Adler, les Névroses (extrait)Dans ce texte de 1928, publié en
Publié le 18/05/2020
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Adler, les Névroses (extrait)
Dans ce texte de 1928, publié en français en 1969 dans un ouvrage intitulé les Névroses, Alfred Adler s’intéresse à « la constellation familiale » et plus précisément à la place occupée par chaque enfant au sein d’une famille, en fonction de sa position dans la hiérarchie fraternelle.
Lui-même deuxième d’une famille de six enfants était jalouxde son frère aîné prénommé Sigmund, ce qui n’est pas sans faire écho à la distance voire à l’inimitié qui a présidé à ses relations avec Sigmund Freud.
Il décrit ici, dans unlangage clair et accessible, des situations familiales que tout un chacun peut avoir vécu ou observé.
Les Névroses d’Alfred Adler (chapitre 7, « La constellation familiale »)
C’est une erreur commune de s’imaginer que les enfants de la même famille sont formés dans le même milieu.
Il va de soi qu’il y a beaucoup de points communspour tous, dans le même foyer ; mais la situation psychique de chaque enfant est individuelle et diffère de celle des autres, à cause de l’ordre de la naissance.
Il s’estproduit quelques malentendus sur l’habitude que j’ai de classer les enfants selon leur situation dans la famille.
Ce n’est pas, naturellement, le numéro d’ordre del’enfant dans la succession des naissances qui influe sur le caractère, mais la situation dans laquelle l’enfant est né.
Si, par exemple, le fils aîné est faible d’esprit oudécouragé, le second est susceptible d’acquérir un style de vie similaire à celui d’un aîné et, dans une grande famille, si deux enfants sont nés beaucoup plus tard que les autres et grandissent ensemble, séparés des aînés, l’aîné de ces deux enfants risque de se développer comme un aîné.
C’est également ce qui arrive parfois dans lecas de jumeaux.
Le premier enfant a la situation unique d’avoir été seul, au début.
Étant ainsi le point de mire de la famille, il est généralement gâté.
Il ressemble en cela à l’enfantunique et, dans les deux cas, il est presque inévitable que l’enfant soit gâté.
Cependant, le premier enfant souffre, en général, d’un important changement de situation,étant détrôné quand le second bébé est né.
Il n’est généralement pas du tout préparé à ce changement et a l’impression qu’il a perdu son privilège d’être le centre del’affection et de l’amour des parents.
Il se produit alors dans son esprit une forte tension et il s’efforce de regagner la faveur perdue.
Il se sert de tous les moyens parlesquels il a, jusqu’ici, attiré l’attention des siens.
Naturellement, il voudrait s’y prendre de la meilleure manière, se faire aimer pour sa sagesse ; mais celle-ci risquede passer inaperçue, alors que tout le monde s’affaire autour du nouveau venu et il est alors susceptible de changer de tactique, de revenir à d’anciennes activités quiattiraient l’attention, même de manière peu favorable et d’y avoir de plus en plus recours.
S’il est intelligent, il agit intelligemment, mais pas en bonne harmonie avecles exigences familiales.
L’opposition, la désobéissance, les attaques contre le bébé, ou même des essais de jouer le rôle d’un bébé forcent les parents à reconsidérerson existence.
Il lui faut occuper le centre de la scène, même au prix de manifestations de faiblesse et d’imitation d’un retour à la petite enfance.
Ainsi, étanthypnotisé par le passé, il atteint son but actuel par des moyens inappropriés, se montrant, tout à coup, incapable de remplir tout seul ses fonctions, ayant besoind’aide pour manger ou aller à la selle, exigeant d’être constamment surveillé ou forçant la sollicitude en se mettant en danger ou en terrifiant ses parents.
L’apparitionde caractéristiques telles que la jalousie, l’envie ou l’égoïsme est en rapport certain avec ces circonstances.
D’autre part, celles-ci peuvent faire que l’enfant secomplaise dans des maladies telles que l’asthme ou la coqueluche (ou qu’il les prolonge).
La tension, chez certains types d’enfants, peut produire des maux de tête, dela migraine, des troubles stomacaux, le petit mal ou la danse de Saint-Guy.
Des symptômes plus légers se manifestent : aspect fatigué ou revirement regrettable de laconduite, par lesquels l’enfant impressionne ses parents.
Naturellement, plus le bébé naît tard, plus les modifications du comportement de l’aîné se montrentintelligentes et compréhensibles.
S’il est détrôné de bonne heure, la nature de ses tentatives sera plus proche de l’instinct.
Dans tous les cas, ses efforts serontconditionnés par la réaction des autres personnes de l’entourage et la façon dont il la conçoit.
Si, par exemple, l’enfant détrôné pense qu’il peut vaincre par la lutte, ildevient combatif.
Si le combat ne paie pas, il risque de perdre espoir, de faire de la dépression, de marquer un point en tourmentant et en effrayant ses parents, aprèsquoi, il pourra avoir recours à des misères encore plus subtiles pour arriver à ses fins.
[…]
Source : Adler (Alfred), les Névroses, trad.
par Odette Chabas, Paris, Aubier-Montaigne, 1969.
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