analyse
Publié le 08/12/2021
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TEXTE 3 : ROUSSEAU, épisode du ruban volé, Les Confessions, Livre II, 1782
Problématique : Comment Rousseau, à travers ce récit autobiographique, critique la justice ?
I / Une mise en scène théâtrale du récit :
A / Un récit autobiographique :
Tout d'abord, Rousseau nous fait le récit d'un souvenir d'enfance qu'il n'a jamais confié à personne et dont l'évocation le « trouble quelquefois » et le « bouleverse » au point de revoir la scène du « crime comme s'il n'était commis que d'hier ».
L'abondance du pronom personnel sujet « je », du pronom personnel complément « me » et des adjectifs possessifs « ma » (portée, conscience, pensée), « mon » (ton décidé, crime, c?ur, forfait, amitié, intention, repentir, impudence) et « mes » (insomnies, confessions, dispositions intérieures) indiquent clairement au lecteur qu'il s'agit d'un récit dans lequel le narrateur se confond avec l'auteur. La phrase déclarative « la résolution que j'ai prise d'écrire mes confessions » confirme ce projet autobiographique.
B / Un récit narratif :
Par ailleurs, dans la première partie du texte, Rousseau nous livre le récit de l'épisode du ruban volé.
La narration est à l'image d'une scène de théâtre avec l'entrée des deux acteurs principaux, Jean-Jacques adolescent et Marion la cuisinière, et une scène finale où chacun est renvoyé par le juge de la pièce « le comte de la Roque, en nous renvoyant tous deux ».
La narration suit le schéma habituel de la situation initiale où la scène est posée « mademoiselle perdit un petit ruban », « ce seul ruban me tenta », « je le volai », se poursuit par la curiosité des adultes qui vient perturber le récit « on voulut savoir », le face à face entre Jean-Jacques et Marion « je la charge », « elle nie », et le verdict qui vient résoudre la situation « dans le tracas où l'on était, on ne se donna pas le temps d'approfondir la chose?en nous renvoyant tous deux ». La situation finale est exposée telle la morale d'une fable « la conscience du coupable vengerait assez l'innocent ».
L'emploi des différents temps de la narration, tels le présent « je me trouble », « je balbutie », « je dis », « elle arrive », « je la charge », « elle reste interdite », « elle nie, m'apostrophe, m'exhorte », « je confirme » ; l'imparfait « étaient à ma portée », « je ne le cachais guère », « où je l'avais pris », « Marion était une jeune », « était jolie », « elle avait », « il ne semblait pas naturel » ; et le passé simple « ce ruban seul le tenta », « je le volai », « on me le trouva », « on voulut », « on la fit venir », « on ne parut pas » donne un côté vivant à cette scène.
C / Un récit dynamique :
Enfin, le récit est construit sur un rythme dynamique. La ponctuation est présente en abondance, les phrases sont courtes, juxtaposées avec des points-virgules et ont une construction binaire ou ternaire « me tenta, je le volai ; je ne le cachais guère, on me le trouva », « elle arrive, on lui montre le ruban : je la charge effrontément ; elle reste interdite, se tait, me jette un regard ».
Le rythme est donc rapide malgré une pause lorsque l'auteur opère la description de Marion après l'avoir accusée du vol du ruban « je dis, en rougissant, que c'est Marion qui me l'a donné. Marion était une jeune Mauriennoise dont? ».
II / Le procès de Jean-Jacques enfant :
A / Un semblant de cour de justice :
Tout d'abord, la narration que Rousseau adulte nous fait de l'anecdote du vol de ruban par Jean-Jacques enfant peut s'interpréter comme une scène de tribunal qui se composerait d'un interrogatoire « on voulut savoir » avec l'emploi du pronom indéfini « on » représentatif du monde des adultes, d'une accusation « c'est Marion qui me l'a donné » qui surprend « l'assemblée?nombreuse », d'une confrontation « je la charge effrontément », « elle nie », « je confirme ma déclaration », elle « ne me dit que ces mots? », de la réaction de l'auditoire « supposer », « préjugés » pour se terminer sur un verdict « la conscience du coupable vengerait assez l'innocent ».
