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Allemagne 1991-1992La facture de l'unification

Publié le 10/09/2020

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Pays de l'Europe centrale, divisé de 1949 à 1990, en deux États, la république fédérale d'Allemagne et la République démocratique allemande ; capitale Berlin. • Préhistoire • L'âge du bronze • Celtes et Germains. L'âge du fer • De la Germanie aux Carolingiens • Empereurs saxons, franciscains et dynastie des Hohenstaufen • La civilisation des villes (1254/1517). Les Habsbourg • De la Réforme à l'abdication de Charles Quint (1517/56) • De la Contre-Réforme aux ravages de la guerre de Trente Ans (1556/1648) • L'avènement de la Prusse (1648/1740) • L'Allemagne de l'Aufklärung (1740/86) • L'Allemagne et la Révolution française • De la Sainte-Alliance au Zollverein (1815/48) • Rôle de l'économie • De la crise de 1848 à l'unité allemande (1848/71) • L'Allemagne impériale wilhelmienne • L'Allemagne dans la Première Guerre mondiale (1914/18) • De la révolution de novembre 1918 à la crise de 1923 • « L'année inhumaine » • La fin du régime de Weimar (1924/33) • Établissement du régime national-socialiste • La politique étrangère de Hitler • L'annexion de l'Autriche et le démembrement de la Tchécoslovaquie • Le pacte germano-soviétique • La guerre totale • Vers le partage de l'Allemagne (1945/49) • La République fédérale d'Allemagne • L'Allemagne de l'Est • L'Allemagne réunifiée Préhistoire C'est en Allemagne, dans l'Odenwald (Bade-Wurtemberg), qu'on a découvert un des plus anciens fossiles humains d'Europe, l'homme de Mauer, appelé parfois homme de Heidelberg, qui ne peut être comparé qu'à Homo erectus et aux prénéandertaliens ; il aurait vécu il y a près de 700 000 ans. De nombreux gisements du paléolithique inférieur et moyen y ont été découverts. L'homme de Néandertal, qui a vécu en Europe de la fin de l'interglaciaire de Mindel-Riss (vers - 300000) au milieu de la glaciation de Würm (vers - 50000), a son gisement éponyme en Rhénanie, près de Düsseldorf. Le paléolithique supérieur est également bien représenté en Allemagne du Nord, dans le Jura souabe et la Bavière. Dans la vallée du Rhin (Cologne-Lindenthal) au Wurtemberg (Lauterach et Goldberg) et dans le pays de Bade (culture de Michelsberg), ont été découverts de nombreux témoins du néolithique. De l'époque mégalithique subsistent plusieurs gisements, surtout des dolmens, en Prusse-Occidentale, au Mecklembourg, dans les régions de Magdebourg et de Zwickau (Thuringe), ainsi que dans le Hanovre et la Westphalie du Nord. L'âge du bronze L'Allemagne de l'Ouest et du Sud, du Rhin à l'Elbe, du Danube à la Bohême, allait être le principal creuset où se sont rencontrés, affrontés et mêlés les peuples de l'âge du bronze. À la veille de l'épanouissement du travail du métal, on y trouve des traces nombreuses des civilisations marquées par la céramique cordée (v.) et la céramique campaniforme (v.). Au bronze ancien, la civilisation bohémienne d'Unetice a rayonné sur la Basse-Autriche, la Thuringe, la Saxe et la Silésie. Une vie d'échanges s'est développée, des rives de la Baltique à la Méditerranée, dont témoignent les dépôts de lingots et d'armes de bronze, ainsi que la présence de produits (notamment des coquillages) venus de Méditerranée. 000200000CF700000C40 CF1,La période du bronze moyen (vers 1500/1100 av. J.-C.) a vu s'épanouir la civilisation des tumulus (Hügelgräberkultur). À partir de son foyer d'Allemagne du Sud, elle a débordé vers la Hesse et l'Allemagne du Nord (région de Lüneburg), où elle s'est mêlée à des éléments nordiques, et, au-delà du Rhin, vers l'Alsace et la France du Nord-Est, puis vers la Franche-Comté et la Bourgogne. Divers auteurs voient, dans le peuple des tumulus, des « Proto-Celtes ». Cependant, au bronze final, vers 1200/1000, alors que le Proche-Orient était bouleversé par une série d'invasions, l'Allemagne connaissait elle aussi, d'importants mouvements de peuples. Une transformation profonde se manifesta dans les rites funéraires ; l'incinération s'est substitué à l'inhumation. Au lieu d'élever des tumulus, on a creusé des tombes, où les cendres des morts avaient été recueillies dans des urnes, d'où le nom de Champs d'urnes (Urnenfelderkultur) donné à celles des nouveaux arrivants, venus de l'Est. Celtes et Germains. L'âge du fer La Haute-Autriche et l'Allemagne du Sud ont été au centre de la première civilisation de l'âge du fer en Europe centrale, celle de Hallstatt, dont on fixe les débuts vers le VIIIe s. avant notre ère. Dans une large mesure, la civilisation hallstattienne a été celtique (v. CELTES). La civilisation de La Tène (v.), qui a succédé à celle de Hallstatt, l'est incontestablement. Cette suprématie celtique en Allemagne fut ébranlée, au cours du IIIe s. avant notre ère, par l'agitation des peuplades mal connues et auxquelles les Romains ont donné le nom de Germains. (v. GERMANIE et INVASIONS GERMANIQUES.) De la Germanie aux Carolingiens Dès le début de la guerre des Gaules, César s'efforça d'établir sur le Rhin une frontière militaire (58 av. J.C.) et fit même deux incursions au-delà du Rhin (55/53). Au temps d'Auguste, les Romains tentèrent la conquête de toute la Germanie jusqu'à l'Elbe, mais la défaite de Varus dans la forêt de Teutoburg (9 apr. J.-C.) les força à limiter les frontières de l'Empire au Danube et au Rhin, jusqu'à la mer. Au cours des migrations qui se succédèrent du IIIe au VIe s. apparurent, avec leurs particularités, divers grands peuples germaniques. Certains, comme les Vandales et les Burgondes, pénétrèrent profondément en Gaule et au-delà, tandis que d'autres s'installaient dans les régions du nord de la Gaule, du Rhin et du Danube : les Francs, les Alamans, les Bavarois, les Frisons, les Saxons. Les migrations firent naître un nouvel ordre politique romano-germanique à l'intérieur duquel se constitua la puissance mérovingienne. Avec Clovis et ses successeurs, elle s'efforça d'imposer son autorité en Alémanie, en Bavière et en Thuringe. À partir du VIIIe s., les Carolingiens, et surtout Charlemagne, poursuivirent ce mouvement par la soumission des Saxons et des Frisons (v. FRANCS, peuple et Empire). Ces conquêtes s'accompagnèrent d'une évangélisation de l'Allemagne, menée par la prédication des moines bénédictins dont le plus célèbre fut st Boniface, et par l'emploi de la violence. Cependant, toutes les régions à l'E. de l'Elbe, de la Saale et des monts de Bohême se trouvaient désormais occupées par des peuples slaves : la poussée vers l'E., le Drang nach Osten, se dessinait donc déjà comme un des futurs impératifs de l'histoire allemande. 000200000DB700001931 DB1,L'empire de Charlemagne fut démembré dès 843, au traité de Verdun : Louis le Germanique reçut la Francia orientalis s'étendant à l'E. du Rhin, Charles le Chauve prit la Francia occidentalis située à l'O. de l'Escaut, de la Meuse, du Rhin et de la Saône, Lothaire se vit attribuer le territoire situé entre ceux de ses frères, de la mer du Nord à l'Italie, territoire partagé à sa mort entre ses deux frères par le traité de Mersen (870). À la mort de Louis le Germanique (876), son royaume fut divisé entre ses trois fils : à Carloman la Bavière, à Louis la Saxe, à Charles le Gros l'Alémanie. Ce dernier put réunifier l'héritage de son père devenu la Germania, mais il fut déposé en 887. L'unité carolingienne disparaissait pour toujours. Arnoul de Carinthie, neveu de Charles le Gros, lui succéda comme roi de Germanie puis comme empereur en 896. Empereurs saxons, franciscains et dynastie des Hohenstaufen À la mort du fils d'Arnoul, Louis l'Enfant (911), ce ne fut pas un Carolingien qui fut appelé à la dignité royale, mais Conrad duc de Franconie auquel succéda, en 919, Henri l'Oiseleur († 936), qui fonda la dynastie des empereurs saxons. Roi de Germanie, son fils Othon Ier (v.) reçut du pape la couronne impériale (2 févr. 962), confirma le patrimoine de st Pierre et renforça le droit de contrôle sur l'élection du pape donné à Louis le Pieux (824). Le nouvel empire (v. SAINT EMPIRE) se présentait donc comme une renaissance carolingienne, et désormais Othon et ses successeurs allaient être dominés par le souci d'exercer leur tutelle sur la papauté. Othon III (983/1002) qui prétendait être un véritable empereur romain établit même sa capitale à Rome. Conrad II le Salique, roi de Germanie, empereur germanique (1027/39), fut le fondateur de la dynastie franconienne ou salique. Pour combattre la grande féodalité laïque et le haut clergé, il dut s'allier à la petite noblesse et, comme ses prédécesseurs, exerça son autorité sur les évêques et les abbés qui recevaient de l'empereur non seulement leur fief mais aussi le pouvoir spirituel par la remise de la crosse et de l'anneau (v. INVESTITURES, querelle des). Son fils et successeur Henri III le Noir (1039/56) restaura l'autorité impériale en Allemagne et imposa des papes allemands en Italie. Son fils Henri IV (1056/1106) s'opposa au pape Grégoire VII (1073/85) qui fit condamner par le synode romain de 1075 les prétentions des empereurs sur l'investiture des évêques ; la réponse impériale fut le concile de Worms où les évêques allemands déclarèrent le pape déchu (24 janv. 1076). Grégoire VII répliqua par la déposition d'Henri IV qui dut venir s'humilier à Canossa (vers le 25 janv. 1077). La lutte entre la papauté et l'Empire continua sous Henri V jusqu'au concordat de Worms (23 septembre 1122) par lequel l'empereur, acceptant la liberté des élections canoniques, conservait l'investiture temporelle et un droit de regard sur les élections, mais abandonnait au pape l'investiture spirituelle. Avec lui s'éteignit la dynastie franconienne et Lothaire II de Supplinburg lui succéda. Conrad III (1138/52), Frédéric Ier Barberousse (1152/90), Henri VI (1190/97), Philippe (1198/1208), Frédéric II (1212/50), Conrad IV (1250/54) appartenaient à la dynastie des Hohenstaufen (v.). Un siècle de conflit commençait avec Rome qui luttait pour la liberté de l'Église et la primauté du pouvoir spirituel. La lutte du Sacerdoce et de l'Empire (v.) s'acheva avec la mort de Conradin en 1268 qui marqua l'effondrement des Hohenstaufen.

