ARTICLE DE PRESSE: Alain Juppé, le pin des Landes
Publié le 10/12/2021
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17 mai 1995 - Tout a commencé le 15 août 1945 à Mont-de-Marsan, dans les Landes. C'était l'Assomption. Le jour où les catholiques célèbrent avec ferveur l'enlèvement miraculeux de la Vierge par les anges. C'est ce jour-là, au sortir de la guerre, que choisit Alain Juppé pour venir au monde. Par coquetterie, l'histoire n'aura pas attendu qu'il ait cinquante ans pour lui offrir l'hôtel Matignon, au soir du mercredi 17 mai 1995. Alain Juppé entre ainsi dans la liste très restreinte des hommes politiques de la Ve République qui sont devenus premiers ministres avant la cinquantaine. Le club compte parmi ses membres les plus illustres Michel Debré, chef du gouvernement à quarante-six ans en 1959, Jacques Chirac lui-même, titulaire du poste, en 1974, à quarante et un ans, et Laurent Fabius, le plus jeune premier ministre (trente-sept ans en 1984). Seul l'exemple d'Elie Decazes rivalise en précocité : président du conseil en 1819, le duc Decazes fut, à trente-huit ans, l'homme le plus important de France après le roi qui l'avait nommé, Louis XVIII. Alain Juppé fait partie de ces dirigeants qui ont tout réussi en politique. Sans que la tâche, d'ailleurs, ne leur soit jamais particulièrement facilitée. Leur réussite est telle que leur description peut conduire à agencer sous leur nom une foule de poncifs et autant de lieux communs. Il y a plusieurs façon d'aborder ce gaulliste libéral : lui et les études lui et la politique, qui se confond avec lui et Jacques Chirac lui et le RPR lui et Philippe Séguin. Délicieux et cassant D'emblée, il est préférable, pour ne plus avoir à y revenir, d'écarter l'image de ce " quadra " gentil garçon, cela n'existe pas en politique, sympathique, intelligent, voire surdoué, " techno ", synthétique, moderne, qui peut tellement ressembler à Laurent Fabius en étant froid, fermé, désagréable, autoritaire, péremptoire, parfois jusqu'à la mauvaise foi. Alain Juppé est tout cela à la fois : délicieux et cassant. Bachelier à dix-sept ans, normalien et agrégé de lettres classiques, auteur d'un mémoire sur " L'influence de la cosmologie chez les poètes de la première moitié du XVII siècle ", il intègre l'Ecole nationale d'administration (ENA) à vingt-cinq ans, en 1970, pour en ressortir, deux années plus tard, à la cinquième place de la promotion Charles-de-Gaulle. Ce brillant sujet, qui opte pour l'inspection des finances, se définit comme un " pur produit de la méritocratie républicaine ". Ses capacités de synthèses sont telles que, plus tard, ses collaborateurs le surnommeront " Amstrad ", pour bien montrer qu'il a la puissance d'un ordinateur. A cette comparaison avec le " hardware " de l'informatique, il prèfere celle du " pin des Landes ", qui le définit grand, sec et déplumé. Lui et la politique, c'est l'histoire d'une amitié retenue et d'une " réelle admiration " pour Jacques Chirac. Son premier poste politique, c'est Jacques Chirac, premier ministre, qui le lui offre en juin 1976. L'aventure d'Alain Juppé, chargé de mission, dure à peine trois mois, car le chef du gouvernement claque la porte au nez de Valéry Giscard d'Estaing, président de la République, en août. L'année suivante, il entre au cabinet de Jacques Chirac, maire de Paris, où il gravit tous les échelons jusqu'à devenir deuxième adjoint, chargé des finances, à partir de 1983. Jacques Chirac le fait entrer, en 1986, dans son gouvernement, où il est ministre délégué au budget auprès d'Edouard Balladur. Ses relations avec le ministre d'Etat ne furent pas franchement amicales. C'est toujours