Cette petite scène de tribunal comprend tous les rôles caractéristiques des procès. On y retrouve, en effet, un accusateur (le jeune Jean-Jacques, d'abord soupçonné, devient l'accusateur), une accusée (Marion), un juge chargé de prononcer le verdict (le comte de la Roque) et un petit groupe de gens anonymes qui semblent faire office de jurés.
Par ailleurs, tout le texte recèle d'un abondant champ lexical de la justice où cet épisode du ruban volé est perçu comme un « souvenir cruel » qui vient encore hanter les nuits de Rousseau. Le vocabulaire est hyperbolique pour évoquer le vol, il le compare à un « crime », « une action atroce », « un poids ». L'auteur ressent une culpabilité très forte qu'il n'a jamais pu confesser « je n'ai jamais pu prendre sur moi de décharger mon c?ur de cet aveu » et qu'il va « délivrer » par l'écriture.
B / Un autoportrait péjoratif :
Dans un second temps, l'auteur nous dresse un portrait de lui délibérément noirci. Dans le but d'apaiser sa mauvaise conscience en avouant son « forfait », Rousseau se présente comme un adolescent coupable de calomnie, délibérée et répétée « je confirme ma déclaration », « lui soutint en face ». Cette accusation qu'il maintient à l'encontre de Marion n'est que le résultat de sa crainte ultime de vivre la honte devant les adultes et « 'être reconnu, déclaré publiquement, ?, voleur, menteur, calomniateur ».
Par ailleurs, le narrateur Rousseau condamne avec virulence le jeune Jean-Jacques. Il utilise le champ lexical de l'abjection et se présente comme un être dépourvu de conscience morale « effrontément », « aurait désarmé les démons », « mon barbare c?ur », « une impudence infernale », « une audace aussi diabolique ». Ces mots, très fortement péjoratifs, font du jeune Jean-Jacques un véritable « démon », un être « diabolique ».
C / Le plaidoyer de Marion :
Enfin, cette mise en scène du procès met en lumière le plaidoyer de Marion présentée comme une jeune fille « angélique » (à l'inverse de l'adolescent « diabolique »). Dans la confrontation avec son accusateur, elle fait preuve de calme, de réserve et de modestie « elle reste interdite, se tait, me jette un regard? ».
Elle réagit à la calomnie dont elle est victime, certes « avec assurance, mais sans emportement ». Le plaidoyer de Marion reste donc très courtois car elle refuse de se montrer agressive ou violente, gardant son « angélique douceur » et sa « modération ».
Une phrase exclamative au style direct est reprise pour donner du rythme à sa défense et démontrer l'intelligente finesse de la domestique « Ah ! Rousseau, je vous croyais bon caractère. Vous me rendez bien malheureuse, mais je ne voudrais pas être à votre place ».
Elle perçoit ce que le jeune vit intérieurement, sa honte que lui-même éprouve comme un sentiment insupportable « l'invincible honte l'emporta sur tout ».
III / Le procès des adultes par Rousseau :
A / Une minimisation du délit :
Dans un premier temps, Rousseau nous présente ce vol comme étant un « crime » pour le réduire ensuite à un fait entièrement banal lorsqu'il l'évoque dans ses Confessions avec le recul de l'adulte. Tout d'abord, l'objet du vol est pour ainsi dire insignifiant, ce n'est qu'« un petit ruban ?déjà vieux ». Rousseau souligne donc le peu de valeur de cet objet et le fait qu'il aurait pu dérober des objets d'une plus grande importance « beaucoup d'autres meilleures choses étaient à ma portée ».
Rousseau se trouve d'autres circonstances atténuantes : il régnait de la « confusion dans la maison » à cause de cette « dissolution du ménage », il ne souhaitait pas non plus cacher le ruban « je ne le cachais guère ».
