Databac

A propos du romancier, Marcel Proust écrit: D'un mot, il peut nous affranchir. Par lui, nous perdons notre ancienne condition pour connaître celle du général, du tisseur, de la chanteuse, du gentilhomme campagnard, la vie des champs, le jeu, la chasse, la haine, l'amour, la vie des camps... Notre infortune ou notre fortune cesse pour un instant de nous tyranniser... C'est pourquoi, en fermant un beau roman triste, nous nous sentons si heureux. Commentez et critiquez.

Publié le 09/12/2021

Extrait du document

Ci-dessous un extrait traitant le sujet : A propos du romancier, Marcel Proust écrit: D'un mot, il peut nous affranchir. Par lui, nous perdons notre ancienne condition pour connaître celle du général, du tisseur, de la chanteuse, du gentilhomme campagnard, la vie des champs, le jeu, la chasse, la haine, l'amour, la vie des camps... Notre infortune ou notre fortune cesse pour un instant de nous tyranniser... C'est pourquoi, en fermant un beau roman triste, nous nous sentons si heureux. Commentez et critiquez.. Ce document contient 1362 mots. Pour le télécharger en entier, envoyez-nous un de vos documents grâce à notre système d’échange gratuit de ressources numériques ou achetez-le pour la modique somme d’un euro symbolique. Cette aide totalement rédigée en format pdf sera utile aux lycéens ou étudiants ayant un devoir à réaliser ou une leçon à approfondir en : Littérature
Le facteur imagination domine : c'est ainsi que le type de roman qui a pris le plus d'ampleur est le roman sentimental. Là elle peut se donner libre cours, et jusqu'à divaguer. L'amour est le sentiment auquel l'homme est le plus sensible. Et c'est dans une floraison d'ouvrages que l'homme peut choisir lui-même l'amour qu'il voudrait vivre. Avec Adolphe, il sera d'abord animé d'une passion déchirante, puis sera déçu et languira. Mais si Adolphe ne lui plaît pas toujours, alors il s'imaginera que lui, désormais le héros, vit autrement, aime Ellénore pour toujours, ne languit pas et n'est pas partagé entre son devoir - son père - et son amour - sa femme. Vivant une vie idéale, il aimera une Ellénore fictive d'autant plus fortement que la véritable aura été malheureuse. Ici encore, le roman n'aura été qu'un moyen de s'évader ; ensuite il n'est qu'accessoire... Ou bien encore, le lecteur se verra pleurant au chevet de Mme Bovary, ou s'évadant avec Mme de Rénal, délaissant Mathilde, sans égards pour le véritable Julien et pour son histoire. S'il est violent et passionné par nature, il aimera une Françoise comme Buteau, en brute ; s'il est timide, il aimera Mme de Chasteller ; s'il est déçu, mais sage, il s'éloignera de Madeleine comme Dominique.

« Marcel Proust considère le romancier comme pouvant être pour nous le faiseur d'une vie nouvelle, et noustransporter de notre existence quelconque, aussi bien mouvementée, pleine de dangers ou de succès, que banale etdu premier homme venu.

Le roman est et doit être un moyen d'oublier momentanément ou notre joie ou nos soucis.Enfin, ajoute-t-il, un roman bien composé, à la fois bien écrit et bien mené, un beau roman, a le pouvoir de nousrendre heureux pendant un moment, qu'il soit triste et émouvant ou déborde de joie.Le pouvoir du romancier sur les imaginations s'est constaté dès l'apparition du genre.

Les cœurs ont palpité, à lalecture des aventures de L'Astrée, les gens se sont vus, eux aussi, aimant comme Julie et Saint-Preux, d'un amouridéal et pur : particulièrement les femmes à l'âme sensible.

Puis certains romans ont déchaîné des élansd'enthousiasme, comme le Werther de Goethe introduit en France par Mme de Staël : les écrivains, à la vue de cesuccès, ont persévéré dans cette voie.

Alors se sont propagés d'un pays à l'autre de nombreux romans.

On y atrouvé le moyen soit d'exprimer des idées personnelles ou philosophiques, soit de raconter simplement pour toucher.Le désir de liberté de l'époque a pu se contenter dans cette matière assez vaste.

Ce fut la découverte de grandsnoms : Balzac, puis Flaubert, puis Zola, plus tard Stendhal.

Le roman est donc un genre récent : cette rapide revuemontre la prépondérance de plus en plus grande qu'il a prise jusqu'à notre siècle où il se développe maintenant avecune floraison étonnante et prouve l'influence qu'il a exercée par le nombre croissant de ses lecteurs.Mais si la cause de ce pouvoir est complexe et tient aussi bien des qualités du romancier que du lecteur lui-même,ses effets sont analysables ; ils ont donné naissance à un immense suives dû au fait que le roman fait vivre aulecteur une autre vie que la sienne, dont il est las : ce changement à lui seul le rend heureux.

Le bourgeois parisiena pu ainsi assister à la débâcle de l'armée française et à son encerclement dans Sedan, grâce à Zola ; de même lesoldat, plus tard, a pu participer à la vie de la noblesse et de la bourgeoisie dans les salons de Nancy et de Parisavec Lucien Leuwen, comme s'il s'y était trouvé.Pris par le feu de l'action, vivant les exploits de chacun, le bourgeois pourra subir les événements dans la personnede Maurice Levasseur, simple soldat perdu dans les flots humains, ou bien assister à la longue marche de l'armée,dans celle d'un général ; il pourra voir, avec les yeux de Delaherche, les grandes lignes de la bataille ou ses petitsdétails atroces par ceux du Major Bauroche.

