Analyse linéaire de Gargantua, le torchecul, l'éducation et la religion, le prologue
Publié le 21/06/2024
Extrait du document
«
GARGANTUA :
1ère explication : Le torchecul
François Rabelais est un écrivain français humaniste de la Renaissance, il écrit en
1534 Gargantua.
Dès le prologue, Rabelais compare son roman aux Silènes des
apothicaires : de petites boites qui ont une apparence grotesque, mais qui
renferment des onguents de grande valeur.
Il nous fait rire du moins il essaye,
avec un sujet trivial, un humour bouffon et scatologique qui touche aussi à
l'absurde.
Mais quand on cherche derrière les apparences, on réalise que cet
humour est une manière d'amener son lecteur à aborder des sujets autrement
plus sérieux.
Comment laver nos péchés, comment corriger nos défauts ? Le
jeune géant met en place une méthode : il multiplie les
expérimentations, sélectionne les meilleurs critères, retient les meilleures
hypothèses et invalide les autres.
Cela soulève alors des questions : des
questions de pédagogie, mais aussi de religion et de société, que Rabelais cache
dans un langage symbolique.
1er mvt : les expériences comiques
2ème mvt : le fruit des expériences de Gargantua
3ème mvt : la conclusion de son expérience
Problématique : Quels sont les messages et les questionnements de grande
valeur que Rabelais cache à l'intérieur de cette histoire ?
1 : Ce premier mouvement, on pourrait l’appeler « expériences comiques » parce
que Gargantua fait toute une série d'expériences incongrues, mais qui révèlent
pourtant une série une certaine méthode.
D'abord, l'énumération est comique,
parce que les objets semblent complètement sans lien les uns avec les autres "Je
me torchai, dit Gargantua, d'un couvre-chef, d'un oreiller, d'une pantoufle, d'une
gibecière, d'un panier.
Mais quels déplaisants torche-culs ! Puis d'un chapeau."
On passe de la tête « couvre-chef, oreiller » aux pieds « pantoufle » ; du
vêtement au sac « gibecière, panier » pour mieux revenir aux chapeaux, en
insistant sur l'ordre chronologique « puis ».
D'un point de vue symbolique, cette
insistance sur la tête souligne déjà que le travail de Gargantua mobilise toute son
intelligence.
Et en effet, à travers ces tentatives, on devine les premières
hypothèses du jeune géant : ce n'est pas la fonction de l'objet ni son
emplacement qui vont servir de critère, mais la douceur de matière.
Il élimine
d'office, avec une exclamation, tout ce qui est < déplaisant Ceci en dit long sur
les valeurs de Rabelais la science n'a de valeur que lorsqu'elle est guidée par ce
qui est plaisant, par extension, ce qui apporte le bien autour de soi, pour l'enfant
qui apprend, pour l'humanité qui évolue.
Il nous implique dans sa recherche,
avec l'impératif à la deuxième personne du pluriel.
Le critère de douceur est alors
associé au critère d'efficacité, avec le lien logique de cause.
A partir de là, On
voit s'affiner ses choix.
Puis me torchai d'une poule, d'un coq, d'un poulet, de la
peau d'un veau, d'un lièvre, d'un pigeon, d'un cormoran, d'un sac d'avocat, d'un
capuchon, d'une coiffe, d’un leurre emplumé.
La dimension comique est toujours
présente, car on se demande comment certains objets lui tombent sous la main :
un sac d'avocat, un cormoran, le cuir, la fourrure et la plume semblent avoir sa
préférence.
Plutôt des matières vivantes.
Et en effet, on peut déjà souligner la
dimension symbolique de ces objets : le sac d’avocat désigne bien la profession :
est-ce qu’ls n’ont pas un effet tous les jours affaire à la merde de ce monde ? Le
jeune Gargantua associe spontanément ses excréments aux affaires juridiques.
Et juste après, le capuchon renvoie aux moines, dont le rôle, au Moyen-Âge, est
de laver les péchés du monde.
Donc ici, Rabelais nous laisse deviner l'intelligence
du jeune Gargantua, qui a de nombreuses intuitions, et invente une méthode
qu'on ne lui a pas enseignée.
2 : Ici, quand Gargantua nous livre le fruit de ses expériences, il est à la fois très
sérieux, et très sûr de lui.
"Mais en conclusion je dis et maintiens qu'il n'y a pas
de torche-cul supérieur à un oison bien en duvet, pourvu qu'on lui tienne la tête
entre les jambes.
Et vous pouvez me croire
sur mon honneur." L'insistance sur la première personne nous amène au présent
de vérité générale « il n'y a pas de torche-cul supérieur » et nous inclut dans le
pronom personnel indéfini « pourvu qu'on lui tienne la tête ».
Il procède avec
méthode, par induction et entre même dans les détails techniques.
On peut
d'abord penser que le choix de l'oison est destiné à nous faire rire.