La civilisation des villes (1254/1517). Les Habsbourg Après la mort du dernier Hohenstaufen, Conrad IV (1254), et de son compétiteur, Guillaume de Hollande (1256), l'Empire traversa la crise du Grand Interrègne (1256/73), qui vit, au milieu des élections successives d'empereurs rivaux, l'émancipation des grandes principautés allemandes. Elle se termina par l'élection de Rodolphe de Habsbourg (1273/91), mais le redressement fut très lent. Pour préserver leur indépendance, les princes prenaient soin de n'élire à l'Empire que des candidats sans grande personnalité. Henri VII (1308/13) réussit cependant à ajouter la Bohême à l'Empire (1310). L'élection impériale fut réglée par la Bulle d'or promulguée par Charles IV en 1356 et qui ne faisait plus mention de la consécration pontificale. L'empereur était élu par sept Électeurs : trois princes ecclésiastiques (les archevêques de Mayence, de Cologne et de Trèves) et quatre princes laïques (le roi de Bohême, le comte palatin du Rhin, le duc de Saxe et le margrave de Brandebourg). Ces dispositions devaient rester le fondement légal de l'Empire jusqu'à sa disparition, en 1806. Se sont alors affirmées de puissantes maisons princières telles que les Wittelsbach de Bavière (depuis 1180), les Ascaniens du Brandebourg (1134/1319), les Wettin, devenus landgraves de Thuringe (fin XIIIe s.) et ducs de Saxe (1423), les Habsbourg (ducs d'Autriche depuis 1282), les Hohenzollern enfin, d'abord burgraves de Nuremberg (1191) puis Électeurs de Brandebourg (1415). D'autre part, l'Allemagne entière faisait preuve d'une vitalité remarquable, tant par la colonisation des terres de l'E. (Poméranie, Brandebourg, Prusse, Silésie) que par l'activité économique de ses villes marchandes. La guerre de Cent Ans et la rivalité franco-anglaise profitèrent beaucoup à son commerce. Les XVe et XVIe s. virent l'essor de Nuremberg, de Cologne, d'Augsbourg (les Fugger), le développement de l'industrie minière en Bohême et en Allemagne du Sud. Dès 1143, la fondation de Lübeck avait marqué l'apparition de l'Allemagne dans le commerce de la Baltique. Vers 1350, la Hanse (association des villes portuaires marchandes de la mer du Nord et de la Baltique) avait atteint son apogée, étendant son influence de la Flandre à la Norvège et à la Russie. En 1348, Charles IV fondait à Prague la première université allemande. Pourtant, la fin du XIVe s. vit apparaître une grave menace pour les positions germaniques à l'E., avec l'union de la Pologne et de la Lituanie et l'avènement des Jagellons (1386) : battus à Tannenberg (1410), les Teutoniques perdirent la Poméranie et durent accepter la suzeraineté polonaise sur la Prusse-Orientale (1466). Durant tout le XVe s., une aspiration à la réforme de l'Empire s'est développée en Allemagne. Le temps des interrègnes et des doubles élections était fini : à partir d'Albert II (1438/39), les Habsbourg allaient occuper sans interruption le trône impérial. Rapidement ils ont entraîné l'Allemagne dans des conflits internationaux tout différents de la longue lutte du Sacerdoce et de l'Empire : la rivalité franco-allemande notamment, loin d'être une prétendue donnée naturelle de la politique des deux pays, ne sera qu'une conséquence de l'héritage bourguignon de Maximilien Ier (1493/1519). 000200000D36000033AB D30,La France se trouvait ainsi encerclée par les Habsbourg (v.), et un long conflit commençait, qui allait durer près de trois siècles, et dans lequel l'Allemagne se trouva entraînée comme malgré elle, par les intérêts héréditaires de ses empereurs. De la Réforme à l'abdication de Charles Quint (1517/56) Conscients de la grandeur de leur passé impérial, mais pour l'heure politiquement impuissants, les Allemands se sont livrés avec passion aux discussions religieuses : l'humanisme allemand prit un caractère théologique et exégétique tout à fait particulier, à l'heure même où grandissait un profond mécontentement populaire contre la cour de Rome. En effet, alors que les pays possédant une forte autorité royale centralisée, comme la France, l'Angleterre, l'Espagne, avaient su se préserver, dès le XIVe s., des prétentions théocratiques de la papauté, l'Allemagne se voyait livrée aux excès de la fiscalité romaine. Aux séances de la diète, les plaintes contre Rome étaient incessantes. Il allait suffire de la maladroite campagne des indulgences (v.) pour que retentît dans une grande partie de l'Allemagne le cri de l'indépendance nationale : « Los von Rom ! » (« Séparons-nous de Rome ! »). Le 34 oct. 1517, le moine Augustin Martin Luther, professeur de théologie, affichait à Wittenberg ses quatre-vingt-quinze thèses contre les indulgences, qui eurent aussitôt un immense retentissement en Allemagne. La révolte de Luther déclencha un appel « à la noblesse chrétienne de nation allemande » pour l'exhorter à renverser les autorités ecclésiastiques et à confisquer les biens de l'Église. Conduits par Franz von Sickingen, les nobles pauvres de l'Allemagne du Sud se jetèrent sur les villes et les monastères (1523), tandis que la révolution religieuse dégénérait en révolution sociale avec la guerre des Paysans (1524/25) et le mouvement anabaptiste (v.). Devant le danger, les princes s'unirent pour écraser les paysans, que Luther avait désavoués. Le protestantisme se répandit rapidement, pour des raisons autant sociales que religieuses : les princes y trouvaient l'avantage de séculariser les biens ecclésiastiques, les villes de s'émanciper de leurs évêques. Mais l'Allemagne devait compter avec un empereur catholique qui était en même temps roi d'Espagne et ne pouvait prendre qu'une position antiprotestante, Charles Quint (v.). Celui-ci s'était engagé en 1519 à respecter les libertés germaniques, mais il espérait bien abattre la Réforme et affirmer sur l'Allemagne son autorité. L'édit de Worms (25 mai 1521) mit Luther au ban de l'Empire, et l'empereur prétendit interdire aux princes allemands de régler à leur guise les affaires religieuses, ce qui provoqua la « protestation » des princes, d'où le nom de protestants. À la diète d'Augsbourg (25 juin 1530), les protestants formulèrent leur foi par la Confession d'Augsbourg, rejetée par les théologiens catholiques. Les princes luthériens répondirent par la ligue de Smalkalde. Une guerre civile s'ensuivit (1546/47) où l'empereur fut victorieux. Mais Charles Quint ne put en tirer profit et la paix d'Augsbourg (25 sept. 1555) consacrait la division religieuse de l'Allemagne. La liberté de conscience était tempérée par la possibilité laissée aux princes d'imposer leur religion à leurs sujets, en vertu du principe cujus regio, ejus religio (« telle la religion du prince, telle celle du pays »).

De la Contre-Réforme aux ravages de la guerre de Trente Ans (1556/1648) L'abdication de Charles Quint mit fin au rêve de l'Empire multinational : tandis que Philippe II recevait l'Espagne, son frère, Ferdinand Ier (1556/64), prenait le titre d'empereur en ne régnant que sur l'Allemagne. Dès cette époque, la majorité des Allemands s'étaient ralliés au protestantisme, mais les Habsbourg et les Wittelsbach de Bavière se firent, avec l'aide des jésuites, les champions d'une Contre-Réforme qui ramena au catholicisme la plus grande partie de l'Allemagne méridionale. La Réforme laissait l'Allemagne profondément divisée et le pouvoir impérial très affaibli. Ferdinand Ier et Maximilien II (1564/76), presque entièrement absorbés par la lutte contre les Turcs, se montrèrent fort tolérants, mais, avec Rodolphe II (1576/1612), la Contre-Réforme fut menée énergiquement. Elle trouva un adversaire résolu dans l'Électeur palatin, qui forma en 1608 l'Union évangélique, à laquelle répliqua l'année suivante la Ligue catholique, dirigée par Maximilien de Bavière. À la suite des troubles de Bohême, ce conflit provoqua, en 1618, la terrible guerre de Trente Ans (v. TRENTE ANS, guerre de), au cours de laquelle les armées étrangères, danoise, suédoise, française, livrèrent bataille aux Impériaux au cœur de l'Allemagne, pillée et saignée par la soldatesque. Les traités de Westphalie (1648) consacrèrent la ruine politique de l'Allemagne : les rivages de la Baltique passaient sous la domination suédoise ; la France faisait reculer le germanisme en Lorraine et en Alsace ; l'émiettement politique de l'Allemagne fut porté à son comble par la diplomatie de Mazarin, héritier de Richelieu ; pendant plus d'un siècle, l'Allemagne allait rester le théâtre de l'affrontement entre la France et la maison d'Autriche. L'avènement de la Prusse (1648/1740) Du fait des traités de Westphalie, l'autorité de l'empereur, en dehors de ses États héréditaires, était pratiquement réduite à rien ; le nombre des Électeurs avait été porté à huit et leur pouvoir augmenté ; dès 1663, la diète siégeait en permanence à Ratisbonne. L'Allemagne, morcelée en quelque 2 000 enclaves, était passée en fait sous la tutelle déguisée de la France, qui inspirait, en 1658, la fondation de la ligue du Rhin par laquelle les trois Électeurs ecclésiastiques, le duc de Bavière, les princes de Brunswick et de Hesse se plaçaient en quelque sorte sous le protectorat français. Une puissance nouvelle avait pourtant commencé de s'affirmer durant la guerre de Trente Ans : l'État prussien. Depuis 1618, en effet, l'électorat de Brandebourg et le duché de Prusse étaient unis sous un seul prince, Georges-Guillaume Hohenzollern (1618/40). Frédéric-Guillaume (1640/88), dit le Grand Électeur, lui succéda et fut le véritable fondateur de l'État prussien en créant une monarchie absolutiste et en forgeant une armée qui fut rapidement une des premières d'Europe. Son fils Frédéric III (1688/1713) sut se faire reconnaître « roi en Prusse » par l'empereur Léopold Ier et se fit couronner sous le nom de Frédéric Ier le 18 janvier 1701. Son fils, Frédéric-Guillaume Ier (1713/40), dit le Roi-Sergent, poursuivit son œuvre ; comme ses père et grand-père il installa de nouveaux colons pour développer l'agriculture et l'armée fut l'objet de toute son attention. 000200000ECC00004DD2 EC6,Tandis que se constituait, au N., la puissance des Hohenzollern, l'Allemagne rhénane était un des enjeux de la politique conquérante de Louis XIV : au nom des « réunions » (v.), la France annexa, à partir de 1679 divers territoires de l'Empire. Ces annexions effectuées en pleine paix suscitèrent une vaste coalition contre la France, la ligue d'Augsbourg (1686) ; Louis XIV envahit le Palatinat et la région rhénane, qui furent systématiquement dévastés (1689) ; mais cette agression dressa contre lui-même les princes protestants, alliés traditionnels de la France. La paix de Ryswick (1697) et les traités d'Utrecht-Rastatt-Baden (1713/14), qui terminèrent la guerre de la Succession d'Espagne, permirent à la France de ne garder définitivement que Strasbourg. L'empereur, toujours accaparé par la guerre contre les Turcs (le danger ne fut définitivement écarté qu'après les victoires du Prince Eugène à Zenta (1697) et à Belgrade (1717)) intervenait peu en Allemagne. La grande préoccupation de Charles VI (1711/40) fut d'assurer à sa fille unique, Marie-Thérèse, l'héritage des possessions héréditaires des Habsbourg : au prix de lourdes concessions (entre autres, la cession de la Lorraine, 1738), il consacra son règne à faire accepter la Pragmatique Sanction de 1713 aux cours allemandes et étrangères. Mais, Charles VI à peine mort, tout le monde s'empressa de renier ses engagements. À partir du règne de Frédéric II le Grand (1740/86) commença le grand duel entre la Prusse, État homogène, protestant, à la population purement allemande, et l'empire cosmopolite des Habsbourg, catholique. La guerre de la Succession d'Autriche comme celle de Sept Ans s'achevèrent à son avantage. Mais il y avait une contradiction chez ce souverain, profondément prussien, à qui les idées de nation allemande et d'unité allemande furent étrangères. Même si, en 1785, il constitua une Ligue des princes allemands du Nord et du Centre, son but n'était pas d'unifier l'Allemagne mais de substituer la Prusse à l'Empire. Ami de Voltaire, il ne jurait que par la civilisation française et ne porta aucun intérêt au réveil culturel et littéraire germanique exprimé dans le mouvement Sturm und Drang. L'Allemagne de l'Aufklärung (1740/86) L'Allemagne rationaliste du début de l'Aufklärung, ne jurait que par Boileau et le classicisme de Versailles. Cependant se préparait la révolution littéraire et spirituelle du Sturm und Drang (« Tempête et Élan », vers 1770/85), explosion de passion et de liberté anarchique, mais aussi révolte nationale contre une esthétique d'importation, appel au génie collectif du peuple, aux traditions populaires allemandes et au germanisme primitif. Ce fut alors une période d'apogée intellectuel et artistique : celle de Goethe à Weimar (le « Goethezeit »), celle du romantisme (Schlegel, Jean-Paul, Novalis, Hölderlin, Tieck, Kleist...), celle de la philosophie idéaliste (Fichte, Schelling, Hegel) et celle de Beethoven. Période d'abaissement politique, au cours de laquelle les armées de Napoléon allaient et venaient d'une extrémité à l'autre de l'Allemagne, période qui allait voir la fin du Saint Empire millénaire, l'écrasement de la Prusse frédéricienne en 1806, l'Empereur français enlevant et donnant à son gré les couronnes, entraînant avec lui les contingents germaniques jusqu'en Russie, puis laissant après lui une Allemagne simplifiée sans doute, mais toujours aussi incertaine de son avenir. Ce contraste entre l'intensité de la vie spirituelle et l'impuissance politique, entre l'idée grandiose du germanisme conçue par un Fichte, un Jahn, un Hegel, et l'Allemagne réelle, passée en 1815 de la domination napoléonienne à la tutelle de la Sainte-Alliance, tel fut le fait caractéristique de l'histoire allemande dans la première moitié du XIXe s.

