ACTE III, SCÈNE 3 (Dom Juan de Molière)

« ACTE III, SCÈNE 3 (Dom Juan de Molière) (DON JUAN, DON CARLOS, SGANARELLE) RESUME Don Juan a réussi, en compagnie du gentilhomme, à mettre en fuite les trois voleurs.

Les deux hommes rentrent enscène l'épée à la main.

Avec solennité, Don Carlos remercie Don Juan pour son intervention généreuse.

Don Juanl'interrompt galamment : Don Carlos eût agi de même, c'est une question d'honneur.

Puis Don Juan interroge DonCarlos.

Que faisait-il seul dans la forêt ? Il s'est fait surprendre par des voleurs, explique-t-il, alors qu'il cherchait àrejoindre son frère et les gens de sa suite.

Tous deux sont en route pour une « fâcheuse affaire » d'honneur.

Et DonCarlos déplore cette cruelle loi de l'honneur qui asservit le gentilhomme et l'oblige, au péril de sa vie ou tout aumoins de son repos, à châtier le coupable.

Quelles que soient son honnêteté et sa prudence, le gentilhomme esttoujours à la merci du dérèglement d'autrui ! Don Juan s'enquiert plus précisément de l'affaire qui occupe Don Carlos.

Il s'agit de leur soeur, explique-t-il.

Celle-cia été séduite et enlevée d'un couvent par un certain Don Juan Tenorio.

Ils sont sur les traces de cet homme depuisquelques jours sans pouvoir le trouver.

Don Juan ruse.

Don Carlos le connaît-il, ce Don Juan ? Non, répond-il.

Seulson frère le connaît, mais sa réputation le précède.

Don Juan l'arrête.

Il est de ses amis et ne peut accepter d'enentendre dire du mal.

Toutefois il comprend la position de Don Carlos et convient qu'on ne saurait offenser impunément desgentilshommes.

Il s'offre comme intermédiaire et s'engage à lui amener Don Juan à l'heure et à l'endroit que DonCarlos choisira, afin de régler le conflit des armes.

« Faut-il que je vous doive la vie, et que Don Juan soit de vosamis ? » s'exclame Don Carlos désespéré. COMMENTAIRE Une atmosphère romanesqueAprès un Don Juan satanique, un Don Juan chevaleresque.

La rencontre inopinée d'un homme attaqué par troisvoleurs lui donne l'occasion de montrer sa bravoure et son sens de l'honneur.

Mais conformément à la règle desbienséances, le duel avec les brigands n'a pas lieu sur la scène.

Don Juan ferraille en coulisses, et c'est Sganarellequi, comme les confidents de tragédie, nous en avertit et commente le combat.

Cette scène a surtout pour objet decréer une situation inextricable pour Don Carlos, mis en demeure de poursuivre celui qui lui a sauvé la vie.

Situationcornélienne que vient pourtant égayer le comique du quiproquo entretenu par Don Juan.

En outre, la révélation del'identité des protagonistes crée un suspense quant à l'issue de la situation.

Cette scène donne à Molière l'occasionde peindre des caractères de grands seigneurs, qui font assaut de bravoure et de courtoisie, dans une atmosphèretoute romanesque. Le problème de l'honneurDepuis Richelieu en effet, le duel est interdit.

Aussi, la sauvegarde de l'honneur, qui incombe à toute la famille (ils'agit ici de venger l'enlèvement d'une sœur, sans se soucier de savoir si celle-ci est consentante ou non), risque-t-elle de tomber sous le coup de la loi.

Molière se fait ici l'écho de l'évolution de la noblesse de son temps, dont lesvieilles valeurs féodales se heurtent à la nouvelle législation et au pouvoir royal.

Il s'agit en outre de la noblesseespagnole, particulièrement sensible à la question de l'honneur.La noblesse du styleCette scène est remarquable par son style.

De même que Molière a su faire parler des paysans dans le patois d'He-de-France, de même ici, il manie le langage châtié avec l'élégance un peu surannée des gentilshommes : vocabulaireabstrait (« honneur », « honnête homme », « honnêteté » reviennent à plusieurs reprises), longues phrasesorganisées en périodes comme dans la prose littéraire de l'époque, politesses multiples, etc.. »