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Analyse d'un thème ou d'un personnage

Publié le 04/06/2020

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OBJECTIF ET DÉFINITION

L'analyse d'un thème ou d'un personnage qui occupe une place importante dans tel livre, consiste à en déterminer avec précision les principales dimensions et à les justifier : il faut savoir les repérer, les caractériser, évaluer leur rôle, leur place, leur évolution, trouver des nuances, noter certaines ambiguïtés, réfléchir parfois à leur valeur symbolique, en démontrer l'authenticité par un jeu de références et de citations ; et enfin, les classer, les grouper pour éviter les répétitions, structurer l'analyse. La première étape de cet exercice est réservée à une lecture minutieuse de l'œuvre choisie, au cours de laquelle on remarque les chapitres, les pages, les passages, les titres (lorsqu'il s'agit d'un recueil poétique) qui concernent le thème ou le personnage en question (on utilise généralement des languettes de papier pour ces différents repères). Ce travail d'observation, lorsqu'on le veut complet et minutieux, doit être suivi d'une mise en fiches qui choisit, classe, détermine les caractéristiques du sujet, en s'appuyant sur les références (des cartes en bristol de différentes couleurs sont souvent utilisées pour ce classement). Le temps consacré à ces phases préparatoires : lecture d'observation et mise en fiches, est extrêmement difficile à déterminer ; il doit s'établir en fonction du niveau de la formation de l'élève et de l'objectif qu'on lui propose ; nous éliminerons l'analyse très minutieuse qui consiste à déterminer les moindres nuances d'un certain thème, non seulement en le caractérisant, mais encore en démontrant sa place et sa fréquence par de nombreuses références (le travail qui consiste, par exemple, à indiquer combien de fois et à quel endroit Zola emploie « les yeux » ou« le regard » pour désigner cet aspect du visage de tel personnage de Thérèse Raquin, afin d'en mesurer la signification symbolique, ne peut intéresser que des spécialistes avancés). Nous proposons ici une étude moins détaillée qui doit aboutir, selon l'entraînement de l'élève, à un exposé d'une demi-heure à quarante-cinq minutes ou à une rédaction de deux à quatre pages (à l'écrit, dans le compte rendu composé, les dimensions de l'analyse dépendent également des paragraphes qui constituent le reste du devoir : résumé du livre suivi de l'analyse d'un seul thème et de l'expression du jugement personnel ? Simple présentation de l'intrigue, analyse de deux ou trois points essentiels et conclusion sommaire ? Cf. nos exemples, p. 38. A l'oral, l'exposé peut s'appuyer sur des références par pages et par chapitres, si les auditeurs possèdent l'ouvrage concerné qu'ils peuvent consulter personnellement. En revanche, si l'auditoire n'a pas à sa disposition le livre dont il est question, il est préférable de lire, de façon expressive, les passages qui illustrent le sujet. (Dans le premier cas, on lira néanmoins un ou deux passages importants, pour ne pas réduire l'exposé à un bilan.) A l'écrit, la place des citations longues doit être réduite ; les caractérisations au service du sujet de l'analyse peuvent être justifiées par la simple évocation de tel chapitre ou de tel moment du livre, ou par le renvoi à certaines pages.

