analyse linéaire le mal
Publié le 10/05/2024
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Lecture linéaire 3 "Le Mal " Rimbaud
Introduction
Rappeler les généralités sur Les Cahiers de Douai.
1870 Rimbaud n'a que 17 ans mais il manifeste déjà sa révolte contre le monde qui
l'entoure et son émancipation dans le domaine poétique
Titre néanmoins surprenant de ce sonnet par son sérieux "le mal" laisse attendre une
réflexion philosophique sur la destinée humaine.
Cependant le contexte historique nous
permet de comprendre que Rimbaud fait référence ici à la guerre franco-prussienne qui sévit
à cette époque ( cf directe dans le texte: la couleur des uniformes).
Rimbaud fait d'ailleurs cf
à cette guerre à quatre reprises dans ce recueil : "Le Mal", "Rage des Césars", "Le Dormeur
du val", "L'éclatante victoire de Sarrebrück".
Composition et présentation du texte
Sonnet d'alexandrins dans lequel le jeu des rimes n'est pas classique (7 rimes au lieu de 5
et rimes croisées dans les quatrains)
Le poème s'organise en une seule phrase complexe reposant sur une structure
d'opposition : les deux quatrains constituent trois propositions circonstancielles temporelles
,introduites par la locution conjonctive "tandis que" qui démarre le poème, reprise au vers 3
dans sa forme elliptique "et que" ,et au vers 5.
Ces propositions temporelles de simultanéité
occupent les six premiers vers et montrent l'horreur de la guerre en présentant un violent
tableau d'un champ de bataille.( 1er mouvement)
La proposition principale avec ses indépendantes se développent sur les deux tercets, et
montre, par opposition,le tableau intimiste et feutré d'une église à l'arrière, où des mères
prient, sous l'indifférence de Dieu.(2eme mouvement)
Les deux groupes de propositions sont séparés par deux vers (7 et 8) détachés entre deux
tirets, qui constituent , en incisé, une invocation à la Nature.
Ces deux vers sont comme
l'axe de symétrie entre les deux tableaux : le champ de bataille et l'arrière.
(3ème
mouvement)
Projet de lecture
Comment Rimbaud manifeste-t-il son émotion et sa révolte à travers ces deux
tableaux en opposition?
Explication du titre : voir dans l'intro
Premier mouvement : tableau fort et violent du champ de bataille dans un registre
épique
Le poème s'ouvre en effet sur le tableau épique du champ de bataille.
Dès le premier
vers notre ouïe est agressée avec des sons suggérés par une forte allitérations en R
"crachats rouges de la mitraille" , véritable harmonie imitative des mitrailleuses , renforcée
par l'allitération en F dans les mots "sifflent" et "infini" qui évoque le sifflement des balles.
Ainsi nous sommes plongés directement dans l'horreur de la guerre, dans la barbarie
renforcée par l'adjectif de couleur "rouge" qui évoque tout à la fois le feu qui sort des
mitrailles et le sang des soldats qu'elles répandent.Et cette barbarie semble interminable
comme le suggère l'enjambement expressif des vers 1 et 2.
Après l'ouïe c'est donc la vue
qui est convoquée dans cette description hypotypique du champ de bataille, le rouge du feu
s'oppose au bleu du ciel qu'il raye "tout le jour" ( notons ici la formule hyperbolique qui
intensifie encore l'amplification épique de la violence) .
Par ailleurs l'intrusion de cette
violence dans la plénitude de la paix " l'infini du ciel bleu" est mise en évidence par le choix
des rimes croisées qui font s'entremêler le ciel bleu et ma mitraille.
Le chaos de la syntaxe et
des rimes rendant compte du chaos de la bataille.
La vue est sollicitée également par
l'évocation de la couleur des uniformes prussiens "verts" et français "écarlates" qui
contextualisent le sonnet : c'est de la guerre franco-prussienne de 1870 dont il est question.
Mais au-delà de cette contextualisation , le fait de ne désigner les hommes que par la
couleur de leurs uniformes déshumanise les soldats qui ne sont finalement que de la chair à
canon qui " croulent dans le feu" sous le rire moqueur du "Roi qui les raille".
L'horreur est
donc ici renforcée par la déshumanisation , par les sonorités en "R", et en "I" qui soulignent
l'intensité de la violence.
Et cela d'autant plus que la personnification des mitrailleuses qui
"crachent" et "sifflent" contraste avec la déshumanisation des hommes qui sont assimilés à
des choses comme le connotent le verbe "croulent" ( vers 4) et plus loin le substantif "tas"
(vers 6) directement relié au nom hommes qu'il complète.
L'amplification épique de la
violence transforme ce tableau en une peinture hugolienne mais c'est ici une parodie
d'épopée, car si Hugo montre la grandeur de Napoléon 1er , Rimbaud présente ici un "Roi"
sans héroïsme, semblable à Napoléon III critiquer par Hugo dans Les Châtiments.
L'indifférence du Roi qui semble oublier que "le tas fumant" qu'il regarde en riant est formé
par des hommes est effectivement bien mise en évidence,et Rimbaud souligne bien dans
ce premier mouvement la cruauté du "Roi", et son mépris connoté par son rire railleur, il est
montré comme un irresponsable comme me connoté le jeu de Rome entre "mitraille" et
"raille
La déshumanisation et la présentation de l'horreur du champ de bataille va se poursuivre
dans les vers 5 et 6, avec l'évocation de "la folie épouvantable", personnifiée à travers ses
actes puisqu'elle "broie" les hommes et les transforment en tas fumant ( notons ici le fait que
la description fit appel à un nouveau sens : le sens olfactif "fumant".
Les sonorités sont là
encore très évocatrices puisque nous retrouvons le "R" et les fricatives " F" et "V" qui
renforcent l'horreur de la vision.
Enfin signalons l'utilisation des pluriels qui évoquent des
personnages collectifs " les bataillons" , " en masse", " cent milliers d'hommes" , ainsi cette
amplification épique contribuent à la fois à montrer la violence des combats et l'indifférence
du Roi.
Ce premier mouvement est donc marqué par la violence de cette épopée terrible que
représente la guerre.
À travers ce tableau, le jeune Rimbaud crie sa révolte et sa critique du
monde qui l'entoure et particulièrement sa critique du Roi.
Deuxième mouvement : hymne de gloire à la Nature
Après avoir décrit l'horreur du champ de bataille, Rimbaud fait une pause, marquée par
des tirets au début du vers 7 et à la fin du vers 8.
Ces deux vers marquent l'irruption de la
sensibilité à fleur de peau du jeune poète.
Ils s'ouvrent par l'exclamation "Pauvres morts"
marquant l'émotion du poète, Rimbaud rappelle le passé de ces morts dans un groupe
ternaire lyrique dont les termes symbolisent la jeunesse : " l'été" , "l'herbe", " la joie" .
La
suite du distique formé par les vers 7 et 8 est un plaidoyer implicite, un hymne de gloire pour
la Nature, la seule qui soit vraiment "sainte", celle qui détient les vraies valeurs.
Notons
d'ailleurs que Rimbaud s'adresse à elle à l'aide d'une interjection à consonance religieuse "
Ô toi qui" et semble lui adresser une véritable prière, même s'il ne va pas au bout de sa
demande comme le montre l'aposiopèse à la fin du vers 8.
La Nature est donc ici
transfigurée par l'allégorie marquée par la majuscule "Nature", par le vocatif et surtout par
l'adverbe....
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