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Alors Laurent se leva et prit Camille à bras-le corps. Emile Zola, Thérèse Raquin

Publié le 23/05/2020

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« Alors Laurent se leva et prit Camille à bras­le corps. Le commis  éclata de rire.     ­ Ah   ! non, tu me chatouilles, dit­il, pas de ces plai­ santeries­l à… Voyons, finis   : tu vas me faire tomber.       Laurent serra plus fort, donna une secousse. Camille  se tourna et vit la figure effrayante de son ami, toute  convulsionn ée. Il ne comprit pas   ; une  épouvante vague  le saisit. Il voulut crier, et sentit une main rude qui le serrait  à la gorge. Avec l’instinct d’une b ête qui se  d éfend, il se dressa sur les genoux, se cramponnant au   bord de la barque. Il lutta ainsi pendant quelques  secondes.     ­Th érèse   ! Th érèse   ! appela­t­il d’une voix  étouff ée et sifflante. La jeune femme regardait, se tenant des deux mains  à un banc du canot qui craquait et dansait sur la rivi ère.  Elle ne pouvait fermer les yeux   ; une effrayante contrac­ tion les tenait grands ouverts, fix és sur le spectacle horri­ ble de la lutte. Elle  était rigide, muette.     ­Th érèse   ! Th érèse   ! appela de nouveau le malheu­ reux qui r âlait.     A ce dernier appel, Th érèse  éclata en sanglots. Ses  nerfs se d étendaient. La crise qu’elle redoutait la jeta  toute fr émissante au fond de la barque. Elle y resta pli ée,  p âmée, morte.     Laurent secouait toujours Camille, en le serrant d’une  main  à la gorge. Il finit par l’arracher de la barque  à  l’aide de son autre main. Il le tenait en l’air, ainsi qu’un  enfant, au bout de ses bras vigoureux. Comme il pen­ chait la t ête, d écouvrant le cou, sa victime, folle de rage  et d’ épouvante, se tordit, avan ça les dents et les enfon ça  dans ce cou. Et lorsque le meurtrier, retenant un cri de souffrance, lan ça brusquement le commis  à la rivi ère, les dents de celui­ci lui emport èrent un morceau de chair.     Camille tomba en poussant un hurlement. Il revint  deux ou trois fois sur l’eau, jetant des cris de plus en  plus sourds.     Laurent ne perdit pas une seconde. Il releva le collet de son paletot pour cacher sa blessure. Puis il saisit entre ses bras Th érèse  évanouie, fit chavirer  le canot  d’un coup de pied, et se laissa tomber dans la Seine  en tenant sa ma îtresse. Emile Zola,  Th érèse Raquin , 1867.. »

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