analyse: Le rêve d'un curieux de Baudelaire
Publié le 05/11/2022
Extrait du document
«
Le rêve d'un curieux
Connais-tu, comme moi, la douleur savoureuse,
Et de toi fais-tu dire : " Oh ! l'homme singulier ! "
- J'allais mourir.
C'était dans mon âme amoureuse,
Désir mêlé d'horreur, un mal particulier ;
Angoisse et vif espoir, sans humeur factieuse.
Plus allait se vidant le fatal sablier,
Plus ma torture était âpre et délicieuse ;
Tout mon cœur s'arrachait au monde familier.
J'étais comme l'enfant avide du spectacle,
Haïssant le rideau comme on hait un obstacle...
Enfin la vérité froide se révéla :
J'étais mort sans surprise, et la terrible aurore
M'enveloppait.
- Eh quoi ! N’est-ce donc que cela ?
La toile était levée et j'attendais encore.
Biographie :
Charles Baudelaire est un poète symboliste, journaliste, critique d’art et critique
littéraire né à Paris le 9avril 1821.
Il a connu une adolescence difficile marquée
par la révolte suite au mariage de sa mère, qui est la seule personne qui a
réellement compté pour lui.
Il était mis sous tutelle par sa famille et gagnait une
pension raisonnable chaque mois à partir de l’héritage paternel.
Son voyage vers
les Indes et son admiration pour Edgar Allan Poe ont été un facteur important
pour l’élaboration de sa production artistique.
Il publie en 1857 son œuvre la plus
connue Les fleurs du mal , qui retrace le trajet de l’ame de Baudelaire qui vit une
véritable descente aux enfers, marquée par le Spleen.
Plusieurs de ses poèmes
sont retirées, il est attaqué en justice pour immoralité suite à cette publication.
Affecté par cette condamnation, cette figure incontournable de la poésie
Française, sombre dans la misère et la drogue.
Le poids des dettes s’ajoutant
aux souffrances morales, il est frappé d’un malaise qui le paralysera.
Il meurt à
Paris le 31 août 1967.
Connu pour sa célèbre citation : « tu m’as donné ta boue
et j’en ai fait de l’or », Baudelaire laissera une trace indéniable dans l’histoire de
la poésie, étant qualifié de « dieu de la poésie » selon Rimbaud.
Analyse :
« Le rêve d’un curieux » est un sonnet régulier en alexandrins avec des rimes
embrassées contenu dans le sixième ensemble intitulé « la mort » extrait de les
fleurs du mal.
Il met en scène , d’un ton ironique ,l’une des plus grandes
angoisses de Baudelaire qu'après la mort, le seul but soit encore un fois l'attente
du salut ou de la délivrance qui caractérise déjà la vie.
Baudelaire nous envoie tout au long de ce sonnet, dans un monde rêveur où il
nous évoque la mort et sa terrible douleur.
L’atmosphère onirique est marquée
par la brusque entrée en matière, l’image du sablier et la mention de l’aurore
coïncidant avec le retour de la conscience et la réflexion sur le rêve.
Dès le
premier vers il s’adressa à une personne bien particulière mais qu’on ne peut
identifier, en employant « tu » « toi » qu’il compare à lui-même grâce à l’outil de
comparaison « comme » tout en employant la tournure emphatique « moi ».
Il
lui pose une question rhétorique où il lui demande s’il a autant souffert que lui.
Cependant on retrouve un paradoxe où Baudelaire qualifie la douleur de
« savoureuse » ; c’est un contresens.
Il reprend les paroles de cette personne
qui l’ont marquées « oh ! L’homme singulier » tout en montrant le coté ironique
en employant notamment l’interjection « oh ! » et il y répond directement au
vers suivant« j’allais mourir ».
Le poète exagère ici de son état où il nous fait
part de sa souffrance exprimée à plusieurs reprises « ma torture » « mon cœur
s’arrachait » « mal particulier ».
Cette douleur est donc liée à un amour dont il
éprouve des sensations opposées comme on peut le voir à la l4 : « désir mêlé
d’horreur ».Il transforme ensuite son chagrin d’amour en une peur atroce de
mourir qui connait une gradation ascendante de plus en plus forte « angoisse »
« torture » « mon cœur s’arrachait » qui nous emmène avec suspens tout en
soulignant une lueur d’espoir « vif espoir » .
L’auteur insiste sur la mort une
seconde fois en l’exprimant sous forme de périphrase et d’euphémisme «la
vérité froide ».
Il se compare ensuite, à un enfant avide de spectacle qui hait le
rideau qui représente ici un obstacle, il attend, il est impatient et désireux de
quelque chose.
Il imagine la mort comme un levé de rideau.
L’annonce de la
mort au début du dernier tercet avec la précision « sans surprise » montre que
l’auteur a du résister voire même batailler pour rester en vie mais le destin
s’empara de lui.
Il fait allusion à une « « terrible aurore » qui représente une
scène sans spectacle et d’une avidité sans repos, c'est-à-dire que le poète soit
disant mort recommence une nouvelle page et entame un nouveau chapitre dans
sa vie, il est toujours vivant.
La toile personnifiée « était levée » évoque le coté
brillant de cette novelle vie et amène le moment tant attendu mais qui tombe
finalement sur une déception et une contradiction d’ordre mystique : « n’est-ce
donc que cela? » (v.13) « j‘attendais encore » (v.
14).Ainsi, Baudelaire finit
négativement, en désillusion son sonnet et confirme son état d’âme troublante.
En définitive, Baudelaire exprime sa crainte vis-à-vis de la mort.
Cruellement
blessé par une expérience amoureuse, le poète nous emmène petit à petit dans
un monde malheureux où la mort s’empara de lui.
Toutefois il continue à
respirer, à faire des efforts pour garder voire améliorer sa création poétique.
L’INVITATION AU VOYAGE
Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.....
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