Par ailleurs, Rousseau élabore une justification du délit, souhaite l'expliquer pour répondre totalement à son entreprise autobiographique « si je n'exposais en même temps mes dispositions intérieures ». Cette volonté d'éclaircir ses sentiments ont pour but de le disculper car « jamais la méchanceté ne fut plus loin de moi que dans ce cruel moment ». Rousseau n'avait donc pas l'intention de faire de mal à Marion. Il utilise à ce titre un champ lexical du bien « amitié », « s'offrit », « mon intention était de le lui donner », « mon c?ur ».
Enfin, sa faute est minimisée car tout se passe comme si le jeune Jean-Jacques n'avait pas eu le temps de prendre conscience de l'horreur de son acte, tout se déroule trop vite donnant au lecteur l'impression que l'auteur est emporté par les événements, happé par la spirale du mensonge « si l'on m'eût laissé revenir à moi-même, j'aurais infailliblement tout déclaré ». Jamais l'auteur n'a le temps de « rentrer en lui-même » comme le lui demande Marion.
B / Le discrédit jeté sur les adultes :
Dans un second temps, l'auteur dénonce la société des adultes qu'il rend aussi coupable que lui. Le jeune adolescent doit s'expliquer devant une « assemblée » qui ne fait que l' « intimider » plutôt que lui « donner du courage ». Sa honte est telle qu'il se réfugie dans le mensonge. Sa peur des gens qui l'entourent « mais la présence de tant de monde » et les méthodes de l'interrogatoire par le comte l'ont poussé au mensonge au lieu de l'aider à avouer « si M de la Roque m'eût pris à part ». C'est parce qu'il est effrayé par la stratégie d'intimidation du comte et de son entourage, parce qu'il se retrouve interrogé dans une atmosphère oppressante que l'adolescent est amené à mentir « je ne voyais que l'horreur d'être reconnu ».
Les adultes ne semblent pas réceptifs à ses émotions, notamment la honte qui pourrait envahir lors d'un aveu public. C'est ce sentiment trop grave aux yeux de l'adolescent, qui l'angoisse excessivement « m'enfoncer, m'étouffer dans le centre de la terre », « effroi », « horreur », « trouble » et qui l'empêche d'avouer « l'invincible honte l'emporta sur tout », « je la craignais plus?tout au monde ».
Ainsi, les adultes sont tout aussi responsables de ce qu'ils n'ont pas fait.
C / Le lecteur, juge de Rousseau :
Pour finir, Rousseau laisse le lecteur juge de sa situation. Rousseau pose les conditions qui auraient permis d'éviter le délit. Il utilise pour cela le subjonctif passé, mode de l'irréel, pour décrire une réalité virtuelle qui n'a jamais pu advenir, mais que le lecteur doit penser sincère « eût laissé », « eût pris à part », « eût dit ».
L'emploi du conditionnel « j'aurais », « je me serais jeté à ses pieds » et du champ lexical de la certitude « infailliblement », « parfaitement sûr » rajoutent à cette sincérité que Rousseau veut susciter à son lecteur.
Enfin, il espère que le lecteur saura accorder au sentiment de honte une importance tout aussi singulière que celle qu'il ressentait lorsqu'il était enfant. C'est dans cet objectif que Rousseau accentue sa défense dans un passage sur la honte qu'il personnifie « l'invincible honte » et qu'il dépeint en ayant recours à des procédés hyperboliques d'amplification « plus que la mort, plus que le crime, plus que tout au monde », « reconnu, déclaré publiquement, moi présent », « voleur, menteur, calomniateur » et à un champ lexical de l'universel « plus que tout au monde », « l'emporta sur tout », « un trouble universel ».
Le rythme de ce passage est tantôt binaire, tantôt ternaire pour valoriser la charge émotionnelle qu'il ressent « je craignais peu?je ne craignais que?mais je la craignais plus que la mort, plus que le crime, plus que tout au monde », « m'enfoncer, m'étouffer », « l'invincible honte?la honte seule », « plus je devenais?plus l'effroi », « si l'on m'eût laissé?si M de la Roque ».
