Arthur Rimbaud, « Vénus anadyomène », Les Cahiers de Douai, 1870, EAF
Publié le 22/11/2021
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Première précaution à prendre : l’écriture de ce sonnet est postérieure à celle de la « Vénus anadyomène ». Cependant, il est facile de transposer l’idée de la codification des couleurs à notre lecture linéaire. Rimbaud travaille la langue selon de nombreux axes : les sons, les couleurs et les thèmes abordés forment une unité qui doit être revendiquée : c’est bien l’or de l’écriture poétique, même s’il s’agit d’un sujet issu de la boue. De plus, le noir est lié à la mort, aux cadavres (« A, noir corset velu des mouches éclatantes /Qui bombinent autour des puanteurs cruelles, /Golfes d’ombre »), tandis que le rouge est lié non pas à la passion mais au sang, aux vices et plaisirs charnels (« I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles /Dans la colère ou les ivresses pénitentes »). Le vert est marin et alchimique (« U, cycles, vibrements divins des mers virides, / Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides /Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux ») : c’est la sortie de la femme qui enclenche l’alchimie poétique, qui donne l’essor de l’esthétique dans le sonnet. La palette déployée dans ce poème est de l’ordre de la symbolique…macabre. En vert Il s’agit des différents éléments du portrait, qui part de la « tête » jusqu’à « l’anus » : cela crée un mouvement, « qui surgit des eaux » (anadyomène). Cet essor est d’ailleurs accompagné par les verbes de mouvement, d’action, dont les parties du corps présentées sont le sujet grammatical (verbe en gras dans le sonnet). Il y a un côté remuant dans cette description, quasiment vivant, mais d’une vie morbide, macabre et qui n’est pas sans rappeler la danse des asticots dans « Une Charogne » ou « Au lecteur » 11, où l’idée de corruption des corps par la mort ou le mal est très présente. En ce qui concerne la prosodie, seul le mot « tête » (qui est amené avec un effet de suspense par l’article indéfini « une ») apparaît à la rime, avec un lien phonétique (rime suffisante) avec « bête ». 11 Dont voici le quatrain auquel nous pouvons songer : « Serré, fourmillant, comme un million d'helminthes, / Dans nos cerveaux ribote un peuple de Démons, / Et, quand nous respirons, la Mort dans nos poumons /Descend, fleuve invisible, avec de sourdes plaintes ».
«
Arthur Rimbaud, « Vénus anadyomène », Les Cahiers de Douai , 1870, EAF
1
4
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11
14 Vénus anadyomène 1
Comme d’un cercueil vert en fer- blanc 2
, une tête
De femme à cheveux bruns fortement pommadés 3
D’une vieille baignoire émerge , lente et bête ,
Montrant des déficits 4
assez mal ravaudés 5
;
Puis le col gras et gris , les larges omoplates
Qui saillent 6
; le dos court qui rentre et qui ressort .
-La graisse sous la peau paraît en feuilles plates ;
Et les rondeurs des reins semblent prendre l’essor …
L’échine 7
est un peu rouge , et le tout sent un goût
Horrible étrangement , -on remarque surtout
Des singularités qu’il faut voir à la loupe …
Les reins portent deux mots gravés : Clara Venus 8
;
-Et tout ce corps remue et tend sa large croupe 9
Belle hideusement d’un ulcère 10
à l’anus .
Voici un relevé d’éléments importants, qui peuvent aider à la fois à la compréhension du sonnet, mais
aussi à nourrir la lecture linéaire.
J’en fournis donc des interprétations qu’il s’agira, pour vous, de
replacer dans le fil de la lecture linéaire que ce travail vous permet de reconstruire.
Je reprends le code couleurs que j’utilise.
Si, pour une raison ou pour une autre, vous ne les
distinguez pas, contactez-moi via l’ENT ou sur le mail [email protected] .
En jaune
Une importance est donnée, au fil du poème, aux couleurs.
Celle-ci sont assez inattendues pour une
Vénus qui sort des eaux : elles créent une vision horrible et cadavérique de celle-ci, au contraire des
représentations auxquelles le lecteur du XIXe siècle était habitué.
Revenons rapidement sur la Naissance de Vénus de Sandro Botticelli :
1 Du grec, «surgit des eaux ».
2 Tôle de fer.
3 Couverts de pommade.
4 Manques, trous.
5 Réparés, comblés.
6 Forment un relief.
7 Colonne vertébrale.
8 En latin, « illustre Vénus ».
9 Par analogie familière avec la croupe d’un cheval, bas du dos et postérieur de la femme.
10 Plaie.
1
Bertrand Wattiaux, 1G, lecture linéaire « Vénus andyomène » d’Arthur Rimbaud.
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