Bref, il peut vivre l'histoire, non en spectateur, mais en homme qui l'avécue.

Et puis, au cours de sa lecture, son imagination lui fera voir tous les exploits qu'il accomplit, ou lessouffrances qu'il endure, et bien d'autres choses encore qu'il inventera sans même que l'auteur le lui suggère.Mais ce n'est là qu'un aspect de l'attraction du roman : le lecteur va aussi pouvoir vivre hors de sa condition danscelle qu'il choisira.

Il pourra être le docteur Pascal probe, honnête, amoureux de la science, ou bien chercher à sefaire une nouvelle vie dans les personnes de Pierre Rougon et de sa femme.

Il pourra être le simple campagnard etvivre une vie tranquille avec Bouvard ou Pécuchet, ou même le gentilhomme campagnard, comme le suggère Proust: il vivra alors la vie de Dominique de Bray, grâce à Eugène Fromentin.

Il pourra être le paysan Jean Macquart, mêmes'il se considère plus intelligent que lui, simplement par le seul fait qu'il vivra une autre vie, qu'il y aura unchangement à la sienne.

S'il veut connaître le jeu, il fera appel à Dostoïevski.

Ainsi le roman est presque, peut-ondire, un moyen de s'aérer, de se reposer de son état.

Le noble peut être l'ouvrier, et l'ouvrier le noble.

Pour subir lahaine et le mépris, ils seront martyrs en la personne de Quasimodo ; s'ils veulent haïr, ils seront la foule.

S'ils veulentsouffrir, connaître des épreuves pénibles, s'ils veulent être des parias ou inspirer la pitié, alors, ils seront JeanValjean ou bien Iohann Moritz, victime de la « vingt-cinquième heure », de l'esclavage moderne par la technique.Laisser la possibilité à l'imagination de s'exercer pleinement, * voilà donc un des facteurs les plus importants de lavaleur d'un roman.

Et le bon romancier le sait.

C'est pourquoi l'on dit souvent du lecteur qu'il est, outre unpersonnage même t du roman, celui qui le fait vivre, le met au jour, le recrée, se trouvant ainsi, en quelque sorte,être son second auteur.

Cela explique d'ailleurs les succès différents d'un roman, d'unepersonne à l'autre, selon son imagination.Le facteur imagination domine : c'est ainsi que le type de roman qui a pris le plus d'ampleur est le romansentimental.

Là elle peut se donner libre cours, et jusqu'à divaguer.

L'amour est le sentiment auquel l'homme est leplus sensible.

Et c'est dans une floraison d'ouvrages que l'homme peut choisir lui-même l'amour qu'il voudrait vivre.Avec Adolphe, il sera d'abord animé d'une passion déchirante, puis sera déçu et languira.

Mais si Adolphe ne lui plaîtpas toujours, alors il s'imaginera que lui, désormais le héros, vit autrement, aime Ellénore pour toujours, ne languitpas et n'est pas partagé entre son devoir — son père — et son amour — sa femme.

Vivant une vie idéale, il aimeraune Ellénore fictive d'autant plus fortement que la véritable aura été malheureuse.

Ici encore, le roman n'aura étéqu'un moyen de s'évader ; ensuite il n'est qu'accessoire...

Ou bien encore, le lecteur se verra pleurant au chevet deMme Bovary, ou s'évadant avec Mme de Rénal, délaissant Mathilde, sans égards pour le véritable Julien et pour sonhistoire.

S'il est violent et passionné par nature, il aimera une Françoise comme Buteau, en brute ; s'il est timide, ilaimera Mme de Chasteller ; s'il est déçu, mais sage, il s'éloignera de Madeleine comme Dominique.Ainsi, en fermant Adolphe, Le Rouge et le Noir, La Terre, Dominique ou Lucien Leuwen, il aura aimé selon son désir.Riche, il aura oublié son argent et ses affaires ; pauvre, il aura oublié ses dettes* : le premier aura vécu pauvre, lesecond aura vécu riche.

Tous deux auront aimé pour un temps, même s'ils ont pleuré, même s'ils ont été trompés, ilsauront vécu suivant leur volonté : ils seront heureux...Ces quelques exemples et une expérience personnelle montrent la puissance du romancier sur nous : en disant que «d'un mot il peut nous affranchir », Proust n'exagère pas.

Le romancier a une tâche : écrire son roman, aussiémouvant que possible pour lui-même ; mais pour la création de l'œuvre, pour sa naissance dans le monde, lejugement du public est le second facteur.

Tout ne revient pas à l'auteur ; il y a l'imagination, cette faculté qui,depuis son épanouissement chez les romantiques, est apparue comme un nouvel élément de la littérature.

La joie dulecteur vient alors du fait d'un changement, d'une évasion, d'un rêve, d'autant plus profonds, donc plus agréables,que l'imagination est plus grande.

Il y a de nos jours un tel choix, la gamme des romans est si étendue et le genre sicourant, qu'un lecteur peut vivre la vie qu'il veut, quelle que soit sa condition, dans la condition qu'il désire.

Voilà lemoyen, ou plutôt un moyen, malheureusement factice, de se créer une vie.

Car de nos jours, l'imagination a pourelle autre chose : bien des gens délaissent le roman pour vivre une autre vie...

au cinéma.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles