Analyse linéaire Nicandre part2
Publié le 25/04/2023
Extrait du document
«
Les Caractères, La Bruyère (1688-1696)
Chapitre V, « De la Sociéé et de la conversation »
«
Nicandre
»
Nicandre
s'entretient avec Élise de la manière douce et complaisante
dont il a vécu avec sa
femme, depuis le jour qu'il en t le choix jusques à sa mort ; il a déjà dit quil regrette qu'elle ne lui
ait pas laissé des enfants, et il le répète ; il parle des maisons qu'il a à la ville, et bientôt d'une terre
qu'il a à la campagne : il calcule le revenu qu'elle lui rapporte, il fait le plan des bâtiments, en décrit
la situation, exagère la commodité des appartements, ainsi que la richesse et la propreté des
meubles ; il assure qu'il aime la bonne chère, les équipages; il se plaint que sa femme n'aimait point
assez le jeu et la société.
"Vous êtes si riche, lui disait I'un de ses amis, que n'achetez-vous cette
charge ? Pourquoi ne pas faire cette acquisition qui étendrait votre domaine ? On me croit, ajoute-t-
il, plus de bien que je n'en possède." l n'oublie pas son extraction et ses alliances : Monsieur le
Surintendant, qui est mon cousin ; Madame la Chancelière, qui est ma parente ; voilà son style.
I
raconte un fait qui prouve le mécontentement qu'il doit avoir de ses plus proches, et de ceux même
qui sont ses héritiers: "Ai-je tort ? dit-il à Élise ; ai-je grand sujet de leur vouloir du bien ?" et il len
fait juge.
I insinueensuite qu'il a unesanté faible etlanguissante,et il parle de la cave où l doit être
enterré.
Il est insinuant,
atteur, of cieux à l'égard de tous ceux qu'il trouve auprès de la personne à
qui il aspire.
Mais Élise n'a pas le courage d'ere riche en l'épousant.
On annonce, au moment qu'il
parle, un cavalier, qui de sa seule présence démonte la batterie de l'homme de ville :il se lève
déconcerté et chagrin, et va dire ailleurs qu'il veut se remarier.
Présentation
:
Les portraits abondent dans Les Caractères.
L'originalité de celui-ci tient au fait que c'est le
personnage qui fait son propre portrait, donc un autoportrait.
Il fait son éloge auprès d'une femme
qu'il cherche à séduire.
Donc, le portrait est forcément biaisé.
l est avant tout « moral >» et
absolument pas physique.
En effet, on ne sait ni l'âge, ni l'aspect de Nicandre,
ni même
véritablement si c'est un grand bourgeois ou un noble.
De plus, il y a plusieurs niveaux dans ce
portrait : Ce que Nicandre dit de lui-même (la majorité) ; ce que le narrateur (le moraliste)
dit du
personnage; ce que les amis disent de Nicandre (deux phrases).
Toutes les paroles de Nicandre sont
à double visée : d'un côté, il fait son panégyrique, ce
i'ati,
tous les arguments fournis ont pour
nalité de séduire Élise.
On a donc trois grands imoMEAONS dans le texte : D'abord les arguments
donnés par Nicandre, puis comment ces arguments doivent être interprétés par Élise et en n, la
chute avec une morale ambiguë.
Comme souvent dans ce livre, les phrases sont longues, avec beaucoup de subordination mais aussi
de juxtaposition, cé qui indique un personnage qui prend la parole sans la laisser aux autres et
« sature » la conversation par ses dires.
A titre d'exemple, la première phrase fait plus de six lignes.
Analyse
Le
linéaire :
livre est « de la société et de la conversation ».
Ce portrait arrive à la
Comme souvent, le personnage est introduit dès le début : Nicandre,
n de cette partie.
celui qui se bat pour les
femmes.
La cible de la satire est donc claire.
Le verbe « s'entretenir » sous-entend « dialoguer,
échanger, communiquer» avec quelqu'un.
Or, il va s'agir d'un long monologue.
On retrouve une
nouvelle fois l'idée du « theatrum mundi ».
Ici, Nicandre va réciter son rôle, Elise et nous lecteurs
étant les spectateurs.
Jamais Élise n'aura la parole.
Donc, Nicandre va la noyer sous n
ininterrompu
ot
de propos faisant son éloge mais ne s'intéressa jamais à elle.
Les seules paroles
« extérieures » à la parole de Nicandre
viendront du moraliste avec ses commentaire
ironiques et
d'un ami de Nicandre.
On a donc l'émetteur du discours, la destinatrice, Élise, et tout le portrait
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les arguments un par un et en parallèle le message sous-entendu destiné à Elise.
