A propos des utopies, le philosophe contemporain Cioran affirme : « La nouvelle terre qu'on nous annonce affecte de plus en plus la figure d'un nouvel enfer. »
Publié le 20/12/2021
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A propos des utopies, le philosophe contemporain Cioran affirme : « La nouvelle terre
qu'on nous annonce affecte de plus en plus la figure d'un nouvel enfer.
» Expliquez et
discutez cette affirmation en vous appuyant sur le corpus et vos lectures personnelles ?
A partir du début du XIXe siècle, les utopies qui apparaissent prennent une fonction
déviée par rapport au genre inauguré par Thomas More en 1516 : le socialisme utopique
du XIXe est orienté vers l'idée d'une réalisation concrète, tandis que l'ouvrage de More,
Utopia, avait plus une fonction d'outil critique de la société contemporaine.
Parallèlement,
le discours change : le communisme, théorisé par Marx, devient une fin possible à
atteindre et dont il faut accélérer l'avènement.
Les accents messianiques de ce discours
sont soulignés par l'expression de Cioran : "la nouvelle terre qu'on nous annonce"; ce
changement de statut de l'utopie est problématique : doit-elle rester "utopique"? ne
risque-t-elle pas, en imprimant une action au réel, de devenir "diabolique"?
I.
Annoncer l'avènement d'un monde meilleur
Marx, dans le Capital, démonte les ressorts de l'histoire et de la société d'un point de vue
économique : l'homme, pour vivre, doit reproduire les biens nécessaires à sa vie; dans
ce but il s'unit à d'autres hommes, ils mettent en commun leurs forces productives; la
nature de ces forces (bras, puis outils, puis machines) en changeant elle-même change
les "rapports de production" dans la société : ces rapports délimitent l'accès aux forces
productives.
Ainsi dans la société capitaliste, la bourgeoisie a seule accès aux forces de
production (elle possède les entreprises et les machines) et a donc prédominance sur la
classe ouvrière.
Le texte affirme que le moteur de l'histoire est, avant la lutte des classes, le
développement des forces productives (ici, le machinisme).
Or, Marx présente celles-ci
comme ayant leur devenir propre; s'appuyant sur cette idée,il rend inéluctable ce qui
devrait suivre : la diminution progressive du nombre de possédants, parallèlement à
l'augmentation du nombre d'ouvriers; jusqu'à arriver au renversement opéré par la
révolution prolétarienne, qui permettra que les forces de production tombent aux mains
des ouvriers, dans la "dictature des prolétaires".
On remarque un élément nouveau par rapport aux utopies traditionnelles : celle-ci
affirme que son modèle est réalisable, et plus : inéluctable.
II.
Les défaillances d'un tel système, appliqué à la réalité
_C.
Castoriadis, L'institution imaginaire de la société : il exprime l'idée que dans une telle
société, fondée entièrement sur l'idéologie marxiste et sur la reconnaissance de sa
viabilité, la direction du développement devrait être entièrement confiée aux techniciens
de cette rationalité marxiste : ils sont en effet fondés en raison à avoir le pouvoir.
Ce qui
aboutirait à un exercice absolu du pouvoir, aux mains des "savants" isolés; tandis que les
travailleurs ne pourraient montrer qu'ils ont conscience de leur mission qu'en obéissant
au mot d'ordre.
_Claude Lefort fait une critique du marxisme en s'appuyant sur la dérive totalitaire de
l'URSS : il dénonce dans un tel régime l'identification du peuple au prolétariat, du
prolétariat au parti et du parti à l'organe dirigeant: cette tentative dévoile le fantasme
d'une société totalement homogène, soudée, comme un corps soudé à sa tête.
Il donne
comme modèle opposé celui de la démocratie, qui repose sur une perpétuelle tension
entre les différentes composantes de la société, en allant souvent à la limite de la
fracture; à l'inverse, dans la société totalitaire, les dirigeants, maîtres de l'idéologie,
concentrent Pouvoir, Loi et Savoir (pôles qui sont séparés dans la démocratie).
III.
La fonction de l'utopie doit être cantonnée à l'imaginaire social.
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