L'Allemagne et la Révolution française La Révolution française fut d'abord accueillie avec enthousiasme par la majorité des Allemands, qui rêvèrent de liberté et de fraternité, jusqu'au moment où ils s'aperçurent que la Convention reprenait les ambitions bourboniennes de conquête des « frontières naturelles » sur le Rhin. La menace de la France révolutionnaire rapprocha l'Autriche et la Prusse (févr. 1792) et Frédéric-Guillaume II entra dans la première coalition (mars 1793). Mais l'armée prussienne n'était plus celle de la guerre de Sept Ans : la Prusse préféra signer avec la France le traité de Bâle (5 avr. 1795) et, pendant quelques années, elle observa une stricte neutralité, se retirant pratiquement des affaires allemandes, laissant l'Autriche combattre seule contre les Français et accumuler les défaites. À la suite des traités de Campoformio (1797) et de Lunéville (1801), la France annexa toute la rive gauche du Rhin. Elle allait désormais régler à sa guise les affaires allemandes. En vertu des traités, les princes qui avaient été dépossédés sur la rive gauche du Rhin devaient être dédommagés ; après de longues négociations, le recès impérial de févr. 1803 remania complètement la carte de l'Allemagne. Presque toutes les principautés ecclésiastiques ainsi que la plupart des villes libres et des petites seigneuries disparurent pour agrandir la Prusse, la Bavière, le Wurtemberg, le pays de Bade, la Hesse-Darmstadt et le Nassau. Dans l'immédiat, c'est l'Autriche qui souffrit le plus de ces mesures : les États allemands du Sud (Bavière, Wurtemberg, Bade, Hesse-Darmstadt, Nassau et Berg), devenus les alliés de la France, se déclarèrent indépendants à l'égard de l'Empire et formèrent, sous l'égide de Napoléon, la Confédération du Rhin (12 juill. 1806) ; les Habsbourg renoncèrent au titre d'empereur romain ; l'ancien Empire allemand avait cessé d'exister. Mais à longue échéance, la politique napoléonienne, en inaugurant en Allemagne un mouvement centralisateur, préparait l'unité allemande et, l'Autriche se trouvant désormais exclue, cette unité ne pouvait se faire qu'autour de la Prusse. De la Sainte-Alliance au Zollverein (1815/48) Les espérances nationales qui étaient nées au cours des « guerres de libération » contre la France napoléonienne, de 1813 à 1815 allaient être profondément déçues par le congrès de Vienne. Les traités de 1815 ramenèrent la France à peu près à ses frontières de 1792, mais lui laissèrent l'Alsace ; la Prusse reçut la Rhénanie et devint ainsi voisine immédiate de la France, mais son territoire était encore partagé en une moitié occidentale et une moitié orientale ; et, surtout, l'Allemagne resta divisée. Les revendications unitaires étaient encore trop floues et trop contradictoires. L'Autriche de Metternich se méfiait de l'unité allemande comme d'une idée révolutionnaire ; pour ne pas indisposer la Prusse, elle renonça au rétablissement du Saint Empire, mais s'accommoda d'une Confédération germanique (8 juin 1815), qui rassemblait, par des liens assez lâches, des États souverains dont les monarques étaient fort jaloux de leur indépendance. Voir CONFÉDÉRATION GERMANIQUE.