TEXTE 3 : ROUSSEAU, épisode du ruban volé, Les Confessions, Livre II, 1782
Problématique : Comment Rousseau, à travers ce récit autobiographique, critique la justice ?
I / Une mise en scène théâtrale du récit :
A / Un récit autobiographique :
Tout d'abord, Rousseau nous fait le récit d'un souvenir d'enfance qu'il n'a jamais confié à personne et dont l'évocation le « trouble quelquefois » et le « bouleverse » au point de revoir la scène du « crime comme s'il n'était commis que d'hier ».
L'abondance du pronom personnel sujet « je », du pronom personnel complément « me » et des adjectifs possessifs « ma » (portée, conscience, pensée), « mon » (ton décidé, crime, c?ur, forfait, amitié, intention, repentir, impudence) et « mes » (insomnies, confessions, dispositions intérieures) indiquent clairement au lecteur qu'il s'agit d'un récit dans lequel le narrateur se confond avec l'auteur. La phrase déclarative « la résolution que j'ai prise d'écrire mes confessions » confirme ce projet autobiographique.
B / Un récit narratif :
Par ailleurs, dans la première partie du texte, Rousseau nous livre le récit de l'épisode du ruban volé.
La narration est à l'image d'une scène de théâtre avec l'entrée des deux acteurs principaux, Jean-Jacques adolescent et Marion la cuisinière, et une scène finale où chacun est renvoyé par le juge de la pièce « le comte de la Roque, en nous renvoyant tous deux ».
La narration suit le schéma habituel de la situation initiale où la scène est posée « mademoiselle perdit un petit ruban », « ce seul ruban me tenta », « je le volai », se poursuit par la curiosité des adultes qui vient perturber le récit « on voulut savoir », le face à face entre Jean-Jacques et Marion « je la charge », « elle nie », et le verdict qui vient résoudre la situation « dans le tracas où l'on était, on ne se donna pas le temps d'approfondir la chose?en nous renvoyant tous deux ». La situation finale est exposée telle la morale d'une fable « la conscience du coupable vengerait assez l'innocent ».
L'emploi des différents temps de la narration, tels le présent « je me trouble », « je balbutie », « je dis », « elle arrive », « je la charge », « elle reste interdite », « elle nie, m'apostrophe, m'exhorte », « je confirme » ; l'imparfait « étaient à ma portée », « je ne le cachais guère », « où je l'avais pris », « Marion était une jeune », « était jolie », « elle avait », « il ne semblait pas naturel » ; et le passé simple « ce ruban seul le tenta », « je le volai », « on me le trouva », « on voulut », « on la fit venir », « on ne parut pas » donne un côté vivant à cette scène.
C / Un récit dynamique :
Enfin, le récit est construit sur un rythme dynamique. La ponctuation est présente en abondance, les phrases sont courtes, juxtaposées avec des points-virgules et ont une construction binaire ou ternaire « me tenta, je le volai ; je ne le cachais guère, on me le trouva », « elle arrive, on lui montre le ruban : je la charge effrontément ; elle reste interdite, se tait, me jette un regard ».
Le rythme est donc rapide malgré une pause lorsque l'auteur opère la description de Marion après l'avoir accusée du vol du ruban « je dis, en rougissant, que c'est Marion qui me l'a donné. Marion était une jeune Mauriennoise dont? ».
II / Le procès de Jean-Jacques enfant :
A / Un semblant de cour de justice :
Tout d'abord, la narration que Rousseau adulte nous fait de l'anecdote du vol de ruban par Jean-Jacques enfant peut s'interpréter comme une scène de tribunal qui se composerait d'un interrogatoire « on voulut savoir » avec l'emploi du pronom indéfini « on » représentatif du monde des adultes, d'une accusation « c'est Marion qui me l'a donné » qui surprend « l'assemblée?nombreuse », d'une confrontation « je la charge effrontément », « elle nie », « je confirme ma déclaration », elle « ne me dit que ces mots? », de la réaction de l'auditoire « supposer », « préjugés » pour se terminer sur un verdict « la conscience du coupable vengerait assez l'innocent ».
