Analyse linéaire du prologue de Lucrèce Borgia de Victor Hugo
Publié le 24/06/2022
Extrait du document
«
Lucrece Borgia
Une terrasse du palais Barbarigo, à Venise.
C’est une fête de nuit.
Des masques traversent par instants
le théâtre.
Des deux côtés de la terrasse, le palais splendidement illuminé et résonnant de fanfares.
La
terrasse couverte d’ombre et de verdure.
Au fond, au bas de la terrasse, est censé couler le canal de la
Zuecca, sur lequel on voit passer par moments, dans les ténèbres, des gondoles, chargées de masques
et de musiciens, à demi éclairées.
Chacune de ces gondoles traverse le fond du théâtre avec une
symphonie tantôt gracieuse, tantôt lugubre, qui s’éteint par degrés dans l’éloignement.
Au fond, Venise
au clair de lune.
De jeunes seigneurs, magnifiquement vêtus, leurs masques à la main, causent sur la terrasse.
Gubetta, Gennaro, vêtu en capitaine, don Apostolo Gazella, Maffio Orsini, Ascanio Petrucci,
Oloferno Vitellozzo, Jeppo Liveretto.
Oloferno.
Nous vivons dans une époque où les gens accomplissent tant d’actions horribles qu’on ne
parle plus de celle-là, mais certes il n’y eut jamais événement plus sinistre et plus mystérieux.
Ascanio.
Une chose ténébreuse faite par des hommes ténébreux.
Jeppo.
Moi, je sais les faits, messeigneurs.
Je les tiens de mon cousin éminentissime le cardinal Carriale,
qui a été mieux informé que personne.
Vous savez, le cardinal Carriale, qui eut cette fière dispute avec le
cardinal Riario au sujet de la guerre contre Charles VIII de France ?
Gennaro, bâillant.
Ah ! Voilà Jeppo qui va nous conter des histoires ! Pour ma part, je n’écoute pas.
Je
suis déjà bien assez fatigué sans cela.
Maffio.
Ces choses-là ne t’intéressent pas, Gennaro, et c’est tout simple.
Tu es un brave capitaine
d’aventure.
Tu portes un nom de fantaisie.
Tu ne connais ni ton père ni ta mère.
On ne doute pas que tu
ne sois gentilhomme, à la façon dont tu tiens une épée ; mais tout ce qu’on sait de ta noblesse, c’est que
tu te bats comme un lion.
Sur mon âme, nous sommes compagnons d’armes, et ce que je dis n’est pas
pour t’offenser.
Tu m’as sauvé la vie à Rimini, je t’ai sauvé la vie au pont de Vicence.
Nous nous sommes
juré de nous aider en périls comme en amour, de nous venger l’un l’autre quand besoin serait, de n’avoir
pour ennemis, moi, que les tiens, toi, que les miens.
Un astrologue nous a prédit que nous mourrions le
même jour, et nous lui avons donné dix sequins d’or pour la prédiction.
Nous ne sommes pas amis, nous
sommes frères.
Mais enfin, tu as le bonheur de t’appeler simplement Gennaro, de ne tenir à personne, de
ne traîner après toi aucune de ces fatalités, souvent héréditaires, qui s’attachent aux noms historiques.
Tu es heureux !
Victor Hugo, Lucrèce Borgia, 1833, acte I, Ière partie, scène 1.
Introduction
Présentation de l’oeuvre
Extrait de Lucrèce Borgia, un drame de Victor Hugo, représenté pour la première fois au théâtre de la
Porte-Saint-Martin le 2 février 1833.
Il est inspiré de l'histoire de Lucrèce Borgia, fille du pape Alexandre
VI.
Lucrèce Borgia est considérée comme un monstre politique, capable des pires ignominies, elle a la
réputation d'assassiner quiconque se mettra au travers de sa route.
Un seul être semble bénéficier de sa
clémence, son fils, Gennaro, qui ignore que sa mère est cette femme cruelle.
Contextualisation de l’extrait
l’extrait étudié est la scène d’exposition, le lecteur s’attend donc à ce qu’on lui présente les personnages,
Lucrece Borgia
1.
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