Auguste Renoir
Publié le 15/05/2020
Extrait du document
«
RENOIR
1841-1919
IL serait faux ou insuffisant de dire que, chez Renoir, les dons de l'artiste ont dominé la nature;
cela supposerait un choix délibéré.
Il a trouvé- ou plus exactement s'est trouvé- dans l'art
comme dans le milieu nécessaire à sa vie et n'a pas plus éprouvé le désir de l'analyser que ne le
fait toute créature saine dans l'ambiance favorable
à son activité.
Du jour qu'il eut commencé,
jamais il ne cessa de peindre, animé et servi par des dons merveilleux où la sensualité ne le cède
point
à l'habileté.
Il peut avoir été pauvre, presque misérable, incompris, malade, enfin para
lysé, pour son génie heureux, magnifique et sûr, les aventures de son corps n'existent pas plus
que,
pour son esprit, les aventures de la mode.
Rien en lui d'un pontife, d'un génie incompris,
rien non plus
d'un primitif, « force élémentaire », obéissant à l'inconscient.
Par une sorte d'aristo
cratie transcendante, il vivait dans l'intimité des artistes
les plus admirables, contemporains
ou disparus.
Insoucieux de pénétrer les secrets de leur psychologie, il échangeait avec eux des
propos familiers sur
les recettes techniques, le choix des modèles, la qualité de la lumière.
La physionomie de Renoir est difficile à séparer de son tempérament, cette autre dimension
de son œuvre.
Lui,
si indépendant, si étranger aux« idées reçues », ne cessera de traiter les thèmes
les plus répandus, quelque banal
que puisse être le prétexte.
Il n'éprouve point « l'horreur du
sujet » -cri de ralliement pour les vrais peintres d'aujourd'hui, pourtant mieux justifié
quand fleurissait la « peinture de genre».
Renoir ne s'est guère laissé tenter par les hardiesses
de
« point de vue», les perspectives insolites que l'on venait de retrouver chez les Japonais.
Il lui arrive tout au plus d'obtenir un effet de contraste dans la Place Clichy, entre la tête d'une
midinette au premier plan et un omnibus dans le lointain.
Trop foncièrement classique pour
songer à bouleverser les « positions» admises, Renoir ne s'est jamais écarté de la tradition qui
veut
que les œuvres se renouvellent bien plus par le style que par un certain pittoresque extérieur.
Quand il lui arrive d'ajouter quelque élément accessoire, c'est un demi-échec.
Renoir
n'a pas délibérément choisi l'impressionnisme, il ne pouvait lui échapper.
Parti
du métier de Courbet, le seul- ou presque- pour qui la forme et le éon tour ne fussent point
des termes contradictoires, il rejoignit Monet,
Sisley, Bazille, parce que la santé oblige à des
habitudes
d'où naissent des sympathies, interdit les contraintes inutiles et n'a de contrôle que
l'expérience.
La nouvelle interprétation de la lumière, bien qu'elle modifie l'apparence des choses,
n'est
qu'un aspect superficiel de son univers.
Nous rejoignons ici la controverse sur le baroque: le
contraste n'est pas entre les formes qui
«reposent» et les formes qui «s'envolent», mais entre ce
que nous appellerions la « composition géométrique» -ou arithmétique - et la «composition
organique».
L'une à l'état le plus simple fait appel à la symétrie, à l'équilibre des surfaces, l'autre
est un développement naturel, semblable à la croissance d'un être, à ces « correspondances>>
entre
les objets dans un même milieu.
Dans toutes les œuvres de Renoir existent ces rapports
vivants qui vont bien plus loin
que des échos de tonalité, cela dépasse même ces « métamor
phoses
>> qu'a définies une page célèbre de Proust.
Il ne s'agit point d'un changement de sub-.
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