L'agitation nationaliste de la jeunesse universitaire (réunion de la Wartburg, 1817) fut réprimée par la Sainte-Alliance (v.), sous l'égide de Metternich (congrès de Carlsbad, 1819). Les monarchies de l'Allemagne du Sud, renforcées par Napoléon Ier qui avait vu en elles un bastion avancé de la France en pays germaniques, ne songeaient qu'au maintien de leur souveraineté et étaient les adversaires-nés de toute unité allemande. Seule la Prusse pouvait assumer l'espérance de l'unité. Rôle de l'économie Les hommes d'État prussiens, si conservateurs qu'ils fussent en politique, eurent l'audace de se montrer révolutionnaires en économie : dès 1818, la Prusse avait aboli toutes ses douanes intérieures et unifié tous ses tarifs douaniers. À partir de 1825, sous l'impulsion du ministre des Finances prussien von Motz, le mouvement pour l'unité économique commença à se répandre en Allemagne du Nord, puis dans les régions centrales et, en 1834, toute l'Allemagne, à l'exception du Hanovre, du Brunswick, de l'Oldenburg et des villes hanséatiques, entra dans une union douanière, le Zollverein, d'où l'Autriche était exclue et qui constituait une étape décisive vers la prédominance de la Prusse en Allemagne. Le Zollverein fut à l'origine du rapide essor de l'économie allemande : en permettant l'exploitation de nouveaux moyens techniques, en facilitant les communications commerciales (ouverture du premier chemin de fer en 1835), il permit à l'Allemagne de s'émanciper de la tutelle du capitalisme anglais. L'âge du charbon, du fer et de la grande industrie allemande commençait (fondation des usines Krupp en 1810). En un demi-siècle, l'Allemagne, un des derniers pays engagé dans la révolution industrielle, allait pouvoir se mesurer sur les marchés mondiaux avec les autres grandes puissances. Cette révolution économique provoqua rapidement un changement des mentalités : la génération de 1840 se détourna de l'idéalisme de l'époque précédente ; c'est ce que Henri Heine devait appeler la « fin de la période artistique ». L'esprit des guerres de libération de 1813 reparut dans le nationalisme des années 1840, surtout dirigé contre la France (c'est alors que furent composés Le Rhin allemand de Becker, 1840, et le Deutschland über alles, 1843). Le mouvement de la Jeune-Allemagne donna naissance à un libéralisme « radical » et démocratique qui commençait à envisager un gouvernement prussien ou allemand fondé sur le suffrage universel. De la pensée de Hegel sortirent une « droite hégélienne », qui voyait dans l'État prussien conservateur l'agent fondamental de l'histoire du monde, et une « gauche hégélienne », représentée par Feuerbach, antichrétienne et bientôt matérialiste et révolutionnaire avec Karl Marx, qui fit ses débuts au journal Rheinische Zeitung (fondé en 1842). De la crise de 1848 à l'unité allemande (1848/71) À peine Metternich chassé de Vienne, Berlin se souleva (18/19 mars 1848) et Frédéric-Guillaume IV, pour sauver sa couronne, s'empressa de prendre la tête du mouvement populaire. D'autres mouvements révolutionnaires se déroulaient dans le reste de l'Allemagne. Le 18 mai 1848 se réunit à Francfort un Parlement national élu au suffrage universel : dominée par des bourgeois libéraux, cette Assemblée proclama aussitôt son intention de réaliser l'unité allemande. Un gouvernement fédéral provisoire fut constitué et le populaire archiduc Jean de Habsbourg fut nommé vicaire de l'Empire (juin 1848). 0002000013940000765A 138D,Chargé d'élaborer une Constitution, le Parlement de Francfort fut bientôt paralysé par l'opposition entre les partisans d'une Petite Allemagne (sans l'Autriche et sous la direction de la Prusse) et ceux d'une Grande Allemagne (sous la conduite des Habsbourg). Les partisans de la Petite Allemagne l'emportèrent et, au printemps 1849, quand le Parlement de Francfort eut enfin élaboré une Constitution libérale, la couronne impériale fut offerte au roi de Prusse (3 avr. 1849), mais son refus (27 avr. 1849) consomma l'échec du Parlement de Francfort. Dans son désespoir, le libéralisme national recourut à la violence : mais tous les mouvements révolutionnaires de 1849 furent écrasés et le Parlement de Francfort dispersé brutalement (30 mai). Frédéric-Guillaume IV tenta de reprendre pour son seul compte le mouvement vers l'unité, en obtenant la couronne impériale, non plus du peuple, mais du consentement des autres souverains allemands : ce fut l'Union restreinte (26 mai 1849), qui rallia seulement les petits États allemands. La tension entre Berlin et Vienne grandit durant toute l'année 1850. La guerre ne fut évitée que par la reculade de la Prusse, qui signa l'humiliante convention d'Olmütz (29 nov.) : l'Union restreinte était dissoute et la Confédération de 1815 intégralement rétablie. Ainsi, dans toute l'Allemagne, la victoire de la réaction sur la révolution était totale. Cependant subsistait l'instrument économique de l'unité allemande et de la puissance prussienne, le Zollverein ; en vain l'Autriche essaya-t-elle d'en débaucher les États méridionaux. Renouvelé dès 1853, le Zollverein sortait de cette crise encore renforcé par l'adhésion du Hanovre (1851) et de l'Oldenburg (1852). La Prusse prenait sa revanche d'Olmütz sur le terrain économique : s'appuyant sur le charbon et l'industrie lourde de la Ruhr, les Prussiens allaient entraîner l'ensemble de l'Allemagne dans une transformation économique sans précédent. « Quiconque a vu Berlin il y a dix ans ne le reconnaîtrait pas aujourd'hui, écrivait Marx en 1859. C'était un lieu de parades militaires, gauches et raides, c'est devenu le centre actif de l'industrie allemande des constructions mécaniques. En traversant la Prusse rhénane ou la Westphalie, on évoque le Lancashire et le Yorkshire... » Cette apparition de l'Allemagne moderne et industrielle devait être le grand fait de l'histoire européenne de la seconde moitié du XIXe s. Le développement industriel provoqua un accroissement rapide du prolétariat allemand (plus de 2 millions d'ouvriers en 1860, dont les deux tiers en Prusse) et, dès cette époque, grâce à une intelligente politique paternaliste, l'Allemagne se porta à l'avant-garde des pays européens dans le domaine de la législation sociale, comme de l'ouverture politique ; en 1863, Lassalle fondait l'Association générale des travailleurs, qui précéda la naissance du parti ouvrier social-démocrate allemand (1869). L'Allemagne impériale wilhelmienne Nommé Premier ministre de Prusse par Guillaume Ier en sept. 1862, puis ministre des Affaires étrangères, Bismarck se fit l'artisan de l'unité allemande, que le développement des forces économiques rendait à la fois indispensable et inévitable. Il utilisa l'arme économique d'un nouveau Zollverein dirigé contre les intérêts économiques autrichiens (juin-oct. 1864), s'assura l'amitié du tsar et la neutralité de Napoléon III, conquit le Schleswig-Holstein (v.) et entra en guerre contre l'Autriche qui fut vaincue à Sadowa (3 juill. 1866). Vienne dut accepter la dissolution de la Confédération germanique, la création en Allemagne du Nord d'une nouvelle confédération groupant sous la tutelle de Berlin les vingt-deux États au N. du Main, et l'annexion de plusieurs États alliés de la Prusse (Hanovre, Nassau, Hesse-Kassel, Francfort). Pour la première fois, la Prusse réalisait l'unité de son territoire, de la Pologne à la France. Le 18 janv. 1871, après la guerre franco-prussienne et la défaite française, Bismarck faisait proclamer Guillaume Ier empereur allemand du IIe Reich, dans la galerie des Glaces à Versailles. Le traité de Francfort (10 mai 1871) lui permettait d'annexer l'Alsace et une partie de la Lorraine, dont Metz. Le nouvel Empire était un État fédéral dont les vingt-cinq États souverains gardaient leurs institutions et leurs lois propres, ainsi que leur pouvoir de décision particulier dans de nombreux domaines (enseignement, affaires religieuses, finances, justice, travaux publics...). Mais cet Empire était gouverné par un souverain héréditaire (qui était en même temps roi de Prusse) et par un chancelier d'Empire nommé par l'empereur, chef de l'exécutif et concentrant entre ses mains tout ce qui regardait la diplomatie, la guerre, les postes, les douanes. Par la prospérité économique, par l'attachement nouveau à l'empereur, enfin par la possession commune de l'Alsace-Lorraine devenue terre d'Empire (Reichsland), Bismarck escomptait bien un effacement rapide de l'ancienne fidélité aux dynasties particulières. 000200000DCD000089E7 DC7,L'Allemagne, sous le IIe Reich, allait connaître un développement économique inouï qui la préserva de tous troubles révolutionnaires. Cet essor se manifesta d'abord par une très forte augmentation de la population, passée de 41 millions d'habitants en 1871 à 68 millions en 1914 (alors que la population française, dans le même temps, n'augmentait que de 36 à 39,6 millions). Les progrès de l'industrie allemande furent aussi extraordinaires. En 1913, l'Allemagne avait dépassé la Grande-Bretagne et était devenue le premier État industriel d'Europe ; elle produisait deux fois plus d'acier que l'Angleterre et occupait la première place dans le monde pour les industries chimiques et l'industrie électrotechnique. Cette prospérité et une législation sociale unique au monde amenèrent une évolution dans le mouvement ouvrier allemand : de mieux en mieux organisé, de plus en plus nombreux (avec 4 millions de suffrages, il devint, en 1912, le plus fort parti du Reichstag), le parti social-démocrate était aussi de moins en moins révolutionnaire. Son administration, disciplinée et bureaucratisée, était presque entièrement ralliée au révisionnisme de Bernstein (à partir de 1905) et acceptait le régime social existant en se contentant d'essayer d'en tirer les meilleurs avantages matériels pour les travailleurs. Rassurés à l'intérieur, forts d'une puissance économique grandissante, les maîtres de l'Allemagne impériale allaient pouvoir se lancer, à partir de 1890, dans une ambitieuse Weltpolitik toute différente de celle suivie jusqu'alors par Bismarck. La France vaincue, le chancelier avait axé toute sa conduite sur le maintien de la paix et du statu quo européen : arbitre de l'Europe au congrès de Berlin (1878) (v.), il avait tenacement essayé d'élargir à la Russie son alliance avec l'Autriche, puis, devant l'irrémédiable opposition des intérêts russes et autrichiens dans les Balkans, il s'était rabattu, en 1882, sur le système de la Triplice (v. TRIPLE-ALLIANCE) (Allemagne, Autriche-Hongrie, Italie), tout aussi fragile, du fait de l'antagonisme entre l'irrédentisme italien et l'Autriche. Toujours prudent, Bismarck avait freiné autant qu'il avait pu les tentatives d'expansion coloniale allemande, pour ne pas éveiller la méfiance de l'Angleterre, et ce furent des initiatives privées (Lüderitz, Nachtigal, Peters) qui donnèrent successivement à l'Allemagne le Sud-Ouest africain et l'Afrique-Orientale allemande (1884/87), le Togo et le Cameroun (1884/90), une partie de la Nouvelle-Guinée et diverses possessions du Pacifique (1883/99). Tout changea à l'avènement de Guillaume II (1888/1918) : dès mars 1890, Bismarck dut se retirer et le nouvel empereur, impétueux, romantique, quelque peu déséquilibré, jeta l'Allemagne dans une politique mondiale dont de médiocres chanceliers (Caprivi, 1890/94 ; Hohenlohe, 1894/1900 ; Bülow, 1900/09 ; Bethmann-Hollweg, 1909/17) ne furent que les exécutants maladroits. L'Allemagne, qui, selon l'expression de Lénine, était venue s'asseoir à la table capitaliste après que les meilleures places eurent été distribuées, réclamait, par la voix de Bülow, sa « place au soleil ». En 1891 fut fondée la Ligue pangermaniste (Alldeutscher Verband), qui groupa rapidement de nombreux industriels, généraux, amiraux, professeurs d'université et intellectuels. Tandis que les idées racistes commençaient dès cette époque à se répandre (fondation de la Gobineau Vereinigung, 1894), des théoriciens proclamaient le droit absolu à l'expansion des peuples « porteurs de culture ». 000200000F6F000097AE F69,La croissance continue des exportations allemandes obligeait l'Allemagne à avoir enfin une politique navale : « Notre avenir est sur l'eau », proclamait Guillaume II en 1898, et les diverses lois navales obtenues par Tirpitz entre 1898 et 1908 engagèrent le Reich dans une course aux armements maritimes qui effraya justement la Grande-Bretagne et poussa celle-ci à se rapprocher de la France. Nulle part autant qu'en Allemagne la course aux armements ne fut poussée dans les dix années précédant la Première Guerre mondiale. Isolée à la conférence d'Algésiras (v.) sur le Maroc (1906), l'Allemagne provoqua par le « coup d'Agadir » (v.) une nouvelle crise marocaine en 1911 et, grâce à la volonté pacifique du ministre français Caillaux, elle obtint un dédommagement en Afrique équatoriale. L'Allemagne dans la Première Guerre mondiale (1914/18) Les responsabilités de la Première Guerre mondiale apparaissent aujourd'hui, avec le recul du temps, très partagées ; cependant, si la France et surtout la Russie y ont eu leur part, il est incontestable que l'Allemagne, en juillet 1914, a, sinon voulu la guerre, du moins accepté le risque d'un conflit généralisé pour la Serbie. En se jetant ainsi dans cette tragédie, l'Allemagne impériale allait perdre tout le profit d'un demi-siècle de prospérité, à l'heure même où son expansion économique et commerciale lui permettait d'espérer obtenir pacifiquement la prééminence en Europe. Malgré ses brillants succès de l'été 1914, l'Allemagne ne put emporter la décision militaire ; la violation de la neutralité belge lui aliéna une grande partie des neutres, et provoqua l'entrée en guerre de la Grande-Bretagne. L'état-major se vit aux prises avec la situation imprévue d'une longue guerre à mener à l'Ouest comme à l'Est, avec les ressources d'une économie à la longue vulnérable aux effets du blocus allié. Comme la France, l'Allemagne en guerre connut d'abord l'« Union sacrée » et, à l'exception unique de Liebknecht, les socialistes votèrent les crédits militaires. Mais le gouvernement impérial ne sut pas réaliser la mobilisation psychologique des masses aussi bien que les démocraties occidentales : à partir de 1916, le mécontentement du peuple allemand s'exprima dans de grandes manifestations organisées par des minoritaires sociaux-démocrates qui avaient formé le groupe Spartakus (à Berlin, manifestation pacifiste du 1er mai 1916, grèves d'avr. 1917). Au Reichstag même, le Centre catholique se joignit aux socialistes pour faire adopter la résolution de paix du 19 juill. 1917. Du fait de ces craquements de l'arrière, le haut commandement, qui se trouvait depuis août 1916 entre les mains de Hindenburg et de son adjoint Ludendorff, prit en fait la direction absolue du pays (juill. 1917). Cependant, de nouvelles grèves éclataient à Berlin et dans les grandes villes industrielles allemandes en janv. 1918. Seule l'armée, renforcée sur le front français par les troupes ramenées de Russie, tenait encore solidement. De la révolution de novembre 1918 à la crise de 1923 Le haut commandement allemand, qui avait bien reconnu dès le mois de sept. 1918 la nécessité de mettre fin à la guerre, se déroba devant ses responsabilités et ne voulut pas porter devant le peuple allemand le poids de la défaite : c'est le gouvernement parlementaire du prince Max de Bade qui demanda l'armistice à Wilson (3 oct.) et ce fut un civil, Erzberger, qui fut chargé de diriger la délégation envoyée aux Alliés. Le 3 nov. , la révolte des marins de la flotte à Kiel précipita les événements : l'insurrection s'étendit rapidement à Lübeck, Hambourg, Brême, Hanovre, Munich ; dans toute l'Allemagne se formèrent, sur le modèle de la révolution russe de 1917, des conseils d'ouvriers et de soldats. Le 9 nov. 1918, face à la révolution, l'empereur abdiqua et le socialiste Scheidemann proclama la république à Berlin. Le 11 nov. 1918, l'armistice était signé à Rethondes, dans le wagon du maréchal Foch. 000200000F230000A717 F1D,La révolution de nov. 1918 devait peser lourdement sur l'avenir de l'Allemagne : elle allait permettre notamment aux militaires et aux nationalistes d'accréditer la légende du Dolchstoss, du « coup de poignard dans le dos », selon laquelle l'armée allemande, invaincue, n'avait déposé les armes qu'en raison de la trahison de l'intérieur. La révolution avorta à cause de la désunion profonde des forces de gauche : en face des spartakistes qui voulaient instaurer une réplique soviétique, la majorité des sociaux-démocrates (Ebert, Noske) songeaient uniquement à préserver dans la défaite l'existence de l'État allemand unitaire, même au prix d'une alliance avec les forces les plus réactionnaires et avec l'armée. La grève générale déclenchée à Berlin en janv. 1919 fut écrasée par le gouvernement républicain allié à l'armée au cours de la « semaine sanglante » (11/15 janv.), qui vit notamment l'assassinat des deux chefs spartakistes Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg. Des corps francs furent formés avec d'anciens officiers et soldats du front, et l'agitation communiste fut progressivement étouffée au cours du printemps 1919 (destruction de la république des conseils en Bavière, 1er/2 mai 1919). Ainsi la République allemande naissait-elle dans une profonde contradiction, dans l'alliance des chefs sociaux-démocrates avec les militaires d'extrême droite contre la révolution ouvrière : ce fut en quelque sorte le péché originel du régime de Weimar, sur lequel n'allait cesser de peser pendant quinze ans le poids des forces militaristes et nationalistes. Tandis que la conférence de la paix commençait à discuter à Versailles du sort de l'Allemagne (qui n'avait même pas été admise aux débats), une Assemblée nationale se réunit à Weimar et constitua un gouvernement composé de socialistes majoritaires, de démocrates et de membres du centre ; la Constitution de Weimar (août 1919) établissait une république fédérale et parlementaire, mais elle accordait de larges pouvoirs au président de la République, qui disposait, grâce à l'article 48, de la possibilité de suspendre les droits fondamentaux et d'autoriser le chancelier à gouverner à coups de décrets-lois. Dès sa naissance, le régime de Weimar fut déconsidéré par son acceptation du traité de Versailles (28 juin 1919), véritable Diktat élaboré sans que l'Allemagne ait été consultée, « incroyable paix de brigands », dira Lénine, et que le Sénat américain refusa de ratifier. En morcelant le pays (la Prusse-Orientale étant désormais séparée du reste de l'Allemagne par le corridor de Dantzig), en imposant à l'Allemagne la livraison d'une importante partie de sa flotte de commerce, de machines, de matériel ferroviaire, etc., en la plongeant dans la crise économique et en la chargeant d'énormes réparations dont le montant fut fixé par la conférence de Spa (juill. 1920) à 226 milliards de marks-or, le traité de Versailles enlevait toute chance de réussite à la démocratie allemande et livrait le peuple allemand aux séductions des démagogues et des agitateurs nationalistes. Tandis que la dévaluation du mark s'accélérait, que la misère et la faim se répandaient dans le prolétariat ouvrier et agricole, le nouveau régime était menacé par les extrémistes armés des corps francs et Einwohnerwehren (« milices ») : le putsch de Kapp-Lüttwitz (mars 1920) échoua devant la résistance ouvrière et la grève générale, mais le gouvernement fit écraser par la Reichswehr les soulèvements communistes dans la Ruhr (avr.). Dans les mois qui suivirent, on assista à une recrudescence des attentats politiques organisés par des associations secrètes d'extrême droite et, dès août 1920, le parti national-socialiste était fondé à Munich. Successivement, le socialiste Haase (1920), le catholique Erzberger (1921), le ministre des Affaires étrangères Rathenau (1922) tombèrent victimes du terrorisme de droite.