Cette petite scène de tribunal comprend tous les rôles caractéristiques des procès. On y retrouve, en effet, un accusateur (le jeune Jean-Jacques, d'abord soupçonné, devient l'accusateur), une accusée (Marion), un juge chargé de prononcer le verdict (le comte de la Roque) et un petit groupe de gens anonymes qui semblent faire office de jurés.
Par ailleurs, tout le texte recèle d'un abondant champ lexical de la justice où cet épisode du ruban volé est perçu comme un « souvenir cruel » qui vient encore hanter les nuits de Rousseau. Le vocabulaire est hyperbolique pour évoquer le vol, il le compare à un « crime », « une action atroce », « un poids ». L'auteur ressent une culpabilité très forte qu'il n'a jamais pu confesser « je n'ai jamais pu prendre sur moi de décharger mon c?ur de cet aveu » et qu'il va « délivrer » par l'écriture.
B / Un autoportrait péjoratif :
Dans un second temps, l'auteur nous dresse un portrait de lui délibérément noirci. Dans le but d'apaiser sa mauvaise conscience en avouant son « forfait », Rousseau se présente comme un adolescent coupable de calomnie, délibérée et répétée « je confirme ma déclaration », « lui soutint en face ». Cette accusation qu'il maintient à l'encontre de Marion n'est que le résultat de sa crainte ultime de vivre la honte devant les adultes et « 'être reconnu, déclaré publiquement, ?, voleur, menteur, calomniateur ».
Par ailleurs, le narrateur Rousseau condamne avec virulence le jeune Jean-Jacques. Il utilise le champ lexical de l'abjection et se présente comme un être dépourvu de conscience morale « effrontément », « aurait désarmé les démons », « mon barbare c?ur », « une impudence infernale », « une audace aussi diabolique ». Ces mots, très fortement péjoratifs, font du jeune Jean-Jacques un véritable « démon », un être « diabolique ».
C / Le plaidoyer de Marion :
Enfin, cette mise en scène du procès met en lumière le plaidoyer de Marion présentée comme une jeune fille « angélique » (à l'inverse de l'adolescent « diabolique »). Dans la confrontation avec son accusateur, elle fait preuve de calme, de réserve et de modestie « elle reste interdite, se tait, me jette un regard? ».
Elle réagit à la calomnie dont elle est victime, certes « avec assurance, mais sans emportement ». Le plaidoyer de Marion reste donc très courtois car elle refuse de se montrer agressive ou violente, gardant son « angélique douceur » et sa « modération ».
Une phrase exclamative au style direct est reprise pour donner du rythme à sa défense et démontrer l'intelligente finesse de la domestique « Ah ! Rousseau, je vous croyais bon caractère. Vous me rendez bien malheureuse, mais je ne voudrais pas être à votre place ».
Elle perçoit ce que le jeune vit intérieurement, sa honte que lui-même éprouve comme un sentiment insupportable « l'invincible honte l'emporta sur tout ».
III / Le procès des adultes par Rousseau :
A / Une minimisation du délit :
Dans un premier temps, Rousseau nous présente ce vol comme étant un « crime » pour le réduire ensuite à un fait entièrement banal lorsqu'il l'évoque dans ses Confessions avec le recul de l'adulte. Tout d'abord, l'objet du vol est pour ainsi dire insignifiant, ce n'est qu'« un petit ruban ?déjà vieux ». Rousseau souligne donc le peu de valeur de cet objet et le fait qu'il aurait pu dérober des objets d'une plus grande importance « beaucoup d'autres meilleures choses étaient à ma portée ».
Rousseau se trouve d'autres circonstances atténuantes : il régnait de la « confusion dans la maison » à cause de cette « dissolution du ménage », il ne souhaitait pas non plus cacher le ruban « je ne le cachais guère ».
