Analyse linéaire letranger de camus
Publié le 20/03/2022
Extrait du document
«
L’étranger de Camus
La plaidoirie de l’avocat
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Texte :
L'après-midi, les grands ventilateurs brassaient toujours l'air épais de la salle et
les petits éventails multicolores des jurés s'agitaient tous dans le même sens.
La
plaidoirie de mon avocat me semblait ne devoir jamais finir.
A un moment donné,
cependant, je l'ai écouté parce qu'il disait: «Il est vrai que j'ai tué.» Puis il a
continué sur ce ton, disant «je» chaque fois qu'il parlait de moi.
J'étais très
étonné.
Je me suis penché vers un gendarme et je lui ai demandé pourquoi.
Il m'a
dit de me taire et, après un moment, il a ajouté: «Tous les avocats font ça.» Moi,
j'ai pensé que c'était m'écarter encore de l'affaire, me réduire à zéro et, en un
certain sens, se substituer à moi.
Mais je crois que j'étais déjà très loin de cette
salle d'audience.
D'ailleurs, mon avocat m'a semblé ridicule.
Il a plaidé la
provocation très rapidement et puis lui aussi a parlé de mon âme.
Mais il m'a
paru qu'il avait beaucoup moins de talent que le procureur.
«Moi aussi, a-t-il dit,
je me suis penché sur cette âme, mais, contrairement à l'éminent représentant
du ministère public, j'ai trouvé quelque chose et je puis dire que j'y ai lu à livre
ouvert.» II y avait lu que j'étais un honnête homme, un travailleur régulier,
infatigable, fidèle à la maison qui l'employait, aimé de tous et compatissant aux
misères d'autrui.
Pour lui, j'étais un fils modèle qui avait soutenu sa mère aussi
longtemps qu'il l'avait pu.
Finalement j'avais espéré qu'une maison de retraite
donnerait à la vieille femme le confort que mes moyens ne me permettaient pas
de lui procurer.
«Je m'étonne, messieurs, a-t-il ajouté, qu'on ait mené si grand
bruit autour de cet asile.
Car enfin, s'il fallait donner une preuve de l'utilité et de
la grandeur de ces institutions, il faudrait bien dire que c'est l'Etat lui-même qui
les subventionne.» Seulement, il n'a pas parlé de l'enterrement et j'ai senti que
cela manquait dans sa plaidoirie.
Mais à cause de toutes ces longues phrases, de
toutes ces journées et ces heures interminables pendant lesquelles on avait parlé
de mon âme, j'ai eu l'impression que tout devenait comme une eau incolore où je
trouvais le vertige.
A la fin, je me souviens seulement que, de la rue et à travers tout l'espace des
salles et des prétoires, pendant que mon avocat continuait à parler, la trompette
d'un marchand de glace a résonné jusqu'à moi.
J'ai été assailli des souvenirs
d'une vie qui ne m'appartenait plus, mais où j'avais trouvé les plus pauvres et les
plus tenaces de mes joies: des odeurs d'été, le quartier que j'aimais, un certain
ciel du soir, le rire et les robes de Marie.
Tout ce que je faisais d'inutile en ce lieu
m'est alors remonté à la gorge et je n'ai eu qu'une hâte, c'est qu'on en finisse et
que je retrouve ma cellule avec le sommeil.
C'est à peine si j'ai entendu mon
avocat s'écrier, pour finir, que les jurés ne voudraient pas envoyer à la mort un
travailleur honnête perdu par une minute d'égarement, et demander les
circonstances atténuantes pour un crime dont je traînais déjà, comme le plus sûr
de mes châtiments, le remords éternel.
La cour a suspendu l'audience et l'avocat
s'est assis d'un air épuisé.
Mais ses collègues sont venus vers lui pour lui serrer la
main.
J'ai entendu: «Magnifique, mon cher.» L'un d'eux m'a même pris à témoin:
« Hein? » m'a-t-il dit.
J'ai acquiescé, mais mon compliment n'était pas sincère,
parce que j'étais trop fatigué.
Éléments d’introduction et contexte :.
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