« L'année inhumaine » L'année 1923 est restée dans l'histoire de l'Allemagne « l'année inhumaine » : l'inflation donna le vertige (au début de l'année, le dollar vaut 18 000 marks ; au 1er nov. , il vaut 8 millions de marks) ; les rentiers, les retraités furent complètement ruinés, la misère grandit dans les milieux ouvriers, où la situation sanitaire se dégrada, surtout chez les enfants. Mais pour les gros industriels, l'inflation était « comme une immense escroquerie légale » (G. Badia) qui leur permettait de se libérer d'un seul coup de leurs dettes : dans cette période de misère s'accéléra la concentration industrielle et se constituèrent des fortunes colossales, comme celle de Stinnes. L'intransigeance de Poincaré compliqua encore la tâche de la République allemande. Devant le retard des paiements des réparations, l'armée française occupait la Ruhr (janv. 1923) : l'Allemagne répondit par la « résistance passive », mais l'Angleterre refusa de continuer à s'aligner sur la France. Appelé à la chancellerie (sept. 1923), Stresemann mit fin à la résistance passive et, utilisant les compétences remarquables de Schacht, amorça la stabilisation monétaire. Une nouvelle monnaie fut créée, le Rentenmark, et les capitaux américains, par l'intermédiaire du plan Dawes (sept. 1924), allaient renflouer l'Allemagne. La fin du régime de Weimar (1924/33) La tentative de putsch menée par Hitler et Ludendorff à Munich, le 9 nov. 1923, échoua assez lamentablement. Hitler fit une année de prison (durant laquelle il écrivit Mein Kampf) et, à sa libération, en déc. 1924, il trouvait une Allemagne déjà profondément changée. Le plan Dawes avait permis le « miracle économique » allemand du premier après-guerre. Les années 1924/28 apparaissent comme des années de redressement et de prospérité et l'agitation hitlérienne ne rencontra alors qu'un faible écho en Allemagne. La consolidation du régime de Weimar se manifestait par l'élection de Hindenburg à la présidence de la République (1925/34) et par l'influence dominante qu'eut Stresemann sur la politique étrangère de 1925 à 1929. Dès 1922, l'Allemagne avait fait sa rentrée diplomatique en signant avec l'URSS le traité de Rapallo, qui effraya beaucoup les anciens Alliés. Le traité de Locarno (16 oct. 1925) parut inaugurer une ère de stabilité et de réconciliation européenne, dont le ministre français Briand se fit l'infatigable prophète. La collaboration de Briand et de Stresemann se heurta à l'aveuglement des nationalistes des deux pays et l'Allemagne ne put obtenir une révision pacifique du traité de Versailles ; dans le domaine des réparations seulement, Stresemann remporta un grand succès avec le plan Young, qui étalait les réparations sur cinquante-neuf annuités, mettait fin aux contrôles alliés et aux sanctions et permettait l'évacuation de la Ruhr par la France (1929). Mais la crise économique de 1929 allait frapper l'Allemagne avec une particulière brutalité : les financiers américains rapatrièrent leurs capitaux et la chute des exportations entraîna une paralysie de l'économie allemande. Le nombre des chômeurs passa de 2 millions au début de 1929 à 6 millions dans l'hiver 1931/32. Le grand bénéficiaire de cette crise fut Adolf Hitler, qui exploitait tous les mécontentements et axait sa propagande nationaliste sur le refus des réparations, la révision du traité de Versailles, la xénophobie et l'antisémitisme. Profitant de l'impuissance du régime, les hitlériens avaient mis sur pied une formidable organisation paramilitaire, les SA (Sturm Abteilung, « Section d'assaut »), qui menaient une guerre larvée contre les formations analogues de gauche. D'autre part, Hitler bénéficia de l'appui de nombreux banquiers et industriels (v. NATIONAL-SOCIALISME). Aux élections de sept. 1930, les députés hitlériens passèrent de 12 à 107. Réélu à la présidence de la République en 1932 (avec 19 300 000 voix contre 13 400 000 à Hitler), Hindenburg renvoya le catholique Brüning, qui avait été impuissant à résoudre la crise, et inaugura une république présidentielle par l'intermédiaire de von Papen, qui constitua un gouvernement conservateur (le « cabinet des barons »), sans majorité au Reichstag (juin 1932). Après dissolution du Parlement, les nouvelles élections (31 juill. 1932) marquèrent un nouveau progrès de Hitler : avec 230 députés, le parti national-socialiste devenait le premier parti du Reichstag. De nouvelles élections en nov.  1932 virent un recul des nazis bien qu'ils aient encore gardé le groupe parlementaire le plus nombreux. Seule la Reichswehr pouvait encore barrer la route du pouvoir à Hitler. Hindenburg y appela le général Schleicher comme chancelier, qui n'eut aucun appui de l'armée. Le 30 janv. 1933, le président se résigna à appeler à la chancellerie Adolf Hitler.

