Anthropologie biblique de l'éducation
Publié le 05/05/2024
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Anthropologie biblique de l’éducation
Introduction
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« L’acte d’enseigner n’est pas un acte neutre.
Toute transmission des savoirs qui vise à une
découverte raisonnée du monde et de la société, repose sur une vision de l’homme et induit une
vision de l’homme qu’on espère former »
(Claude BERRUER, ancien responsable dans l’Enseignement Catholique)
Vous vous intéressez à l’éducation et à la transmission des savoirs ! « Intérêt » est peutêtre faible.
Vous préféreriez : transmettre et éduquer me passionnent ?
Vous êtes engagé(e) dans une aventure humaine, voire spirituelle 1, unique.
Toute culture porte un projet de formation et d’éducation de sa jeunesse.
Le nôtre, celui de
l’aire occidentale, est singulier.
Il s’est, en effet, développé sur une période qui a vu s’affirmer
l’autonomie de la personne et la capacité des groupes humains à se gouverner à distance des
réponses fournies par la religion dominante : le catholicisme.
À distance du catholicisme mais,
étonnant et fécond paradoxe, grâce à des chrétien(ne)s, et principalement, dans notre pays, des
catholiques, femmes et hommes.
La relecture de la naissance des écoles populaires, « les écoles
chrétiennes », fait percevoir la fécondité de ce paradoxe.
Nous abordons un sujet rarement traité : l’anthropologie biblique de l’éducation.
Nous nous
demanderons quelle peut être l’influence de la tradition biblique sur l’acte éducatif.
Autrement
dit, cet acte éducatif, tel que l’ont compris et vécu les fondateurs de l’école populaire au XVII e
siècle, comment peut-il se nourrir de l’anthropologie qui se dégage des récits bibliques ?
Dire cela, c’est affirmer une spécificité du récit biblique et des « récits fondateurs » : une
révélation qui pense le divin induit ipso facto une conception spécifique de l’être humain.
C’est le
cas de la Bible, d’autant que le récit introduit un espace d’autonomie de l’agir humain.
Vous connaissez peu le texte biblique ou vous en avez une connaissance approfondie ? Peu
importe.
Seuls comptent votre passion pour la transmission et l’éducation, et la confiance que
vous faites aux « grands textes » de nourrir une pensée actuelle.
Nous allons lire chapitres 1-11 du premier livre de la Bible (la Genèse) pour fonder l’acte
éducatif dans la tradition chrétienne.
Ne soyez pas surpris si cette démarche déplace nos
représentations.
Aucun pré requis attendu : vous pouvez ne rien connaître à l’univers biblique.
Une certaine « innocence » devant le texte sera d’ailleurs un atout.
Nous ne chercherons pas à
accumuler des savoirs sur le texte biblique.
Consultez le travail des éditions Bayard, qui présente les deux premiers récits de création
(chap.
1 et 2), le premier péché (chap.
3), Caïn et Abel (chap.
4) et le Déluge (chap.
11).
Se lancer dans cette lecture suppose ce désir dont parle la citation de Paul Valéry, inscrite
au fronton de la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, à Paris : « Il dépend de celui qui passe
.
Je dis « spirituelle » et non « religieuse ».
Spirituelle signifie que la relation aux jeunes nourrit chez
l’adulte une vie intérieure, faite de questions, de remises en question, d’interrogations partagées avec
eux sur le sens de l’action et de la vie.
Cette dimension spirituelle peut ou non se structurer dans une
appartenance religieuse.
Quoi qu’il en soit, pas d’acte éducatif sans prise de distance, sans capacité à
bouger ses pratiques, à changer son regard sur l’autre et sur soi.
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que je sois tombe ou trésor, que je parle ou me taise.
Cela ne tient qu’à toi.
Ami, n’entre pas sans
désir ».
Désir d’éduquer mieux peut-être…
On peut trouver ces textes ardus et hésiter à s’y aventurer.
Ce qui importe, c’est d’éviter
le parasitage des idées reçues.
Qui les a rencontrés dans sa jeunesse, et croit légitimement les
connaître, doit éviter de projeter un savoir définitif sur eux.
Surtout pas le savoir « religieux »,
hérité du catéchisme.
Prenons l’exemple du fruit de « l’arbre interdit » : était-ce une pomme ?
Cherchez-la dans le texte, vous ne la trouverez pas ! Notre connaissance est souvent partielle
et partiale.
Il ne s’agit pas de fonder l’acte éducatif sur la seule tradition biblique, car il puise aussi à
d’autres sources.
Mais l’une d’elles est la tradition chrétienne.
On ne peut l’ignorer : l’école et le
métier de maître(sse) d’école ont surgi dans cet environnement culturel.
Ainsi, le récit biblique
concourt à constituer une tradition éducative spécifique, irriguée par la tradition chrétienne.
L’ambition peut paraître désuète ou nourrir des préventions.
Pourtant nous y trouverons une
conception singulière de l’être humain, une anthropologie, qui dessine une posture éducative,
capable d’enrichir, voire de structurer un engagement professionnel.
Ces textes s’adressent à tous, croyants ou non, car ils ont une dimension universelle.
En
effet, ils se situent avant l’appel à la foi adressé par Dieu à Abraham, au ch.
12 de la Genèse.
Sans traiter d’un peuple singulier, du peuple juif en l’occurrence, ils affrontent les questions
communes aux personnes et aux groupes, et parlent de l’être humain en général : que se passe-til quand j’entre en relation avec autrui et que l’altérité est accentuée par la différence
sexuelle ? Où chercher l’origine du mal, de la violence et de la mort, présents en nos vies ?
Quelle place pour la parole et au pardon ? Ces questions manifestent que vivre, c’est relever des
défis présentés ici comme des épreuves : celle de la relation, avec le 1er récit de création (1, 12, 4), celle de l’altérité avec le 2nd récit de création (2, 5-25), celle de la liberté, avec le récit
du premier péché (3, 1-24), celle de la fraternité, avec le récit du meurtre d’Abel (4, 1-16) et
celle de la diversité, avec le récit de la construction de la tour de Babel (11, 1-9).
L’éducation ne
peut ignorer les questions qui traitent des conditions de l’humanisation.
Avant de dire ce qu’est une vie réussie, ces textes affrontent l’expérience quotidienne, qui
se présente comme une suite de rendez-vous ratés.
Ils explorent les attitudes qui détériorent
les relations à l’acteur divin, à la nature et à soi, celles qui dégradent les rapports entre homme
et femme, entre parents et enfants, entre frères, avec l’étranger.
Dans ces récits, Dieu, en
pédagogue bienveillant, accompagne quiconque, que son expérience soit celle du mal commis et
subi, de la souffrance personnelle et de la mort d’un proche, d’une quête de l’envie de vivre, de
vivre avec les autres et pour eux, celle de donner la vie et de relever autrui qui est tombé.
Or
que deviennent ces questions quand on pose l’existence d’un Dieu Père ? Elles ont travaillé des
croyants juifs qui ont mis leurs réponses proposées en récits, non en concepts : l’absence des
mots « liberté », « relation », « confiance » laisse à distance du développement philosophique.
Ces récits invitent le lecteur, sans délivrer de vérité ultime et sans penser à sa place, à un
travail d’interprétation, en le faisant participer à l’élaboration du sens de ce qui est raconté.
Les croyants seuls sont-ils concernés, pour qui la réflexion menée sur l’humain repose sur
une conception de Dieu, une théologie ? Pas pour le christianisme, qui distingue acte de foi et
démarche anthropologique.....
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