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Analyse linéaire : Voltaire, de l'horrible danger de la lecture

Publié le 16/01/2025

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« De l’horrible danger de la lecture, Voltaire (1765) Indique qui s’adresse à qui Le contexte et l’objet de l’édit : interdiction de l’imprimerie Nous Joussouf-Chéribi, par la grâce de Dieu mouphtil du Saint-Empire ottoman2, lumière des lumières, élu entre les élus, à tous les fidèles qui ces présentes verront, sottise et bénédiction. Comme ainsi soit que Saïd Effendi, cidevant ambassadeur de la Sublime-Porte vers un petit État nommé Frankrom, situé entre l'Espagne et l'Italie, a rapporté parmi nous le pernicieux usage de l'imprimerie, ayant consulté sur cette nouveauté nos vénérables frères les cadis et imans3 de la ville impériale de Stamboul4, et surtout les fakirs connus par leur zèle contre l'esprit, il a semblé bon à Mahomet et à nous de condamner, proscrire, anathématiser5 ladite infernale invention de l’imprimerie, pour les causes ci-dessous énoncées. 1.

Cette facilité de communiquer ses pensées tend évidemment à dissiper l’ignorance, qui est la gardienne et la sauvegarde des États bien policés. 2.

Il est à craindre que, parmi les livres apportés d'Occident, il ne s'en trouve quelques-uns sur l’agriculture et sur les moyens de perfectionner les arts mécaniques, lesquels ouvrages pourraient à la longue, ce qu'à Dieu ne plaise, réveiller le génie de nos cultivateurs et de nos manufacturiers, exciter leur industrie, augmenter leurs richesses, et leur inspirer un jour quelque élévation d'âme, quelque amour du bien public, sentiments absolument opposés à la saine doctrine. 3.

Il arriverait à la fin que nous aurions Suite de paragraphes, chacun expliquant une cause de l’interdiction des livres d'histoire dégagés du merveilleux qui entretient la nation dans une heureuse stupidité.

On aurait dans ces livres l’imprudence de rendre justice aux bonnes et aux mauvaises actions, et de recommander l’équité et l’amour de la patrie, ce qui est visiblement contraire aux droits de notre place. Commenté [MM1]: = Nous de sa majesté, normal dans un édit émanent d’un souverain Commenté [MM2]: Plonge le lecteur dans un Orient fantaisiste Commenté [MM3]: Le lecteur est amené en Orient, mais c’est une fausse piste, c’est bien la France qui est visée dans le texte Commenté [MM4]: Parodie des appellations des souverains Commenté [MM5]: Il ne s’agit pas de s’adresser à des sujets mais bien à des «fidèles» d’une religion Commenté [MM6]: Parodie des bénédictions : dès le début le lecteur peut comprendre qu’il s’agit d’un texte complètement ironique - qui souhaiterait officiellement la sottise ? Commenté [MM7]: Tournures administratives qui renforcent le style de l’édit Commenté [MM8]: Toujours l’exotisme oriental Commenté [MM9]: Raillerie contre la France, qui est au XVIIIème siècle un état riche et puissant Commenté [MM10]: À rapprocher de «ladite infernale invention…» plus loin, ironie de Voltaire. Commenté [MM11]: Parodie du souverain qui se met au même niveau que le prophète - en fait, critique contre la monarchie française de droit divin.

Cette idée était déjà présente à la première ligne «par la grace de Dieu» Commenté [MM12]: Série de mots, rythme ternaire, gradation, le dernier verbe est une invention de l’auteur : ridiculiser le caractère religieux de l’anathème (= maudire) Commenté [MM13]: Commence par un 1., et les autres § suivront la même présentation, donne un caractère à la fois sérieux et autoritaire et la liste des raisons pour interdire l’imprimerie Commenté [MM14]: Phrases construites en deux parties : une proposition principale, dont le sens est tout à fait acceptable, et renforcé par «évidemment», puis une proposition subordonnée relative complément de «l’ignorance», dont le sens, ironique, est une critique de la censure.

On peut penser par exemple aux difficultés rencontrées par l’Encyclopédie pour obtenir le droit d’être publiée. Commenté [MM15]: Meme procédé : début tout à fait logique puis fin de phrase ironique.

Chaque raison invoquée pour interdire l’imprimerie est en fait un éloge des bienfaits des livres et de la lecture. Commenté [MM16]: Paragraphe construit sur une série de compléments du verbe «pourraient» avec une gradation : du bienfait le plus immédiat, concret, technique jusqu’à des conséquences plus hautes et plus générales. Commenté [MM17]: Nouvelle attaque sur le fait que le pouvoir civil s’appuie sur la religion Commenté [MM18]: Même procédé, appliqué à l’Histoire Commenté [MM19]: Oxymore et ironie de l’expression Commenté [MM20]: Ironie de l’expression 4.

Il se pourrait, dans la suite des temps, que les misérables philosophes, sous le prétexte spécieux, mais punissable, d'éclairer les hommes et de les rendre meilleurs, viendraient nous enseigner des vertus dangereuses dont le peuple ne doit jamais avoir de connaissance. Suite de paragraphes, chacun expliquant une cause.... »

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