Établissement du régime national-socialiste Ainsi arrivé au pouvoir légalement, comme chef d'un cabinet de coalition qui ne comptait, à l'origine, en dehors de lui, que deux nationaux-socialistes, Hitler parvint en six mois à poser les cadres essentiels de sa dictature. En janv. 1933, l'immense majorité des Allemands ne se doutait nullement que leur pays entrait dans une révolution nihiliste qui devait se poursuivre jusqu'à ses extrêmes conséquences et frapper d'effroi le monde entier. À vrai dire, presque personne ne prenait vraiment au sérieux les proclamations racistes du Führer, presque personne ne croyait que Hitler réaliserait exactement ce qu'il avait annoncé depuis Mein Kampf. Si étonnant que cela puisse paraître aujourd'hui, Hitler rassurait : son image était celle d'un patriote sincère, homme d'ordre qui allait balayer le régime impuissant des partis, le système de Weimar, et rendre à l'Allemagne, à l'intérieur la prospérité par la discipline et le travail, à l'extérieur la dignité perdue. Le nouveau régime s'ouvrit par l'incendie du Reichstag (nuit du 27 au 28 févr. 1933), qui permit d'instaurer un régime d'exception et de voter à Hitler (23 mars) les pleins pouvoirs. Aussitôt la justice, l'Université, l'administration furent épurées. Le camp de concentration de Dachau fut ouvert en ce même mois de mars et la Gestapo (v.) créée en avril. Commencèrent les grands autodafés de livres d'auteurs juifs, marxistes ou pacifistes. Les intellectuels libéraux comme Einstein, les frères Mann, Schönberg, Brecht émigrèrent. Les syndicats furent supprimés et remplacés par le Front du travail (2 mai 1933). En été, les partis politiques furent dissous et le mouvement national-socialiste fut promu parti unique lié à l'État. Les commerçants juifs furent systématiquement boycottés, les premières lois raciales promulguées. Mais le souvenir de la misère et de l'anarchie des années précédentes était si fort que les Allemands ne surent reconnaître la nature de leur nouveau régime, d'autant que Pie XI lui apportait sa caution en signant avec Hitler un concordat (20 juill. 1933). À l'intérieur, Hitler s'efforçait d'obtenir l'appui des forces traditionnelles et d'abord de l'armée dont il conquit définitivement l'adhésion en mettant fin brutalement à l'agitation des SA. Leurs principaux chefs, dont Röhm, furent mis à mort au cours de la « Nuit des longs couteaux » (30 juin 1934). Servi par la propagande de Goebbels, il procédait à une mobilisation psychologique totale des masses allemandes dans le cadre d'un Reich centralisé (suppression des Constitutions et parlements provinciaux) et tenu en main par l'autorité de Statthalter (« gouverneurs ») tout-puissants. Le parti s'infiltrait dans tous les rouages de l'État comme de la vie économique ou intellectuelle ; enfin un vaste système policier fut mis en place à partir de 1936 sous l'autorité de Himmler. Cependant, la dictature hitlérienne n'aurait pu s'imposer par la seule terreur ; c'est par ses réalisations économiques et sociales qu'elle sut gagner un attachement populaire qui se maintint jusqu'à la catastrophe finale.

En janv. 1933, Hitler trouvait un pays dont l'industrie était totalement paralysée et qui avait 6 millions de chômeurs. Tout espoir de redressement reposant sur une augmentation des exportations, Hitler et son ministre de l'Économie Schacht mirent tout l'appareil de pression de la dictature au service d'une politique d'autarcie pour rendre l'Allemagne aussi indépendante que possible de l'étranger ; des facilités de crédit aux entrepreneurs aidèrent à la relance de l'économie ; pour suppléer aux importations, un effort considérable fut fait sur les produits de remplacement, les ersatz (caoutchouc, essence synthétiques) ; les deux plans de quatre ans (1933/36 et 1936/39) permirent de réaliser de spectaculaires grands travaux (plus de 3 000 km d'autoroutes en 1939), mais aussi un vaste programme d'armement. Les progrès de l'industrie furent extrêmement rapides (indice 100 en 1932, indice 225 en 1939) ; le chômage était pratiquement résorbé dès 1938. Mais si l'économie du Reich hitlérien obéissait à une planification ou à un dirigisme sévères, elle ne portait aucune atteinte grave à la propriété privée industrielle ou bancaire ; la constitution de cartels fut facilitée et sous le national-socialisme la concentration capitaliste s'est accélérée. La grève était rigoureusement interdite, mais le régime assurait des compensations aux travailleurs par les congés payés et par l'action des services de la « Force par la joie » (Kraft durch Freude), qui organisait les loisirs (voyages collectifs), s'occupait des sports, des services d'instruction populaire... La politique économique d'autarcie avait ainsi réalisé un nouveau « miracle économique » ; son revers, c'était, en isolant l'Allemagne au milieu de l'Europe, de l'orienter inéluctablement vers la guerre. À la mort de Hindenburg (2 août 1934), Hitler devint « Führer et chancelier du Reich ». La politique étrangère de Hitler Hitler avait clairement fait savoir ses grands desseins de politique étrangère : en premier lieu, le rassemblement de tous les Allemands et de toutes les minorités germaniques des divers pays d'Europe dans une « Grande Allemagne » ; en second lieu, la conquête de « l'espace vital », laquelle devait être réalisée principalement par la reprise du Drang nach Osten (« Pousée vers l'Est ») médiéval, de l'expansion de l'Allemagne vers les riches terres de Pologne et d'Ukraine. La première étape de la réalisation de ce programme fut l'émancipation de l'Allemagne des dernières entraves posées par le traité de Versailles : après l'échec de la conférence du désarmement, l'Allemagne se retira avec éclat de la SDN (oct. 1933). La Sarre lui fut rendue après un plébiscite massif (13 janv. 1935). Tout en donnant des apaisements à son voisin polonais par le pacte de non-agression du 26 janv. 1934 et tout en proclamant qu'il n'avait plus de revendications territoriales envers la France, Hitler, en violation du traité de Versailles, rétablit le service militaire obligatoire, qui devint la base de la nouvelle Wehrmacht (16 mars 1935). Enhardi par la passivité des chancelleries européennes et mettant à profit la rupture entre l'Italie et les puissances occidentales à la suite de l'affaire d'Éthiopie et des sanctions qu'elle entraîna (oct. 1935), le Führer répliqua au pacte franco-soviétique en faisant réoccuper et remilitariser la Rhénanie (7 mars 1936). Tandis que la France se contentait de protestations verbales, alors que l'Allemagne, à cette époque, n'aurait pas été en mesure de résister militairement à une intervention de l'armée française, Hitler sut exploiter les rancœurs de Mussolini à l'égard des démocraties : en oct. 1936 fut scellé l'axe Berlin-Rome, élargi quelques semaines plus tard au Japon par le pacte antikomintern (25 nov. 1936). Les visites de Mussolini à Berlin (sept. 1937) et de Hitler à Rome (mai 1938) confirmèrent de manière éclatante la solidarité des dictatures qui, au même moment, se manifestait dans la guerre d'Espagne, où furent testées les nouvelles armes allemandes qui apportèrent une aide précieuse à Franco. Le réarmement allemand s'accéléra à partir de 1937.

L'annexion de l'Autriche et le démembrement de la Tchécoslovaquie La politique de chantage à la guerre menée par Hitler impressionnait visiblement l'Europe, non seulement les petites puissances (dénonciation par la Belgique de son alliance avec la France, oct. 1936), mais aussi la Grande-Bretagne, qui avait déjà signé avec Hitler l'accord naval de juin 1935 et qui, sous la direction de Chamberlain (à partir de juin 1937), allait pratiquer, en dépit de l'opposition de Churchill, une politique d'apaisement à l'égard des dictateurs. Les jeux Olympiques de Berlin (août 1936) avaient été un grand succès de prestige pour le régime national-socialiste. En fin de compte, c'est seulement à l'intérieur même de l'Allemagne que ce régime rencontrait quelque opposition : les chefs militaires s'alarmaient devant la perspective d'une guerre européenne prochaine. À la faveur des affaires Fritsch et Blomberg, où la Gestapo et les SS s'employèrent à discréditer les deux plus grands chefs de la Wehrmacht en exploitant des scandales d'ordre privé, Hitler prit le commandement en chef des forces armées (févr. 1938). Mais à partir de ce moment, un courant de résistance commença à se répandre dans les milieux militaires, notamment autour de l'ancien chef d'état-major général, Beck. Dès juill. 1934, les nationaux-socialistes autrichiens avaient tenté, par un putsch, de réaliser l'Anschluss, c'est-à-dire le rattachement de l'Autriche à l'Allemagne (assassinat du chancelier Dollfuss) ; mais à cette époque, Mussolini avait massé ses troupes au col du Brenner et Hitler avait dû reculer. L'axe Berlin-Rome condamna l'Autriche : Hitler provoqua la chute du chancelier Schuschnigg, fit occuper l'Autriche par la Wehrmacht et proclama l'Anschluss (12 mars 1938). L'étape suivante fut l'annexion du pays des Sudètes, peuplé de plus de 3 millions d'Allemands et intégré à la Tchécoslovaquie en 1919. Après une crise qui se prolongea durant tout l'été 1938, les Occidentaux, à la conférence de Munich (29/30 sept. 1938), accédèrent aux désirs de Hitler et des populations sudètes, qui furent rattachées au Reich. Les accords de Munich furent accueillis avec soulagement par l'immense majorité de l'opinion en Europe ; mais ils furent l'ultime concession que leur désir de paix inspira aux démocraties occidentales. Jusqu'à ce moment, les diverses annexions avaient pu, à la rigueur, se justifier, dans la mesure où elles portaient uniquement sur des populations d'origine germanique qui faisaient retour au sein du « Reich grand-allemand » (Grossdeutsches Reich). En revanche, en mars 1939, l'élimination de la Tchécoslovaquie et l'annexion de la Bohême et de la Moravie, en faisant passer sous la domination hitlérienne des populations traditionnellement opposées au germanisme, convainquirent les Occidentaux qu'il était décidément impossible de faire confiance à la parole du Führer. Au même moment, l'Allemagne connaissait une recrudescence d'antisémitisme : en sept. 1935, les lois raciales de Nuremberg avaient privé les Juifs de leurs droits civiques et interdit les mariages entre aryens et Juifs... À partir de 1938, le gouvernement hitlérien freina l'expatriement des Juifs ; l'assassinat du conseiller d'ambassade allemand à Paris von Rath par le jeune Juif Grynspan servit de prétexte à Goebbels pour déclencher en Allemagne la « Nuit de cristal » (9/10 nov. 1938), au cours de laquelle eurent lieu de véritables pogroms.

Le pacte germano-soviétique Cependant, Hitler allait bientôt obtenir le plus spectaculaire et le plus inattendu de ses succès diplomatiques : méfiante à l'égard des Occidentaux qui l'avaient exclue de la conférence de Munich et qui cherchaient à détourner vers l'Est les appétits hitlériens, l'URSS commença à se rapprocher secrètement de l'Allemagne dès le printemps 1939. Or, le 31 mars 1939, Hitler avait ouvert une nouvelle crise en soulevant le problème de Dantzig et du « corridor » polonais. Encouragée par l'Angleterre et par la France, la Pologne rejeta les exigences allemandes. Cependant, le 24 août, le monde apprit avec stupéfaction que Ribbentrop venait de signer au Kremlin un pacte germano-soviétique (dont les clauses secrètes prévoyaient le partage de la Pologne). Délivré du vieux cauchemar prussien de la guerre sur deux fronts, Hitler pouvait désormais faire face aux risques d'une conflagration européenne : à l'aube du 1er sept., les troupes de la Wehrmacht pénétraient en Pologne. Jusqu'au dernier moment, Hitler espéra que les démocraties occidentales, et surtout l'Angleterre, s'inclineraient devant son nouveau coup de force : mais le 3 sept. 1939, à six heures d'intervalle, la Grande-Bretagne et la France déclaraient officiellement la guerre à l'Allemagne. La Seconde Guerre mondiale commençait. La guerre totale À partir du printemps 1940 les succès allemands furent foudroyants ; en mai 1941, Hitler était le maître de toute l'Europe continentale et le 22 juin il lançait l'opération « Barberousse » contre l'URSS. Cependant, si la France s'était effondrée en quelques semaines, les attaques de la Luftwaffe n'avaient pas eu raison de l'Angleterre et les troupes allemandes n'avaient pu s'emparer de Moscou ; d'autre part, les États-Unis, que les chefs nazis avaient toujours tenus pour partie négligeable, allaient mettre dès 1941 leur immense arsenal industriel à la disposition du monde libre. Dans tous les pays occupés, le système hitlérien (de plus en plus étroitement contrôlé par les SS à partir de 1941) organisa le pillage des ressources et la déportation des populations transformées en main-d'œuvre au profit de la machine de guerre nazie ; au total, plus de 20 millions de personnes (prisonniers de guerre, travailleurs, déportés politiques) furent amenées dans le Reich. Enfin, aux camps de concentration s'ajoutèrent des camps d'extermination, où les Juifs et les tziganes furent méthodiquement éliminés (environ 6 millions de victimes). Ces atrocités du régime allaient rejaillir sur tout le peuple allemand, qui fit face à cinq ans de guerre avec un extraordinaire esprit de discipline, de sacrifice et d'héroïsme. Sans que l'industrie de guerre en souffrît beaucoup, les villes allemandes furent systématiquement pilonnées par l'aviation alliée (environ 1 500 000 civils tués). Malgré la pression terrible de la Gestapo, la résistance s'organisa, soit dans des milieux communisants (groupe de la Rote Kapelle), soit dans les milieux conservateurs et militaires : mais le coup d'État manqué organisé par le colonel von Stauffenberg, le 20 juill. 1944, au grand quartier général du Führer n'aboutit qu'à une féroce répression dont furent victimes plusieurs des plus grands chefs militaires (Rommel, Canaris, Witzleben, Stülpnagel...). La dictature du parti et des SS fut désormais totale.