Jacques Chirac, après son échec présidentiel de 1988, qui le nomme secrétaire général du RPR. Avec l'accord de Jacques Chirac, il devient ministre des affaires étrangères d'Edouard Balladur en 1993, et c'est, enfin, son mentor qui l'intronise président par intérim du parti néogaulliste, en novembre 1994. " Ne soyez pas trop pressé ! " lui avait suggéré le maire de Paris à la fin des années 70. " Ce qui m'irrite, c'est de sentir le jeu d'influences qui s'exercent sur Jacques Chirac. Une petite phrase susurrée au bon moment, l'air de ne pas y toucher, suffit ", dit-il de son maître, au début des années 90, dans un ouvrage intitulé La Tentation de Venise. L'irritation, cependant, n'ira pas plus loin, car Alain Juppé le confie, il n'est " pas du genre à tuer le père ". Le " Gorbatchev " du RPR Lui et le RPR, ce fut d'abord Tintin au pays des soviets. Avant d'en devenir le secrétaire général, Alain Juppé reconnaissait que le RPR était " le dernier parti stalinien de France ". A la tête de la génération montante des Carignon, Barnier, Noir et Séguin, n'avait-il pas lancé, dès 1984, des appels en faveur d'un " remaniement ministériel " au sein du mouvement ? Les uns dénoncent alors " la révolte du nègre " d'autres, comme Claude Labbé, un cacique du parti, voient dans cette outrecuidance une " expérience livresque et universitaire de technocrates qui ne représentent rien ". Et si certains, le député Patrick Devedjian notamment, ont décelé en lui un " Gorbatchev du RPR ", la perestroïka (transparence) qu'il a voulue pour son parti aurait pu emporter Alain Juppé quand, en 1990, Philippe Séguin et Charles Pasqua ont lancé une offensive pour renverser la direction. Tintin n'était plus un amateur, il fit front. Victorieusement. Lui et Philippe Séguin, justement, c'est le drame cornélien de deux chiraquiens qui pensent autant à eux qu'à Jacques Chirac, en n'oubliant jamais d'avoir une pensée fratricide pour la prochaine élection présidentielle. Parler de l'un à l'autre, c'est, à coup sûr, le voir perdre son flegme et le sens commun. Ils sont, comme on dit, des " rivaux générationnels ", qui vivent actuellement sous l'égide d'un pacte de non-agression destiné à ne pas durer éternellement. " Ni les criailleries ni les coups de gueule ne m'impressionnent ", déclarait Alain Juppé dans Paris-Match en mai 1990, en visant implictement le maire d'Epinal, lequel assurait, lors de la préparation des élections européennes de 1994 : " Si Alain Juppé est la tête de liste de la majorité, alors, moi aussi, je suis candidat. J'ai avalé assez d'huile de ricin à Strasbourg ! " A la fin de l'année précédente, en effet, dans la capitale alsacienne, Philippe Séguin avait demandé à Jacques Chirac de s'engager dans la campagne présidentielle, en " ouvrant le chemin " qui conduit à l'Elysée, mais le maire de Paris avait préféré rendre hommage à Alain Juppé, " probablement le meilleur d'entre nous ". Premier ministre, président intérimaire du RPR, qui entend prolonger son mandat, Alain Juppé tentera, en juin, de s'affranchir définitivement de Jacques Chirac et de se forger une baronnie en succédant à Jacques Chaban-Delmas à la mairie de Bordeaux. " Si, un jour, je dois faire des arbitrages [entre mes différentes charges], je les ferai, mais pas au détriment de Bordeaux ", indiquait-il en septembre 1994, en marge de sa déclaration de candidature girondine. Lui et Matignon, lui et les " compagnons ", lui et Bordeaux : certains de ses amis, pas forcément les mieux intentionnés, pensent que cela commence à faire beaucoup pour un seul homme. Alain Juppé sera-t-il conduit à faire, un jour, des arbitrages ? C'est là qu'ils l'attendent. OLIVIER BIFFAUD Le Monde du 19 mai 1995