D'abord parce
qu'il n'est justement pas du tout pratique, ni facile à se procurer.
On le perçoit
bien, ça ne fonctionne vraiment pas.
L'oiseau, proche du ciel, est un symbole
spirituel : c'est l'âme qui recherche la parole de Dieu, qui la transmet.
L'oison,
sur le point de s'envoler, par son innocence, prend parfois une dimension
christique : il enlève le péché du monde.
L'oison, c'est peut-être le moine, chargé
de laver la société de ses péchés.
On comprend mieux pourquoi il faut le tenir
fermement, c'est un message satirique : pour Rabelais, les moines ont un rôle
important à jouer, ils ne doivent pas être laissés oisifs, ils doivent être actifs
auprès de la population.
On sait que Rabelais a été moine, donc il connait bien
les travers et les excès de cette condition sociale.
Les effets constatés de ce
torche-cul vont donc bien plus loin qu'un simple nettoyage, ils sont aussi curatifs,
touchant à la fois le cœur et le cerveau, c'est-à-dire, les passions, et
l'intelligence.
Encore ici d'un point de vue symbolique, le corps ne fonctionne
jamais sans l'âme, la saleté physique représente la saleté morale.
Le fait
d'utiliser comme ça des termes familiers et comiques pour parler indirectement
d'un sujet élevé, c'est ce qu'on appelle le registre burlesque.
3 : Gargantua se met tout à coup à parler de Héros et de Demi-dieux, qui sont
les personnages des genres les plus nobles : la mythologie, l’épopée, la tragédie.
Sans transition, il passe d’un registre très bas, à un registre très élevé.
Avec la
négation, Gargantua vient contredire une idée reçue que le lecteur a déjà dû
entendre : ce n'est pas l'ambroisie, le nectar, c'est-à-dire, des ingrédients
magiques qui distinguent les héros et les demi-dieux, mais bien le fait qu'ils
savent corriger leurs défauts.
Et c'est peut-être ça la question la plus importante
du roman : comment se débarrasser de la merde de ce monde, c'est-à-dire, du
péché ? La confession, les indulgences, les récitations absurdes ? Ou un contact
direct avec le divin ? Et comme pour confirmer que nous sommes en plein débat
théologique, Rabelais cite un philosophe très connu à son époque.
"Et telle est
l'opinion de Maitre Jean Duns Scot." Ici, on comprend que cet éminent théologien
n'est pas plus avancé que Gargantua qui n'a pourtant aucune éducation.
Mais il
nous fait aussi comprendre que cette réflexion dépasse bel et bien le cercle des
érudits et des savants : elle concerne tous les êtres humains.
Se pose donc alors
une nouvelle question, bien plus concrète.
Au-delà des péchés : quel savoir,
quelle éducation, quelle organisation de la société nous rend meilleurs, nous fait
réellement grandir ?
Conclusion
Dans ce passage, Rabelais utilise l'humour, et des thèmes particulièrement
triviaux pour nous inviter à mener au contraire des réflexions particulièrement
élevées.
Chaque élément du texte porte une charge symbolique qui lui confère
un sens caché.
Cet épisode de l'enfance de Gargantua, par les questionnements
qu'il soulève, nous incite à lire la fin du roman qui tente de répondre à toutes ces
questions en nous présentant l'image d'une société parfaite.
2ème explication : L’éducation et la religion
L’éducation est un thème essentiel de l’humanisme.
Que ce soit Erasme dans
l’Eloge de la folie, Montaigne dans ses essais ou Rabelais dans Gargantua, tous
ces humanistes défendent le même principe : inculquer à l’Homme le savoir et lui
apprendre à réfléchir par lui-même.
Il est donc en mesure de de se détacher de
la religion.
François Rabelais, moine reconverti en écrivain, publie Gargantua en
1534 sous le pseudonyme d’Alcofribas Nasier, anagramme de son nom.
Son
21ème chapitre s’inscrit dans l’éducation de Gargantua.
Nous l’étudierons donc
dans le cadre du parcours « rire et savoir ».
Après un échec de l’éducation
sophiste avec Maître Thubal Holopherne, Grandgousier confie l’éducation de son
fils à Ponocratès, éducateur du jeune Eudémon.
Celui-ci commence par
l’observation des méthodes et principes des précepteurs sophistes, qu’il juge
désastreuses.
1er mvt : ligne 1 à 13 ; vie de prière mécanique et lourde
2ème mvt : ligne 14 à 15 ; une étude qui ne fait pas progresser
3ème mvt : ligne 16 à 24 ; le géant à table
Problématique : ce texte semble parler de l’éducation de Gargantua, mais ce
dernier n’est ni élevé ni grandi.
En quoi ce passage constitue-t-il une satire d’une
éducation scolastique qui n’a rien d’éducatif ?
1 : Ce premier mouvement est écrit au passé montrant une habitude et énonçant
l’emploi du temps de Gargantua avec un ordre chronologique montré par
l’adverbe « puis »....
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