EXEMPLES

1. Le poids du destin dans Le désert des Tartares de D. Buzzati.

« L'homme, tel que Le désert des Tartares le définit, ne crée pas sa destinée : il la subit, il la découvre à tâtons. Les officiers du fort Bastiani peuvent souhaiter que l'occasion de montrer leur bravoure arrive enfin. Mais leurs pouvoirs s'arrêtent là. Leur présence même au fort ne dépend pas, au fond, de leur volonté. Toute l'histoire de Drogo est placée sous le signe de l'irrévocable, dès le moment des adieux à sa mère : « Sur tout cela pesait une pensée tenace qu'il ne parvenait pas à définir, comme le vague pressentiment de choses irrévocables, presque comme s'il eût été sur le point d'entreprendre un voyage sans retour » (p. 8). Or il se trouve que tous les pressentiments de Drogo sont justes, puisqu'ils ne relèvent pas d'une intuition psychologique : c'est le destin lui-même qui se dévoile. Étant immuable, il ne peut tromper : c'est Drogo qui ne sait ou ne peut interpréter ces révélations, toujours ambiguës. Aussi, dès sa première nuit au fort, l'idée lui surgit que sa jeunesse pourrait se consumer dans cette pauvre chambre (p. 39). Le rêve prémonitoire de la mort d'Angustina (ch. XI) se réalise fidèlement quelques jours après. Le sentiment vague, mais angoissant« qu'il n'arriverait pas à temps, l'impression que quelque chose d'important allait se produire et le prendrait à l'improviste » (p. 188), annonce, avec plusieurs années d'avance, l'arrivée de l'ennemi et son propre départ du fort. Du reste, ce dernier pressentiment se répète : « Une obscure superstition lui disait que, s'il quittait maintenant le fort pour cause de maladie, il n'y reviendrait jamais plus. Cette idée était pour lui un motif d'angoisse » (p. 218). Le destin de Drogo a été fixé au moment où il a regardé, avec un mélange d'attirance et d'inquiétude, le fort (p. 74). Ce moment décisif ( « Tout était peut-être établi depuis longtemps ») est rappelé tout au long du roman. « Tout en parlant ainsi, il (Ortiz) s'était levé, le regard toujours fixé sur le Septentrion, comme par cette lointaine matinée, sur le bord du plateau, où Drogo l’avait vu contempler, fasciné, les murs énigmatiques du fort » (p. 147). Lorsque Drogo cède au découragement, il ne regarde plus ces murs du fort qui semblaient autrefois lui promettre un destin exceptionnel (p. 151-152). Quand Drogo rentre déçu de la ville, le fort ne recèle plus, à ses yeux, aucun trésor mystérieux. En ce moment de déception, qui est peut-être aussi un des rares moments de .lucidité, le fort Bastiani n’est plus qu'une vieille bâtisse, une pauvre caserne de frontière (p. 174). Cependant, un instant après, l’envoûtement se reproduit, avec une force irrésistible. En un laps de temps très court, le réel est à nouveau transfiguré : « Et pourtant (...) un mystère persistait obstinément là-haut, dans les recoins des fossés, à l'ombre des casemates, l’inexprimable sentiment de choses à venir » (p. 175). Aussi, ni les mises en garde des apprentis de Prosdocimo (p. 57), ni les confidences inquiétantes du docteur Rovina ( « Tout le monde est venu ici par erreur, mon cher garçon, fit le médecin faisant pathétiquement allusion à lui-même. Et même ceux qui y sont restés » (p.69), auxquelles s’ajoutent plus tard les propos d’Ortiz (p. 178-179), ne peuvent ébranler Drogo. Giovanni souffre, mais il ne peut écarter son destin. D’ailleurs les avertissements des aînés sont toujours veinés d’une certaine jalousie' : les plus jeunes peuvent encore beaucoup attendre. Peut-être seront-ils présents au moment décisif, lorsque l’ennemi envahira à nouveau la plaine des Tartares et déferlera sur le fort Bastiani. « Drogo sentait peser son destin » (p. 73). Voilà le thème dominant. L’amertume de Drogo naît du décalage irréductible entre son espoir et son destin. Celui-ci s’approche parfois de celui-là au point de donner l'illusion qu’il va s'y identifier : « Le pressentiment que son destin était à la porte l’emplissait de joie, un destin heureux qui le mettrait au-dessus des autres hommes » (p. 97). La désillusion n’en est que plus cruelle : « A présent, il éprouvait même une sorte de profonde amertume, comme lorsque les heures les plus décisives du destin passent à côté de vous sans vous toucher et que leur grondement va se perdre au loin » (p. 94). Le doute se glisse alors dans son esprit : « S’il n'était qu'un homme quelconque à qui ne revient, de droit, qu'un médiocre destin ? » (p. 174). Drogo n'envisage même pas la possibilité de modifier en partie ce destin qui se révèle jour après jour. Son plus grand effort consiste à le découvrir. Les périodes d'optimisme sont parfois brusquement coupées par des déceptions cruelles, par des sensations douloureuses — Drogo sent parfois « décliner son destin » (p. 209) —, mais Giovanni demeure fidèle à cet engagement d'attendre l'événement miraculeux. Un« obscur pressentiment de choses fatales, une profonde certitude que ce que la. vie avait de bon n'avait pas encore commencé » (p. 213) le soutiennent dans les moments les plus difficiles. Incapable de déchiffrer ces pressentiments contradictoires — un destin heureux, des choses fatales — qui sont tous également fondés, Drogo garde en plus l'illusion de pouvoir montrer son courage, d'affirmer en somme sa liberté, à ce moment suprême que le destin lui réserve. Le même étau paralyse les autres officiers du fort : « C'est du désert du Nord que devait venir leur chance, l'aventure, l'heure miraculeuse qui sonne une fois au moins pour chacun » (p. 60). Cette vague éventualité, qui devient de plus en plus improbable pour chacun d'entre eux au for et à mesure que les années s'écoulent, immobilise tous ces hommes au fort Bastiani. Cette fatalité n'épargne pas non plus les humbles, comme le maître-tailleur Prosdocirno : « Ainsi (...) cette obscure et humble créature attendait, elle aussi, un destin héroïque ? » (p. 59). »

2. Le fleuve, « l'eau de mort », dans Alcools d'Apollinaire.

« L'eau du fleuve est une version concrète de la métaphore usée... d'Automne malade : « La vie s'écoule. » La fonction de l'image s'apparente à celle du cortège : une représentation spatiale de la fuite du temps. Dans la majorité des poèmes d’Alcools, l'eau se présente comme un élément féminin... Féminine par ses créatures mythologiques, les « déités »

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