17 mai 1995 - Tout a commencé le 15 août 1945 à Mont-de-Marsan, dans les Landes. C'était l'Assomption. Le jour où les catholiques célèbrent avec ferveur l'enlèvement miraculeux de la Vierge par les anges. C'est ce jour-là, au sortir de la guerre, que choisit Alain Juppé pour venir au monde. Par coquetterie, l'histoire n'aura pas attendu qu'il ait cinquante ans pour lui offrir l'hôtel Matignon, au soir du mercredi 17 mai 1995. Alain Juppé entre ainsi dans la liste très restreinte des hommes politiques de la Ve République qui sont devenus premiers ministres avant la cinquantaine. Le club compte parmi ses membres les plus illustres Michel Debré, chef du gouvernement à quarante-six ans en 1959, Jacques Chirac lui-même, titulaire du poste, en 1974, à quarante et un ans, et Laurent Fabius, le plus jeune premier ministre (trente-sept ans en 1984). Seul l'exemple d'Elie Decazes rivalise en précocité : président du conseil en 1819, le duc Decazes fut, à trente-huit ans, l'homme le plus important de France après le roi qui l'avait nommé, Louis XVIII. Alain Juppé fait partie de ces dirigeants qui ont tout réussi en politique. Sans que la tâche, d'ailleurs, ne leur soit jamais particulièrement facilitée. Leur réussite est telle que leur description peut conduire à agencer sous leur nom une foule de poncifs et autant de lieux communs. Il y a plusieurs façon d'aborder ce gaulliste libéral : lui et les études lui et la politique, qui se confond avec lui et Jacques Chirac lui et le RPR lui et Philippe Séguin. Délicieux et cassant D'emblée, il est préférable, pour ne plus avoir à y revenir, d'écarter l'image de ce " quadra " gentil garçon, cela n'existe pas en politique, sympathique, intelligent, voire surdoué, " techno ", synthétique, moderne, qui peut tellement ressembler à Laurent Fabius en étant froid, fermé, désagréable, autoritaire, péremptoire, parfois jusqu'à la mauvaise foi. Alain Juppé est tout cela à la fois : délicieux et cassant. Bachelier à dix-sept ans, normalien et agrégé de lettres classiques, auteur d'un mémoire sur " L'influence de la cosmologie chez les poètes de la première moitié du XVII siècle ", il intègre l'Ecole nationale d'administration (ENA) à vingt-cinq ans, en 1970, pour en ressortir, deux années plus tard, à la cinquième place de la promotion Charles-de-Gaulle. Ce brillant sujet, qui opte pour l'inspection des finances, se définit comme un " pur produit de la méritocratie républicaine ". Ses capacités de synthèses sont telles que, plus tard, ses collaborateurs le surnommeront " Amstrad ", pour bien montrer qu'il a la puissance d'un ordinateur. A cette comparaison avec le " hardware " de l'informatique, il prèfere celle du " pin des Landes ", qui le définit grand, sec et déplumé. Lui et la politique, c'est l'histoire d'une amitié retenue et d'une " réelle admiration " pour Jacques Chirac. Son premier poste politique, c'est Jacques Chirac, premier ministre, qui le lui offre en juin 1976. L'aventure d'Alain Juppé, chargé de mission, dure à peine trois mois, car le chef du gouvernement claque la porte au nez de Valéry Giscard d'Estaing, président de la République, en août. L'année suivante, il entre au cabinet de Jacques Chirac, maire de Paris, où il gravit tous les échelons jusqu'à devenir deuxième adjoint, chargé des finances, à partir de 1983. Jacques Chirac le fait entrer, en 1986, dans son gouvernement, où il est ministre délégué au budget auprès d'Edouard Balladur. Ses relations avec le ministre d'Etat ne furent pas franchement amicales. C'est toujours Jacques Chirac, après son échec présidentiel de 1988, qui le nomme secrétaire général du