Par ailleurs, Rousseau élabore une justification du délit, souhaite l'expliquer pour répondre totalement à son entreprise autobiographique « si je n'exposais en même temps mes dispositions intérieures ». Cette volonté d'éclaircir ses sentiments ont pour but de le disculper car « jamais la méchanceté ne fut plus loin de moi que dans ce cruel moment ». Rousseau n'avait donc pas l'intention de faire de mal à Marion. Il utilise à ce titre un champ lexical du bien « amitié », « s'offrit », « mon intention était de le lui donner », « mon c?ur ».
Enfin, sa faute est minimisée car tout se passe comme si le jeune Jean-Jacques n'avait pas eu le temps de prendre conscience de l'horreur de son acte, tout se déroule trop vite donnant au lecteur l'impression que l'auteur est emporté par les événements, happé par la spirale du mensonge « si l'on m'eût laissé revenir à moi-même, j'aurais infailliblement tout déclaré ». Jamais l'auteur n'a le temps de « rentrer en lui-même » comme le lui demande Marion.
B / Le discrédit jeté sur les adultes :
Dans un second temps, l'auteur dénonce la société des adultes qu'il rend aussi coupable que lui. Le jeune adolescent doit s'expliquer devant une « assemblée » qui ne fait que l' « intimider » plutôt que lui « donner du courage ». Sa honte est telle qu'il se réfugie dans le mensonge. Sa peur des gens qui l'entourent « mais la présence de tant de monde » et les méthodes de l'interrogatoire par le comte l'ont poussé au mensonge au lieu de l'aider à avouer « si M de la Roque m'eût pris à part ». C'est parce qu'il est effrayé par la stratégie d'intimidation du comte et de son entourage, parce qu'il se retrouve interrogé dans une atmosphère oppressante que l'adolescent est amené à mentir « je ne voyais que l'horreur d'être reconnu ».
Les adultes ne semblent pas réceptifs à ses émotions, notamment la honte qui pourrait envahir lors d'un aveu public. C'est ce sentiment trop grave aux yeux de l'adolescent, qui l'angoisse excessivement « m'enfoncer, m'étouffer dans le centre de la terre », « effroi », « horreur », « trouble » et qui l'empêche d'avouer « l'invincible honte l'emporta sur tout », « je la craignais plus?tout au monde ».
Ainsi, les adultes sont tout aussi responsables de ce qu'ils n'ont pas fait.
C / Le lecteur, juge de Rousseau :
Pour finir, Rousseau laisse le lecteur juge de sa situation. Rousseau pose les conditions qui auraient permis d'éviter le délit. Il utilise pour cela le subjonctif passé, mode de l'irréel, pour décrire une réalité virtuelle qui n'a jamais pu advenir, mais que le lecteur doit penser sincère « eût laissé », « eût pris à part », « eût dit ».
L'emploi du conditionnel « j'aurais », « je me serais jeté à ses pieds » et du champ lexical de la certitude « infailliblement », « parfaitement sûr » rajoutent à cette sincérité que Rousseau veut susciter à son lecteur.
Enfin, il espère que le lecteur saura accorder au sentiment de honte une importance tout aussi singulière que celle qu'il ressentait lorsqu'il était enfant. C'est dans cet objectif que Rousseau accentue sa défense dans un passage sur la honte qu'il personnifie « l'invincible honte » et qu'il dépeint en ayant recours à des procédés hyperboliques d'amplification « plus que la mort, plus que le crime, plus que tout au monde », « reconnu, déclaré publiquement, moi présent », « voleur, menteur, calomniateur » et à un champ lexical de l'universel « plus que tout au monde », « l'emporta sur tout », « un trouble universel ».
Le rythme de ce passage est tantôt binaire, tantôt ternaire pour valoriser la charge émotionnelle qu'il ressent « je craignais peu?je ne craignais que?mais je la craignais plus que la mort, plus que le crime, plus que tout au monde », « m'enfoncer, m'étouffer », « l'invincible honte?la honte seule », « plus je devenais?plus l'effroi », « si l'on m'eût laissé?si M de la Roque ».
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