>
Argument 1: « de la manière douce et complaisante dont il a vécu avec sa femme, depuis le
jour qu'il en t le choix jusques à sa mort », Ici, les adjectifs « doux » et « complaisante »
montrent à quel point, lors d'une précédente union, Nicandre a été un bon mari,
dèle,
aimable et les efforts qu'il a faits « complaisante » signi ant attentionné, aimable,
Il est intéressant de remarquer l'emploi de « t le choix » (de sa femme), ce qui
passivité.
La femme est choisie par l'homme, sans vraiment de réciprocité.
Ce qui
avec Élise, que Nicandre « choisit » également, comme on choisit un produit.
évoquée n'est pas claire.
En effet, combien de ternps cette union a-t-elle duré ?
de le savoir, on sait juste qu'il est veuf.
Pour 1'instant, ce qu'il dit de sa femme
obligeant.
montre la
résonnera
La durée
Impossible
est plutôt
« neutre».
>
Le sous-entendu : Ici, Nicandre cherche à montrer qu'il est un bon mari, un époux
attentionné et aimable, qu'il est capable de proposer une union équilibrée.
dèle,
> Argument 2: « il a déjà dit qu'il regrette qu'elle ne lui ait pas laissé des enfants, et il le
répète ».
On retrouve deux verbes de parole (après «s'entretient »), ce champ lexical de la
parole sera présent dans tout le texte.
Ici, il rejette sur sa femme la responsabilité de ne pas
avoir eu d'enfant.
L'emploi du verbe regretter montre qu'il souhaite en avoir, que c'est un
choix de son côté et que, d'une certaine manière, il fait retomber les causes sur sa femme
décédée.
ILe fait qu'il « répète>» montre une insistance un peu déplacée.
Ici,
sa femme n'est plus Vraiment « complaisante » comme dit juste au-dessus.
l'attitude
envers
> Lesous-entendu :I aimerait avoir desenfants,mais surtout, s'il en a avec Elise, lors du
partage de l'héritage, ces enfants n'auront pas à partager avec ceux d'un premier lit.
Donc,
pas de division de l'héritage.
>
Argument 3: « il parle des maisons qu'il a à la ville, et bientôt d'une terre qu'il a à la
campagne: il calcule le revenu qu'elle lui rapporte, il fait le plan des bâtiments, en décrit la
situation, exagère la commodité des appartements, ainsi que la richesse et la propreté des
meubles » Encore un verbe de parole « il parle ».
Il passe du coq à l'âne.
Après les enfants,
il enchaîne directement avec les maisons.
Ville et canpagne sont complémentaires.
Nicandre
possède, il accumule, il empile ! Ses biens sont
« des
bâiments » ; «des
appartements >» ; « des
abouduts : « des maisons >; « une terre » ;
une
métonymie.
« Une
terre » mis pour des terres, des fermes, des champs.
C'est donc un
ebles
».
C'est
propriétaire
foncier
obsédéparle concret :«il calcule ;il fait le plan; décrit...
», c'est un homme de chiffres, un
comptable.
Le pronom personnel «il » sature la phrase et celui-ci régit des verbes de
possession.
Le déterminant « des » montre une forme d'imprécision, connotant l'abondance,
la profusion.
De plus, pour se mettre encore plus en avant, il n'hésite pas à mentir: «il
exagère la commodité des appartements » montrant ainsi un manipulateur / menteur / acteur
dans ses propos.
>
Le sous-entendu : Nicandre veut montrer ses immenses richesses, voulant persuader Élise
que celle-ci vivra dans le luxe, le faste, pouvant loger dans différents lieux en fonction des
saisons et de ses envies.
Mais également que sa situation
nancière est solide,
s'appuyant
sur des biens matériels palpables, concrets (pas de la crypto monnaie quoi!) mais cet étalage
ostentatoire de possessions matérielles montre la fatuité du personnage, son absence de
profondeur sentimentale et émotionnelle.
I1 vit dans les terres, les murs, les biens, le
matériels et semble ne rien éprouver.
Il est froid.
>
Argument 4 : « il assure qu'il aime la bonne chère, les équipages ».
Cet argument a pour but
de montrer à Elise qu'l est un bon vivant, qu'l aime les plaisirs de la vie, que ses moyens
nanciers lui permettent d'avoir accès à des mets de qualité et qu'il a un carrosse (chose
onéreuse).
Le verbe « assure » est intéressant et peut être compris
comme « rassure ».
Il a
pour but de renforcer l'aspect persuasif des propos émis.
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constitue le message, c'est un portrait uniquement en paroles.
Il sagira alors d'une liste
d'arguments destinés à s'auto mettre en avant dans le but de conquérir Élise.
On....
»
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