ARTICLE DE PRESSE: Danger
Publié le 10/12/2021
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31 juillet 1995 - " Les institutions étaient dangereuses avant moi elles seront dangereuses après moi ", avait coutume de dire François Mitterrand. C'était à l'époque où l'ancien hôte de l'Elysée décrivait les mille et un défauts de la Constitution de la Ve République et justifiait en un raccourci parfaitement monarchique qu'il soit nécessaire de la réformer. Il n'en fit rien. Jacques Chirac, lui, avait refusé de se prononcer pendant la campagne électorale, hormis la promesse faite d'une réforme sur l'école. Face à Lionel Jospin, qui plaidait pour une réforme urgente, Jacques Chirac avait opposé cette idée simple et forte : les Français ont autre chose en tête, plus précisément la lutte contre le chômage. C'est pourtant par la Constitution qu'il commence son mandat. Et le gouvernement proclame, à juste titre, qu'il s'agit de la réforme la plus importante depuis 1962, c'est-à-dire depuis que le général de Gaulle a fait valider par les Français l'élection du président de la République au suffrage universel. Nul ne soupçonnera Jacques Chirac de rendre les institutions, telles qu'elles sont, dangereuses avec lui. Ses convictions républicaines ne sont pas en cause, ni même à mettre en doute. Mais la question qu'il a lui-même soulevée le dépasse. Puisque le gouvernement invoque le caractère substantiel de la modification qu'il introduit, il faut se demander si les institutions peuvent devenir plus dangereuses, avec et après Jacques Chirac. Plus précisément, l'élément-clé de la réforme, c'est-à-dire l'extension du champ du référendum hors de tout contrôle de constitutionnalité, infléchit-il, en bien ou en mal, la nature du régime ? Force est de constater que cette réforme est importante et qu'elle est, en outre, dangereuse. Pour expliquer la longévité, et surtout la popularité, de la Ve République, l'historien François Furet indique que celle-ci est une heureuse synthèse entre l'Ancien Régime et la Révolution. Mais depuis 1962, la balance penche de plus en plus vers la monarchie, de moins en moins vers la république. La dénonciation la plus convaincante de cette funeste évolution a d'ailleurs été exprimée par Jacques Chirac, avant son élection. On était donc en droit d'attendre qu'il mette en conformité ses actes de président avec ses paroles de candidat. En lieu de quoi, il renforce les défauts du système, en ajoutant aux prérogatives présidentielles : non seulement le champ du référendum est étendu, mais surtout cette extension se fera hors de tout contrôle de constitutionnalité. La réforme votée par le Congrès, les départs en vacances aidant, dans l'indifférence générale renforce le président, sans relever le Parlement elle marque un affaiblissement du pouvoir de la Constitution, car celle-ci ne pourra rien face à une loi référendaire voulue par le président et ratifiée par une majorité de Français. Depuis que la crise du politique est ouverte, deux difficultés majeures et contradictoires doivent être corrigées : la faiblesse des corps intermédiaires et du principal d'entre eux, le Parlement le sentiment nourri par l'opinion qu'elle se trouve dessaisie de la maîtrise de son destin. Il était inévitable, et sans doute souhaitable, que les Français soient mieux associés aux décisions importantes par le biais d'une extension du champ du référendum. Mais la réhabilitation du Parlement n'en devenait alors que plus indispensable : la session unique ne saurait, à elle seule, en tenir lieu. Une bonne réforme aurait consisté à accompagner cette extension de deux conditions : que le Parlement soit pleinement associé que le Conseil constitutionnel soit entendu. Faute de quoi, le " bloc de constitutionnalité " dont l'affirmation depuis vingt ans, c'est-à-dire depuis l'heureuse action de Valéry Giscard d'Estaing en ce domaine, a permis de renforcer l'Etat de droit et de mieux garantir les libertés passe à la trappe. Tel est bien l'objectif recherché par le nouveau pouvoir. Tout se passe donc comme si la France était désormais dotée de deux Constitutions. L'une, parlementaire, est à peine améliorée et reste très contraignante pour la représentation nationale. Celle-ci, avec son infériorité manifeste face à l'exécutif, doit se soumettre au contrôle de la constitutionnalité. L'autre, présidentielle, instaure un rapport exclusif entre le président et le peuple, rapport qui, lui, échappe à tout contrôle. Cette réforme crée une situation potentielle dangereuse, dès maintenant. JEAN-MARIE COLOMBANI Le Monde du 1er août 1995
