ANALYSE DE L'ART POÉTIQUE DE BOILEAU. CHANT III. — Les grands genres.
Publié le 15/05/2020
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ANALYSE DE L'ART POÉTIQUE DE BOILEAU.
CHANT III.
— Les grands genres.
I.
— LA TRAGÉDIE : La théorie de l'imitation : limite du réalisme classique.
— Les fondements de la tragédie :terreur et pitié — Plaire et toucher : rapport avec les règles.
— Préceptes techniques : l'exposition, les unités, lavraisemblance, la progression jusqu'au dénouement.
— Les règles de Boileau en opposition avec la pratique deCorneille, en concordance avec celle de Racine.
— L'amour dans la tragédie.
— Le héros tragique.
— La couleurlocale.
— Les personnages inventés.
— Nécessité d'accorder le ton avec les situations.
Difficulté de la tragédie.
II.
— L'ÉPOPÉE : actualité du sujet, insistance de Boileau qui verse dans la polémique.
— Les théories et lesattaques de Desmarets de Saint-Sorlin.
— Accord de Boileau avec la tradition : emploi de l'allégorie.
— Remarque surles noms sans harmonie.
— Le héros épique, l'étendue du sujet.
—La noblesse du style : critique de Saint-Amant.
—Il faut égayer la narration : pourquoi ? — Le merveilleux : théories de Desmarets.
Ses adversaires : Santeul,Corneille.
La mythologie dans les arts.
L'erreur de Boileau.
La réfutation de Desmarets ; il montre les incertitudes deBoileau.
III.
— LA COMÉDIE : inexactitude de son histoire.
— Elle doit peindre la nature.
Le lie i commun des différentsâges de l'homme.
— Les champs d'observation : la cour et la ville.
—Le jugement sur Molière : reproches desadversaires de Boileau ; sa justification.
— Le comique.
I
Le troisième chant débute par une théorie importante dérivée d'Aristote.
Celui-ci définit l'art une imitation.
Ce quiplaît en lui, ce n'est pas l'objet représenté, mais la manière dont il est représenté.
Un objet affreux donne une imageagréable.
Voilà, a-t-on dit, Boileau partisan du réalisme.
C'est vrai, mais avec quelques réserves.
Les voici, tellesque les rapporte Brossette :« M.
Despréaux disait pourtant qu'il ne faut pas que l'imitation soit entière, parce qu'une ressemblance trop parfaiteinspirerait autant d'horreur que l'original même.
Ainsi, l'imitation parfaite d'un cadavre représenté en cire, avectoutes les couleurs, sans aucune différence, ne serait pas supportable.
C'est pour la même raison que les portraitsen cire n'ont pas réussi, parce qu'ils étaient trop ressemblants.
Mais qu'on fasse la même chose en marbre, ou enplate peinture, ces imitations plairont d'autant plus qu'elles approcheront de la vérité, parce que, quelqueressemblance qu'on y trouve, les yeux et l'esprit ne laissent pas d'y apercevoir d'abord une différence, -telle qu'elledoit être nécessairement entre l'art et la nature ».Ces idées s'appliquent à la tragédie : deux exemples, empruntés à Sophocle et à Euripide, nous rappellent que lesGrecs ne craignaient pas de mettre sous les yeux des spectateurs l'horreur de la souffrance physique, etinversement que les poètes modernes, intimidés par leur public de salon, ont reculé devant ces audaces : « OEdipetout sanglant » e3t montré longuement par Sophocle ; Corneille a voulu épargner à ses auditeurs « ce dangereuxspectacle ».
Il a pensé « que cette éloquente et curieuse description de la manière dont ce malheureux prince secrève les yeux et le spectacle de ces mêmes yeux crevés dont le sang lui distille sur le visage, qui occupe tout lecinquième acte chez ces incomparables originaux, ferait soulever la délicatesse de nos dames qui composent la plusbelle partie de notre auditoire et dont le dégoût attire aisément la censure de ceux qui les accompagnent ».En fait le goût de Boileau qui, dans la satire, ose parfois des traits réalistes qui nous surprennent, se seraiteffarouché sur la scène française d'excès brutaux ; on n'aime pas ensanglanter la scène et Racine pas plus queCorneille ne s'y résout.Boileau définit en termes heureux les moyens dont se sert la tragédie pour intéresser le spectateur : l'agréablefureur d'un beau mouvement le remplit d'une douce terreur ou excite une pitié charmante.
Mais prudemment il ne ditpas un mot de l'effet moral de la tragédie, cette question si débattue en s'appuyant sur un passage obscurd'Aristote qui prétend que par là on « purge les passions de ce genre ».
Ce n'est pas qu'il ne connût le débat auquelces termes avaient donné lieu et les interprétations multiples qu'on en avait données.
Lui-même avait la sienne quinous est rapportée par Brossette et n'est peut-être ni plus claire ni plus juste que d'autres.
Mais, s'il n'aborde pascette question controversée, il n'en est pas moins certain qu'à la tragédie, comme à tous les autres genres,s'appliquent les théories générales de Boileau, qu'il exige que le poète abonde en nobles sentiments, et parconséquent que s'il touche le coeur, il doit aussi élever l'âme.Exciter la terreur et la pitié, voilà donc la règle fondamentale de la tragédie.
Mais celle-ci a pour effet « de plaire etde toucher ».
Toutes les autres règles, si savamment qu'on les observe, ne peuvent remplacer cette obligation.Le secret est d'abord de plaire et de toucher.C'est aussi l'opinion de Racine qui avait écrit dans la préface de Bérénice (1670)
« La principale règle est de plaire et de toucher.
Toutes les autres ne sont faites que pour parvenir à cette première».
Molière n'était pas d'un autre avis, pour la comédie.
Les froids raisonnements qui endorment le spectateur, dont.
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