Audiatur et altera pars
Publié le 05/01/2022
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«
Audiatur et a/tera pars
L'autre partie doit être entendue
Cette expression extrêmement célèbre signifie au sens propre qu'on ne
doit jamais énoncer une sentence dans un procès, sans avoir écouté et
évalué avec attention les arguments des deux parties, mais dans le lan
gage courant., on l'emploie à propos de disputes et de toute f 01111e de
discussion (aujourd'hui encore ce principe est valide : il s'agit du
> ou > ).
Si
cette fc,1111ulation est médiévale (Liebs A 106 affi1111e en réalité qu'elle
apparaît pour
la première fois dans le Peinlicher Process d 'A.
Saur
[Frankfurt
am Main, 1580, 1 ]), ce principe juridique était déjà répandu
dans
I 'Antiquité : le Digeste ( 48, 17, 1 ) affi1111ait qu'il n'était pas équi
table de prononcer une condamnation sans avoir écouté les deux par
ties.
Les orateurs attiques (Démosthène,
Pour la couronne, 2 ; 6 ;
Contre T,mocrate, 151 ; Isocrate, Antidosis, 21) rappellaient qu'un juge
avait fait
se111,~nt d'écouter à la fois l'accusateur et t•accusé.
Dans la
littérature classique, le motif n'est pas seulement utilisé dans des
contextes juridiques, mais peut apparaitre avec une simple valeur pro
verbiale -certains passages prenant une importance particulière, ainsi
un passage de la Médée de Sénèque (v.
199 sq.: Qui statuit aliquid
parte inaudita altera I aequum licet statuerit, haud aequus fuit,,
>) et un proverbe grec (µ 'l6f 6( KTtV
6tK001JS-, ïTpiv àµct>oiv µOOov àKouott~.
>) attribué à Démocrite dans la
Mantissa proverhiorum (2, 6) et cité dans certains manuscrits du
Pseudo-Phocylide
(87 ~ pour les problèmes posés par ce texte, cf.
van
der Horst 173 ), mais que Cicéron présentait comme une sentence attri
buée
à Hésiode (fr.
338 Merkelbach-West: cf.
Epistulae ad Atticum, 1,
18, 4) -cette sentence est citée par de nombreux auteurs (Aristophane,
les guêpes, 725 sq.
: Pseudo-Platon, Démodocos., 383a : Plutarque, De
Stoicorom repugnantiis,
1034e; Lucien, Calumniae non temere cre
dendum,
8 ; tElius Aristide, In Capitonem, 322 ; scholie à Thucydide,
1, 44, 1 ; scholie à Euripide, Andromaque, 957 ; pour une liste plus
détaillée, cf.
l'apparat
de Merkelbach-West).
Le même topos est aussi
repris dans d'autres passages (cf.
par exemple Euripide,
Les
Héraclides., 179 ; Grégoire de Nazianze, Ep., 218 ..
3 et un monastique
de Ménandre [ 19 J.] selon lequel il ne faut punir quelqu'un sans avoir
compris ses motivations
..
à l'f ~é TaOT()V µ ~ KoXa( f µ 116i va).
On
retrouve la formule Audiatur et altera pars au Moyen-Age et à
l'époque moderne dans les st11ï1ents (cf.
Büchmann 428) et chez plu
sieurs auteurs (cf.
Pascal,
Pemées.
920 ; 938; Goethe, Faust, 2, 3):
el le figure aussi dans certains palais de justice ( cf.
Fumagalli 516 ).
Certaines sentences médiévales se sont inspirées de ce principe, notam
ment : Judicium ne fer si non sunt ambo /ocuti ..
> (29962b ).
Citons aussi plusieurs de nos proverbes euro
péens : notamment en italien Non giudicar per legge né per carte se
,,on asco/ti / 'una e / 'altra parte et A sentire una campana sola si giu
dica male : en français Qui n 'entend qu 'une cloche n 'entend qu 'un son
( en italien comme en français la métaphore de la cloche est fréquem
ment utilisée en ce sens~ cf.
par exemple Balzac, le cousin Pons, Paris.
1847, 159, et la transfo,,nation radicale de ce proverbe par Queneau
[ les œuvres complètes de Sally Mara, Paris, 1962, 352 : Qui n'entend
qu ·une cloche n'entend qu'un con) ..
ou encore Qui n'entend qu'un
n 'entend personne et en ponugais O bom juiz ouve o que cada um diz
(pour d'autres parallèles, cf.
Arthaber 592 ; Lacerda-Abreu 79 :
Schwamenthal-Straniero
3709: Mota 144).
Les attestations littéraires
d'Audiatur et altera pars sont nombreuses: cf.
notamment une lettre de
Freud à Sabina Spielrein le 8 juin 1909 ; une des Confessions d'un
octogénaire de Cesare Cases ( 14), et l'interprétation pla~sante rappelée
par
S.
Viglino (la fortuna italiana della ··carmen '' di Bizet ..
Turin,
2003, 144:.
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