-dessus du vase (objet réel) n'est plus la copie conforme d'un objet occulté, comme c'était le cas du bou¬quet de fleurs, mais l'effet d'un man¬que que Lacan va écrire «moins phi (—(O. A partir de la clinique de l'autisme, voici la lecture que l'on peut proposer de cette nouvelle version du schéma optique.

Celui qui tient lieu d'Autre primor¬dial donne son manque (— (1)). Dire que cet Autre donne son manque permet de l'écrire A (A barré). Cette opération permet de voir surgir l'enfant auréolé des objets «petits a «, ce qui pourrait se dire comme étant la «phallicisation« de l'enfant, ce qui semble correspondre chez Freud à la notion même d'inves-tissement libidinal.

Derrière le miroir plan, dans le champ imaginaire, nous ne voyons plus surgir l'image virtuelle de l'en¬semble de ce qui avait pu se constituer (sur la gauche). Les petits a ne sont pas spécularisables; ce que Lacan nomme la « non-spécularisation du phallus« revient dans l'image virtuelle comme un manque (— cp). Nous remarquons donc que cette phallicisation de l'en-fant n'a lieu que dans le regard de l'Autre, et ici le A majuscule s'impose cliniquement puisque, dans son rap¬port à son image, à l'autre son sem¬blable, le sujet ne peut se voir que comme marqué du manque. L'image réelle, formée par l'ensemble de ces 

 

petits a qui correspondent à la phallici-sation de l'enfant, serait alors compara-ble à ce que Freud propose dans son ouvrage Pour introduire le narcissisme, quand il parle de la nécessité que l'en¬fant vienne occuper la place de « his Majesty the baby «.

Dans son Séminaire X, «l'Angoisse «, Lacan a parlé d'une clinique du ratage de la mise en place du rapport spé-culaire. Il s'agit de mères pour qui l'en-fant dans leur ventre n'est qu'un corps diversement commode ou mal-commode; ce qu'il appelle «la subjecti-vation du petit a comme pur réel« (Séminaire XI, 1963-64 «les Quatre Concepts fondamentaux de la psycha-nalyse «).

Tout se passe comme si certains parents n'étaient dupes d'aucune image réelle, et donc d'aucune illusion anticipatrice : comme s'ils voyaient le bébé réel, tel quel, dans son dénue¬ment. Cette impossibilité n'aurait aucun lien avec une quelconque absence de bonne volonté chez les parents mais correspondrait à des diffi¬cultés d'ordre symbolique dont ils seraient eux-mêmes victimes.

L'absence de dimension symbolique et imaginaire de cette image réelle laisse l'enfant sans image du corps, ren-dant problématique son vécu d'unité du corps. Cette absence d'image du corps aura au moins une autre consé-quence dommageable : elle bloquera la réversibilité possible de la libido du corps propre à celle de l'objet. C'est-à-dire que les objets a ne se trouveront pas pris dans ce bord du vase qui sym-bolise le contenant narcissique de la libido. Cela rend, du même coup, impossible le passage entre i(a) et i'(a), ne laissant comme avenir à la libido de l'enfant que l'enfermement dans le corps propre des automutilations.

autoanalyse n.f. (angl. Self-Analy-sis ; allem. Selbstanalyse). Analyse du sujet par lui-même, empruntant à la psychanalyse les techniques de l'as 

 

sociation libre et de l'interprétation des rêves.

S. Freud, qui dut nécessairement être lui-même son propre analyste, insista progressivement sur le caractère limité d'une autoanalyse et sur le fait que celle-ci était en tout cas insuffisante pour la formation d'un analyste. En revanche, il est indéniable que chez l'analyste le travail d'autoanalyse se poursuit de façon plus ou moins régu-lière après la fin de sa propre cure.


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