RPR. Avec l'accord de Jacques Chirac, il devient ministre des affaires étrangères d'Edouard Balladur en 1993, et c'est, enfin, son mentor qui l'intronise président par intérim du parti néogaulliste, en novembre 1994. " Ne soyez pas trop pressé ! " lui avait suggéré le maire de Paris à la fin des années 70. " Ce qui m'irrite, c'est de sentir le jeu d'influences qui s'exercent sur Jacques Chirac. Une petite phrase susurrée au bon moment, l'air de ne pas y toucher, suffit ", dit-il de son maître, au début des années 90, dans un ouvrage intitulé La Tentation de Venise. L'irritation, cependant, n'ira pas plus loin, car Alain Juppé le confie, il n'est " pas du genre à tuer le père ". Le " Gorbatchev " du RPR Lui et le RPR, ce fut d'abord Tintin au pays des soviets. Avant d'en devenir le secrétaire général, Alain Juppé reconnaissait que le RPR était " le dernier parti stalinien de France ". A la tête de la génération montante des Carignon, Barnier, Noir et Séguin, n'avait-il pas lancé, dès 1984, des appels en faveur d'un " remaniement ministériel " au sein du mouvement ? Les uns dénoncent alors " la révolte du nègre " d'autres, comme Claude Labbé, un cacique du parti, voient dans cette outrecuidance une " expérience livresque et universitaire de technocrates qui ne représentent rien ". Et si certains, le député Patrick Devedjian notamment, ont décelé en lui un " Gorbatchev du RPR ", la perestroïka (transparence) qu'il a voulue pour son parti aurait pu emporter Alain Juppé quand, en 1990, Philippe Séguin et Charles Pasqua ont lancé une offensive pour renverser la direction. Tintin n'était plus un amateur, il fit front. Victorieusement. Lui et Philippe Séguin, justement, c'est le drame cornélien de deux chiraquiens qui pensent autant à eux qu'à Jacques Chirac, en n'oubliant jamais d'avoir une pensée fratricide pour la prochaine élection présidentielle. Parler de l'un à l'autre, c'est, à coup sûr, le voir perdre son flegme et le sens commun. Ils sont, comme on dit, des " rivaux générationnels ", qui vivent actuellement sous l'égide d'un pacte de non-agression destiné à ne pas durer éternellement. " Ni les criailleries ni les coups de gueule ne m'impressionnent ", déclarait Alain Juppé dans Paris-Match en mai 1990, en visant implictement le maire d'Epinal, lequel assurait, lors de la préparation des élections européennes de 1994 : " Si Alain Juppé est la tête de liste de la majorité, alors, moi aussi, je suis candidat. J'ai avalé assez d'huile de ricin à Strasbourg ! " A la fin de l'année précédente, en effet, dans la capitale alsacienne, Philippe Séguin avait demandé à Jacques Chirac de s'engager dans la campagne présidentielle, en " ouvrant le chemin " qui conduit à l'Elysée, mais le maire de Paris avait préféré rendre hommage à Alain Juppé, " probablement le meilleur d'entre nous ". Premier ministre, président intérimaire du RPR, qui entend prolonger son mandat, Alain Juppé tentera, en juin, de s'affranchir définitivement de Jacques Chirac et de se forger une baronnie en succédant à Jacques Chaban-Delmas à la mairie de Bordeaux. " Si, un jour, je dois faire des arbitrages [entre mes différentes charges], je les ferai, mais pas au détriment de Bordeaux ", indiquait-il en septembre 1994, en marge de sa déclaration de candidature girondine. Lui et Matignon, lui et les " compagnons ", lui et Bordeaux : certains de ses amis, pas forcément les mieux intentionnés, pensent que cela commence à faire beaucoup pour un seul homme. Alain Juppé sera-t-il conduit à faire, un jour, des arbitrages ? C'est là qu'ils l'attendent. OLIVIER BIFFAUD Le Monde du 19 mai 1995
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