« Analyse sémiotique du discours, de l’énoncé à l’énonciation », Joseph Courtés
Publié le 17/05/2020
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«
Dans son essai « Analyse sémiotique du discours, de l’énoncé à l’énonciation », Joseph Courtés – professeur de linguistique à l’université de Toulouse – nous révèleque le but de son ouvrage est de s’attaquer à un champ un peu moins exploré et tout à fait complémentaire de celui de la linguistique phrastique : il s’agit de l’analysedu discours.
Divisé en quatre chapitres distincts, Joseph Courtés essayera dans son premier chapitre — Préalables et perspectives — de nous mettre au courant de sestermes et de ses perspectives d’analyse.
Ainsi, il préfère qu’on parle de langage au lieu de langue.
Nous allons expliciter ce compte rendu selon l’ordre de l’ouvrage.
I.
Préalables et perspectives :1.
Nature du langage :Le langage est une capacité cognitive dont le but principal est de permettre la communication entre humains.
Il sert aussi à articuler la pensée.
En effet, la pensée nepeut émerger sans le langage qui lui sert à se représenter mentalement les concepts et à les manipuler.
On notera que le langage et la pensée se développent à peu prèsen même temps.
Par ailleurs, le langage est un outil d'organisation sociale important, car il permet aux locuteurs de s'identifier comme membres d'une communautédonnée et ainsi de se distinguer des autres.
Ceci est vrai quant aux distinctions entre régions et entre classes sociales.Il faut cependant se garder de confondre langue et langage.
Le langage est un ensemble abstrait qui recouvre toutes les langues ; c'est l'ensemble des choix offerts auxlangues sur toutes les possibilités de communication orale que permet le corps pour amener à une communication entre humains.
Le terme de langage – selonl’expression de J.
Courtés – « a une plus large extension.
Ce vocable est à même, à notre avis, de recouvrir non seulement la classe des langues naturelles, mais aussibeaucoup d’autres systèmes de représentation dont il conviendra de préciser le statut.
» La langue est un ensemble cohérent de choix fait par un groupe social donnésur l'entier des possibilités que nous offre le langage pour communiquer entre humains.
C'est une convention de communication qui permet aux membres d'une mêmecommunauté de se comprendre.
De ce fait, le langage est tout ce qui met en jeu le rapport entre signifiant/signifié (F.
de Saussure) et expression/contenu (L.Hjelmslev).
Mais signifiant/expression d’une part et signifié/contenu de l’autre part ne sont pas de vrais synonymes.Selon Saussure, le signe linguistique uni, « non pas un nom et une chose, mais un concept et une image acoustique ».
L'image acoustique (ou sensible) est appeléesignifiant : ce n'est pas le son matériel, mais l'empreinte psychique de ce son ; le concept, appelé signifié, contient les traits distinctifs qui caractérisent ce signe parrapport aux traits d'autres signes de la langue.
Nous faisons allusion ici à l’analyse sophistiquée du langage proposée par le linguiste L.
Hjelmslev.
Celui-ci reprend ladichotomie de base de F.
de Saussure – signifiant/signifie – en l’enrichissant.
Il modifie la terminologie (signifiant part expression et signifié part contenu), mais sonvéritable apport est de proposer pour chacune de ces deux composantes du langage un dédoublement selon le rapport substance vs forme.De ce point de vue, et c’est l’autre grand intérêt de l’hypothèse hjelslévienne, la distinction proposée entre la forme de l’expression et celle du contenu autorise uneétude séparée des deux plans du langage.
2.
Perspectives d’analyse :« Comparées entre elles, les différentes langues montrent qu'on ne parvient jamais par les mots à la vérité — affirme Nietzsche — ni à une expression adéquate : sanscela il n'y aurait pas de si nombreuses langues.
La “chose en soi” (ce serait justement la pure vérité sans conséquence), même pour celui qui façonne la langue, estcomplètement insaisissable et ne vaut pas les efforts qu'elle exigerait.
Il désigne seulement les relations des choses aux hommes et s'aide pour leur expression desmétaphores les plus hardies.
Transposer d'abord une excitation nerveuse en une image ! Première métaphore.
L'image à nouveau transformée en un son articulé !Deuxième métaphore.
Et chaque fois saut complète d'une sphère dans une sphère tout autre et nouvelle ».
Donc selon le principe d’immanence Il ya une distance entre le langage et la réalité.
« Une fois l’autonomie du langage reconnue – nous explique J.
Courtés – l’onpeut revenir plus sereinement au problème que pose le référent.
[…] “La réalité”, “le référent” où le monde “extra-linguistique” est informé […] par l’homme qui luidonne sens grâce au jeu du signifiant et du signifié ».L’auteur ne sera plus intéressé à la réalité au « langage des choses », car son objectif d’après lui est de « nous en tenir aux seuls systèmes de représentation auxquels,comme annoncés, nous réservons le terme de langage ».