31 juillet 1995 - " Les institutions étaient dangereuses avant moi elles seront dangereuses après moi ", avait coutume de dire François Mitterrand. C'était à l'époque où l'ancien hôte de l'Elysée décrivait les mille et un défauts de la Constitution de la Ve République et justifiait en un raccourci parfaitement monarchique qu'il soit nécessaire de la réformer. Il n'en fit rien. Jacques Chirac, lui, avait refusé de se prononcer pendant la campagne électorale, hormis la promesse faite d'une réforme sur l'école. Face à Lionel Jospin, qui plaidait pour une réforme urgente, Jacques Chirac avait opposé cette idée simple et forte : les Français ont autre chose en tête, plus précisément la lutte contre le chômage. C'est pourtant par la Constitution qu'il commence son mandat. Et le gouvernement proclame, à juste titre, qu'il s'agit de la réforme la plus importante depuis 1962, c'est-à-dire depuis que le général de Gaulle a fait valider par les Français l'élection du président de la République au suffrage universel. Nul ne soupçonnera Jacques Chirac de rendre les institutions, telles qu'elles sont, dangereuses avec lui. Ses convictions républicaines ne sont pas en cause, ni même à mettre en doute. Mais la question qu'il a lui-même soulevée le dépasse. Puisque le gouvernement invoque le caractère substantiel de la modification qu'il introduit, il faut se demander si les institutions peuvent devenir plus dangereuses, avec et après Jacques Chirac. Plus précisément, l'élément-clé de la réforme, c'est-à-dire l'extension du champ du référendum hors de tout contrôle de constitutionnalité, infléchit-il, en bien ou en mal, la nature du régime ? Force est de constater que cette réforme est importante et qu'elle est, en outre, dangereuse. Pour expliquer la longévité, et surtout la popularité, de la Ve République, l'historien François Furet indique que celle-ci est une heureuse synthèse entre l'Ancien Régime et la Révolution. Mais depuis 1962, la balance penche de plus en plus vers la monarchie, de moins en moins vers la république. La dénonciation la plus convaincante de cette funeste évolution a d'ailleurs été exprimée par Jacques Chirac, avant son élection. On était donc en droit d'attendre qu'il mette en conformité ses actes de président avec ses paroles de candidat. En lieu de quoi, il renforce les défauts du système, en ajoutant aux prérogatives présidentielles : non seulement le champ du référendum est étendu, mais surtout cette extension se fera hors de tout contrôle de constitutionnalité. La réforme votée par le Congrès, les départs en vacances aidant, dans l'indifférence générale renforce le président, sans relever le Parlement elle marque un affaiblissement du pouvoir de la Constitution, car celle-ci ne pourra rien face à une loi référendaire voulue par le président et ratifiée par une majorité de Français. Depuis que la crise du politique est ouverte, deux difficultés majeures et contradictoires doivent être corrigées : la faiblesse des corps intermédiaires et du principal d'entre eux, le Parlement le sentiment nourri par l'opinion qu'elle se trouve dessaisie de la maîtrise de son destin. Il était inévitable, et sans doute souhaitable, que les Français soient mieux associés aux décisions importantes par le biais d'une extension du champ du référendum. Mais la réhabilitation du Parlement n'en devenait alors que plus indispensable : la session unique ne saurait, à elle seule, en tenir lieu. Une bonne réforme aurait consisté à accompagner cette extension de deux conditions : que le Parlement soit pleinement associé que le Conseil constitutionnel soit entendu. Faute de quoi, le " bloc de constitutionnalité " dont l'affirmation depuis vingt ans, c'est-à-dire depuis l'heureuse action de Valéry Giscard d'Estaing en ce domaine, a permis de renforcer l'Etat de droit et de mieux garantir les libertés passe à la trappe. Tel est bien l'objectif recherché par le nouveau pouvoir. Tout se passe donc comme si la France était désormais dotée de deux Constitutions. L'une, parlementaire, est à peine améliorée et reste très contraignante pour la représentation nationale. Celle-ci, avec son infériorité manifeste face à l'exécutif, doit se soumettre au contrôle de la constitutionnalité. L'autre, présidentielle, instaure un rapport exclusif entre le président et le peuple, rapport qui, lui, échappe à tout contrôle. Cette réforme crée une situation potentielle dangereuse, dès maintenant. JEAN-MARIE COLOMBANI Le Monde du 1er août 1995
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