Cependant, devant l'imminence de la défaite, plusieurs dirigeants nazis eux-mêmes (Himmler, Goering) cherchaient à prendre des contacts avec les Alliés. Dans le bunker où il avait dirigé l'ultime résistance dans Berlin encerclé, Hitler se donna la mort le 30 avr. 1945, imité par Goebbels. Il désignait comme successeur l'amiral Dönitz, qui forma à Flensburg, près de la frontière danoise, un gouvernement dont les nationaux-socialistes étaient exclus mais qui ne fut pas reconnu par les Alliés. Déjà les troupes américaines et soviétiques avaient fait leur jonction au cœur de l'Allemagne et, le 8 mai 1945, le Reich capitula. Vers le partage de l'Allemagne (1945/49) Vaincue et entièrement occupée par quatre armées étrangères, l'Allemagne était en ruine. Ses implantations industrielles avaient relativement peu souffert des bombardements alliés, mais ses grandes villes étaient détruites, en moyenne, à 40 %. Six millions et demi d'Allemands étaient morts du fait de la guerre, dont environ trois millions de civils (la plupart de ces derniers pendant l'exode provoqué par l'invasion soviétique de 1945 et au cours des transferts de populations allemandes de l'Est, qui se poursuivirent jusqu'en 1946). Conformément aux décisions prises à Yalta (févr. 1945), les Alliés exercèrent eux-mêmes le pouvoir en Allemagne. L'État allemand disparut et fut remplacé par l'administration de quatre zones d'occupation : soviétique, américaine, britannique et française. Enclavé dans la zone soviétique, Berlin fut administré par une Kommandantura quadripartite. Par les accords de Potsdam (août 1945), les Alliés décidèrent le démantèlement des bases de la puissance militaire allemande (démantèlements industriels, confiscations à titre de réparations). Tout en réservant à la conclusion future d'un traité de paix la fixation des frontières définitives de l'Allemagne, les Occidentaux acceptèrent à Potsdam l'annexion de facto d'une partie de la Prusse-Orientale à l'URSS, de l'autre partie de la Prusse-Orientale, de la Prusse-Occidentale, de la Poméranie et de la Silésie à la Pologne. L'effondrement du IIIe Reich abolissait ainsi les résultats de quelque 700 ans de Drang nach Osten : le monde slave s'établissait désormais, du côté de l'Occident, sur la ligne Oder-Neisse. Les Allemands des territoires annexés à l'URSS et à la Pologne, et toutes les minorités allemandes de l'Est et du Sud-Est européen furent expulsés et transférés vers l'Ouest, dans des conditions tragiques, en 1945/46 ; aux 6 millions d'Allemands qui avaient fui vers l'Ouest au cours des derniers mois de la guerre s'ajoutèrent ainsi 6,5 millions de nouveaux réfugiés. La Prusse fut symboliquement dissoute par les Alliés (févr. 1947) qui entreprirent la dénazification (procès de Nuremberg, nov. 1945/oct. 1946), poursuivie plus tard par des tribunaux allemands. Anglo-Américains et Soviétiques n'entendaient pas remettre en question l'unité allemande ; seule la France qui n'était pas représentée à la conférence de Potsdam aspirait à son démembrement. Le Conseil de contrôle allié, installé en août 1945, constituait l'organisme suprême des décisions politiques et économiques, mais il fut difficile de s'entendre sur une politique commune, les Français et surtout les Soviétiques prenant dans leurs zones respectives des mesures autonomes. À partir de 1946, le développement de la « guerre froide » empêcha tout accord entre les anciens alliés et, de sept. 1945 à avr. 1947, les conférences des ministres des Affaires étrangères étalèrent au grand jour l'antagonisme croissant entre les Occidentaux et les Soviétiques. La conclusion d'un traité de paix devenait impossible. Face à la politique indépendante de l'URSS, les Américains proposèrent durant l'été la fusion économique des zones occidentales et, bien qu'ils se fussent heurtés quelque temps à l'opposition de la France qui voulait annexer économiquement la Sarre, ils entreprirent de favoriser le redressement économique de l'Allemagne occidentale et de crééer un État. Entre juin 1946 et mai 1947, des élections eurent lieu dans les trois zones occidentales et donnèrent naissance à trois grands partis : celui des chrétiens-démocrates (CDU auquel on rattache le CSU bavarois), successeur du Centre catholique, mais sans être un parti confessionnel, celui des sociaux-démocrates (SPD) et celui des libéraux (FDP). 000200000F8B0001107F F85,La République fédérale d'Allemagne En mars 1948, le Conseil de contrôle allié perdit son existence du fait du départ du représentant soviétique. À la conférence de Londres (juin 1948), la France accepta de réunir à la zone anglo-américaine sa propre zone, moins la Sarre. Il était prévu l'installation d'une Assemblée constituante et d'un gouvernement fédéral allemand, les trois puissances conservant le contrôle de la démilitarisation et de la production du charbon et de l'acier dans la Ruhr. La réforme monétaire fut réalisée le 20 juin et fut le point de départ du renouveau économique ouest-allemand. Les Soviétiques répliquèrent par une réforme monétaire dans leur zone et surtout par le blocus de Berlin (juin 1948/mai 1949). L'Allemagne de l'Ouest commençait à bénéficier du plan Marshall ; sa reconstruction s'élabora sur les bases d'une économie libérale de marché ce qui permit à la production industrielle d'atteindre, dès la fin de 1948, les trois quarts de celle de 1936. Le 1er sept. avait eu lieu, à Bonn, la première réunion du Conseil parlementaire des 65 membres désignés par les États provinciaux (les Länder) chargés d'élaborer un texte constitutionnel ; il se donna pour président Conrad Adenauer, chef de la CDU. Ses travaux aboutirent à une « loi fondamentale ». Approuvée par les trois puissances occidentales et ratifiée par tous les Länder à l'exception de la Bavière, elle fut votée par l'Assemblée constituante de Bonn. Elle fut promulguée le 23 mai 1949, jour de la naissance officielle de la RFA ou République fédérale d'Allemagne (Bundesrepublik Deutschland, BDR). C'était une fédération de dix États, ayant chacun son Parlement et son gouvernement pour gérer les affaires locales et les affaires culturelles. Berlin-Ouest ne fut pas inclus dans la RFA, mais des représentants berlinois purent siéger, sans droit de vote, au Parlement fédéral. Le pouvoir fédéral était organisé autour de deux Chambres, le Bundestag, élu au suffrage universel direct, et le Bundesrat, représentation des Länder. Le président de la République nommait le chancelier qui, élu à la majorité absolue par le Bundestag, exerçait la direction réelle des affaires. Le 14 sept. 1949, après l'élection de Theodor Heuss comme président, Konrad Adenauer fut choisi pour être chancelier et le resta quatorze ans. Par les accords de Petersberg (22 nov. 1949), la RFA entra au Conseil de l'Europe, obtint la responsabilité de ses affaires étrangères (févr. 1951) et l'arrêt définitif des démantèlements industriels et des réparations (mars 1951). Elle devint l'un des membres fondateurs de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (1951). Un problème surgit rapidement, celui de réarmement, en riposte à la création d'une « police populaire » en Allemagne de l'Est. Mais, peu soucieux de favoriser la renaissance du militarisme et du nationalisme allemands, Adenauer se rallia au projet d'armée européenne lancé par le gouvernement français. Ce projet ayant été repoussé par le Parlement français, les accords de Londres et de Paris (23 oct. 1954) permirent la renaissance d'une armée ouest-allemande autonome, sous commandement allemand, mais intégrée à l'OTAN. Le 8 mai 1955, la RFA était officiellement membre de l'Alliance atlantique. Quelques mois après, la Sarre refusait par référendum le statut d'autonomie que souhaitait la France et, en 1957, elle fut rattachée politiquement puis économiquement à la RFA qui retrouvait ainsi son intégralité territoriale. En mars 1957 elle faisait partie des États fondateurs du Marché commun et de l'Euratom. L'Allemagne de l'Ouest avait connu un « miracle économique » dont les moteurs avaient été l'aide américaine, l'assainissement monétaire de 1948 qui introduisit une nouvelle monnaie, le Deutsche Mark et la dévaluation de 1949 qui donna un coup de fouet aux exportations. S'y ajoutaient une concentration industrielle très poussée, une forte capacité d'investissements et un climat social quasiment pas troublé.