II.
Formes narratives1.
Structures narratives de surface :Dans le deuxième Chapitre J.
Courtés décrit l’organisation narrative dans ses formes les plus apparentes : les structures de surface.
Le chapitre va être consacré àl’étude des composantes syntaxiques.
Il va commencer par donner une définition au récit minimal comme un type textuel parmi d’autres.
Il distingue le descriptif,l’explicatif, l’argumentatif, le narratif.
Ces différents types peuvent se combiner au sein d’un même discours (terme qu’il lie approximativement à la notion de genre :roman, film, publicité, fait divers...).
Un article de journal peut contenir à la fois du narratif, du descriptif et de l’argumentatif.
Le type narratif, ou récit, demandequ’il y ait représentation d’un événement.
Un récit minimal est constitué de deux propositions narratives liées entre elles par un rapport de contiguïté-consécutiontemporelle et causale.
À cette dimension chronologique s’ajoute une dimension configurationnelle.Mais ce qui est important pour Courtés, c’est le récit comme transformation située entre deux états et fondée sur opposition toute proche de permanence/changement,à savoir statisme vs dynamisme.
Donc qui assure une transformation d’un état1 à un état2 ou inversement.État 1 | | Transformation | | État 2 |
Comme nous venons de le constater, la conception du récit minimal n’est pas assez riche pour servir de base à une véritable grammaire narrative.
Elle reste – selon J.Courtés – très empirique n’ouvrant aucune piste de recherche précise.Pour analyser le plan du contenu d’un discours donné, J.
Courtés a articulé la totalité de l’univers sémantique selon l’opposition permanence vs changement, statismevs dynamisme, état vs transformation.
Au premier temps il a examiné le programme narratif (PN), qui est une formule abstraite servant à représenter une action.
Unfaire (une action) réside dans la succession temporelle de deux états opposés produite par un agent quelconque (S1 : sujet de faire).
Un état se décompose en un sujetd’état (S2) et un objet d’état (O), entre lequel s’établit une jonction, soit une conjonction (n : le sujet est avec l’objet), soit une disjonction (U : le sujet est sansl’objet).
La formule au long du programme narratif est :PN = F {S1 — [(S2 U O) — (S2 n O)]} (PN conjonctif)ouPN = F {S1 — [(S2 n O) — (S2 U O)]} (PN disjonctif).La formule abrégée, la plus usitée, ne mentionne que le second état :PN = F {S1 — (S2 n O)} (PN conjonctif)ouPN = F {S1 — (S2 U O)} (PN disjonctif).Une structure de PN est constituée d’au moins deux PN dont on rend compte d’au moins une relation temporelle (succession, simultanéité) ou logique(présupposition, exclusion mutuelle, etc.) instaurée entre eux.
Dans un second temps, J.
Courtés a examiné quelques-unes des possibilités de complexification del’organisation narrative élémentaire, en tenant compte des deux axes syntagmatique et paradigmatique en s’appuyant sur des relations de présupposition simple,unilatérale – entre PN de base et PN de d’usage, entre performance et compétence – ou réciproque dans le cas de l’échange.
En tenant compte aussi des relationsd’opposition et de complémentarité qui lient le programme narratif et l’anti-programme narratif.On peut interpréter le récit comme succession de dégradations et d’améliorations.
De ce point de vue on concevra les sujets de faire comme de simples agentsopérateurs, qui ont pour fonction d’exécuter des programmes de transfert d’objets, de même les sujets d’état ne seront guère que des points de référence, lieux dedépart et d’arrivée des objets en circulation.Une autre approche qui adopte le point de vue du sujet.
Elle permet d’élaborer des descriptions plus fines : le schéma canonique.
Il — (SNC) — permet d’organiserles éléments d’une action dans une structure dotée de cinq composantes.
La composante de l’action se décompose elle-même en deux composantes, soit lacompétence, dont relèvent les conditions nécessaires à l’accomplissement de l’action : vouloir-faire, devoir-faire, savoir-faire, pouvoir-faire, et la performance,réalisation effective de l’action rendue possible par l’acquisition de la compétence.
La manipulation est, quant à elle, la composante spécifique au vouloir-faire et audevoir-faire.
Enfin, la sanction est relative à l’évaluation de la réalité de la réalisation de l’action et à la rétribution appropriée (récompense ou punition) que s’estattirée le sujet de l’action.
Voici un exemple d’action sous-tendue par le SNC : le Roi demande (manipulation : devoir-faire) au Prince de sauver la Princesse (action).Le Prince s’entraîne au combat (compétence : savoir-faire et pouvoir-faire) puis délivre la Princesse (performance).
Le Roi lui donne (sanction : rétribution positive[récompense]) alors la moitié de son royaume et une douce moitié..
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