Avec Ludwig Erhard qui succéda à Adenauer d'oct. 1963 à oct. 1966, la CDU conserva le pouvoir ; le nouveau chancelier mena une politique plus « atlantique », mais son autorité fut contestée par le dirigeant de la CSU bavaroise, Franz Josef Strauss. Sous l'influence des libéraux, le chrétien-démocrate Kurt Georg Kiesinger dut former un cabinet de coalition où entraient Strauss, ministre des Finances, et deux ministres SPD, Willy Brandt aux Affaires étrangères et Karl Schiller aux Finances. Avec ce cabinet commença la politique d'ouverture à l'Est prônée par Willy Brandt. Un changement politique majeur survint en sept. 1969 où l'appui des libéraux aux SPD permit à Brandt de devenir le premier chancelier social-démocrate de l'Allemagne fédérale. Dans le cadre de la détente Est-Ouest, il mit sur pied l'Ostpolitik qui l'amena à reconnaître l'existence de deux États allemands. Le 12 août 1970, Brandt signa le traité germano-soviétique par lequel il entérinait la cession de la Silésie, de la Poméranie et d'une partie de la Prusse-Orientale à la Pologne dont il légitima la frontière Oder-Neisse. Un « traité fondamental » entre les deux Allemagnes fut signé le 21 décembre 1972 ; il établissait formellement des relations entre les deux États, sur un pied d'égalité, avec échange d'ambassadeurs. Les deux Allemagnes furent admises à l'ONU l'année suivante. Mais Brandt dut démissionner en 1974, un de ses plus proches conseillers ayant été convaincu d'espionnage au profit de l'Allemagne de l'Est. Dirigée par Helmut Schmidt, la coalition socialo-libérale, qui dut lutter contre les actions terroristes de la « Fraction armée rouge », dite « Bande à Baader », dura jusqu'en 1982. Le FDP s'allia alors à la CDU, dont le chef, Helmut Kohl, devint chancelier en oct. de la même année. L'Allemagne de l'Est Dans la zone qu'elle occupait, divisée en cinq Länder, l'URSS posa rapidement les bases d'un État communiste en entamant une réforme agraire et la nationalisation de l'industrie. Le parti social-démocrate dut fusionner avec le parti communiste ; ainsi naquit le parti socialiste uni d'Allemagne, ou SED (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands), dont Walter Ulbricht fut le secrétaire général. À partir de 1948, les Soviétiques confièrent des responsabilités économiques et politiques à des Allemands appartenant au SED. Un « congrès du peuple » adopta une Constitution établissant une république centralisée, sur le modèle des démocraties populaires de l'Europe de l'Est. Les Länder étaient maintenus mais ils devinrent en 1952 de simples districts. La Chambre du peuple (Volkskammer) était souveraine et le gouvernement responsable devant elle ; en réalité, l'exercice du pouvoir appartenait au bureau politique du parti. La République démocratique allemande (RDA, Deutsche Demokratische Republik, DDR) fut créée officiellement le 7 octobre 1949. Elle reconnut la ligne Oder-Neisse comme frontière, fut admise dans le Comecon (v.) en oct. 1950 et devint membre fondateur du pacte militaire de Varsovie. En Allemagne de l'Est, le démarrage économique fut très difficile. Les Soviétiques exigeaient des réparations et démantelaient le pays. La planification de l'économie et la collectivisation des campagnes n'apportèrent pas les résultats escomptés. Fuyant le système communiste, les paysans émigrèrent massivement vers l'Ouest. Chez les ouvriers, le mécontentement provoqué par les normes de production, au caractère impératif, par la pénurie alimentaire et le manque de logements, conduisit aux grèves insurrectionnelles de juin 1953 à Berlin. Les chars soviétiques écrasèrent l'insurrection mais ne purent ralentir le flot d'émigration (près de 3 millions de départs en 1949/61). Pour l'endiguer, la RDA construisit en août 1961, avec l'accord de l'URSS, un mur séparant entièrement Berlin-Est de la partie occidentale de la ville et la RDA de la RFA, ce qui arrêta la fuite vers l'Ouest. Une politique économique moins rigide fut alors mise en place, ce qui permit à la RDA de rattraper son retard et d'exporter, principalement vers les autres pays du Comecon. Mais ce fut aux dépens des biens de consommation. Aussi le niveau de vie des habitants de la RDA était-il, en 1976, toujours très inférieur à celui de l'Allemagne de l'Ouest. Politiquement, aucune libéralisation du régime ne s'était manifestée. Ses dirigeants ne consentirent que sous la pression de l'URSS à l'amélioration de ses relations avec l'Allemagne de l'Ouest. Au pouvoir depuis la création de la RDA, Walter Ulbricht prit sa retraite en 1971 et fut remplacé par Erich Honecker. 000200000E93000131DE E8D,L'Allemagne réunifiée À partir des années 1980, l'opposition au régime communiste commençait à se structurer autour de l'Église protestante et elle prit la forme d'un mouvement pacifiste pour les droits de l'homme et l'environnement. Les événements de Pologne furent âprement suivis et discutés. Les demandes officielles d'émigration s'accrurent, culminant en 1984 avec 41 000 personnes autorisées à partir. La contestation populaire ne cessant de croître, on osa parler de fraude électorale en mai 1989 et, le 11 septembre, un parti d'opposition fut créé, le Neue Forum. Les arrestations n'empêchèrent pas les manifestations qui, à partir du 7 octobre, se tinrent régulièrement tous les lundis. Le 18 octobre, Erich Honecker fut suspendu de ses fonctions et remplacé par Egon Krenz. Les événements s'accélérèrent, si bien que le 7 novembre le gouvernement démissionna, suivi le lendemain par le bureau politique du SED. Le 9 novembre 1989, ce fut la chute du Mur de Berlin et l'ouverture de la frontière avec la RFA. La RDA n'y survécut pas. Deux semaines après la chute du Mur, 250 000 personnes revendiquèrent pour la première fois la réunification des deux États allemands. Le 28 nov., saisissant l'occasion, le chancelier présentait son « Programme en dix points », où il développait l'idée d'une confédération pouvant déboucher sur une nouvelle fédération, à condition que les négociations fussent menées par deux gouvernements démocratiquement élus. Le nouveau gouvernement est-allemand dirigé par Hans Modrow mit en place une Table ronde qui décida l'élaboration d'une nouvelle Constitution, fixa la date des élections libres et la dissolution de la Stasi (police politique du régime). L'idée d'une communauté contractuelle entre les deux États fut approuvée ; le 22 déc., la porte de Brandebourg à Berlin fut ouverte aux personnes et le 24, l'obligation de visa et le change obligatoire furent supprimés. En 1989, 343 000 personnes avaient quitté la RDA pour la RFA. Succès pour Helmut Kohl, les élections du 18 mars 1990 à l'Est virent la victoire de la CDU contre le SPD dont le programme se limitait à une confédération de deux États séparés. Le 21 juin, les Parlements des deux Allemagnes ratifiaient le « traité d'État » entre les deux États qui réglait l'unification sur le plan constitutionnel et qui reconnaissait solennellement la frontière germano-polonaise. Le 1er juill. le Deutsche Mark devenait le seul moyen de paiement et la réunification constitutionnelle prit effet le 3 oct. 1990. La réunification fut entérinée par les quatre vainqueurs de la guerre ; le 12 sept. 1990, l'Allemagne retrouvait sa pleine souveraineté intérieure et extérieure. En juillet, un obstacle de taille avait été levé lorsque Gorbatchev avait accepté, en échange d'une aide économique de 15 milliards de Deutsche Mark, que l'Allemagne réunifiée devînt membre de l'OTAN. Helmut Kohl et son parti remportèrent les premières élections législatives du pays unifié en déc. 1990 ainsi que celles de 1994. Mais l'Allemagne connut une série de difficultés économiques dues au coût de la réunification et à la crise économique internationale. S'y ajoutèrent les crises politiques du monde, en particulier en ex-Yougoslavie, où des soldats allemands participèrent aux missions de maintien de la paix. Les élections de 1998 virent la victoire du parti SPD qui, avec l'appui des Verts, obtint la majorité absolue au Bundestag. Gerhard Schröder devint chancelier et son pays adopta l'euro comme monnaie malgré les réticences de nombre d'Allemands ; il parvint à introduire dans le code de la nationalité la notion de droit du sol. Le scandale du financement illégal de la CDU lui permit de remporter, de justesse, les élections de 2002.

« Allemagne 1991-1992 La facture de l'unification En Allemagne, l'année 1991-1992 a commencé avec une surprise de taille.

A la suite de débats passionnés, le Bundestag, le Parlement, a finalement décidé le 20 juin 1991, à une très courte majorité de dix-huit voix, le choix de Berlin comme futur siège du gouvernement et des institutions.

Coût prévisionnel de ce déménagement: au minimum 170 milliards FF.

Ce vote fut un véritable choc pour de nombreux Allemands de l'Ouest - et pas seulement à cause de la facture de l'opération.

Pour la première fois en effet, il leur est clairement apparu que l'espoir, né après l'unification allemande du 3 octobre 1990, de reprendre le cours normal de leur vie appartenait désormais au passé: le paradis semblait bel et bien perdu. Les mois suivants ont démontré à plusieurs occasions combien les choses avaient changé.

Les exemples en ont été multiples: en politique étrangère, avec la reconnaissance de la Croatie; en matière économique, avec la montée de l'inflation; et en politique intérieure, avec le problème du nombre croissant d'immigrés venant d'Europe de l'Est. De nouvelles ambitions diplomatiques Frédéric II de Prusse (1712-1786) avait souhaité des funérailles "sans tambour, ni trompette".

Or, le 18 août 1991, quand il fut de nouveau inhumé à Potsdam, il eut droit à un enterrement en grande pompe, en présence du chancelier Helmut Kohl (CDU).

Sa dépouille mortelle avait en effet été transférée en République fédérale d'Allemagne (RFA) à la fin de la Seconde Guerre mondiale, juste avant l'arrivée des communistes à Berlin.

Pour certains, cet enterrement aura été une simple cérémonie du souvenir, mais pour d'autres, l'Allemagne aura ainsi démontré sa volonté de renouer avec la grande politique de la Prusse d'antan.

En tout état de cause, l'événement est apparu comme un signe avant-coureur du débat à venir sur l'évolution de la politique étrangère du pays.

Les deux guerres du Golfe et de la Croatie, et le rôle qu'a joué l'Allemagne à cette occasion, en ont clairement montré l'enjeu. Dans le conflit du Moyen-Orient, l'État a mené sa politique extérieure classique, celle que ses critiques commentateurs nomment la "diplomatie du chéquier".

Elle est restée militairement en retrait, mais, selon le chancelier Kohl, a payé environ 40 milliards FF.

La diplomatie allemande a réagi tout autrement après le 1er août 1991, date du début de la guerre en Croatie.

Très tôt, elle a favorisé une reconnaissance rapide de cette ancienne république fédérée de la Yougoslavie, ce qui a suscité un agacement marqué dans d'autres pays de la Communauté européenne (CEE).

Mais le 16 décembre, les Douze finirent par rejoindre la position allemande et décidèrent que la reconnaissance serait effective le 15 janvier 1992. Ces réactions face aux deux conflits doivent être reliées à la politique intérieure.

La guerre du Golfe était extrêmement impopulaire, le pays étant plutôt pacifiste.

En revanche, la lutte croate contre le "serbo-communisme" était bien vue par l'opinion publique, en particulier par les médias.

Il est vrai que la Yougoslavie était l'une des destinations touristiques favorites des Allemands.

L'attitude allemande dans le cas de la Croatie a cependant marqué un profond changement dans la vision de certains hommes politiques, surtout chez les conservateurs: "Mener une politique extérieure restreinte comme c'était le cas jusqu'à présent, ne correspond pas, en fait, à nos capacités économiques, technologiques et financières", soulignait ainsi en 1991 Volker Rühe (CDU, Union démocrate-chrétienne) qui allait être nommé ministre de la Défense le 31 mars 1992. L'opposition social-démocrate n'avait quant à elle, à la mi-1992, toujours pas. »

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