A la question : qu'y a-t-il de vrai dans vos histoires? le romancier contemporain Michel Tournier avoue être tenté de répondre : « Rien, j'ai tout inventé. » Pensez-vous, d'après vos lectures, que tout soit inventé dans les romans?
Publié le 21/12/2021
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A la question : qu'y a-t-il de vrai dans vos histoires? le romancier contemporain
Michel Tournier avoue être tenté de répondre : « Rien, j'ai tout inventé.
»
Pensez-vous, d'après vos lectures, que tout soit inventé dans les romans?
On s'interroge souvent sur la part du vrai et de la fiction dans le roman, certains
considèrent que « c'est du roman », donc une œuvre d'imagination, d'autres pensent au
contraire qu'il se rapproche souvent de la réalité.
Michel Tournier, écrivain contemporain
à qui l'on demandait ce qui était vrai dans ses romans, avait envie de répondre : « Rien,
j'ai tout inventé.
» Est-ce une boutade, ou l'aboutissement d'une réflexion ?
Sans doute le roman est invention, mais il comporte beaucoup de réalité, et il est bien
plus une recréation qu'une simple œuvre d'imagination.
Le roman est invention, c'est l'opinion la plus courante, aussi bien pour l'histoire et les
personnages que pour le cadre, semble-t-il.
C'est l'impression que donnent de nombreux romans au lecteur : la Princesse de Clèves
n'a jamais existé que dans l'imagination de Madame de La Fayette, et ses sentiments
pour le duc de Nemours ne retracent pas une réalité historique.
Au XIXe siècle, les
personnages de La Chartreuse de Parme, Fabrice del Dongo, Clélia Conti et la duchesse
Sanseverina ne représentent pas des personnages précis de la Cour de Parme, le Père
Goriot n'est pas un homme qu'a connu Balzac, et son dévouement excessif à ses filles
n'est pas un compte-rendu d'un drame réel.
De même dans les romans policiers d'Agatha
Christie, ou les romans modernes de Françoise Sagan, ni l'histoire ni les personnages ne
semblent vrais : ils sont inventés.
Le cadre est parfois aussi sorti de l'imagination de l'auteur, même si on remarque que
c'est plus rare : c'est le cas des romans de science-fiction, tels ceux de Pierre Boulle ou
des OMS, c'est le cas des contes de fées, qu'on peut peut-être assimiler au roman : le
château de La Belle au Bois Dormant est tout à fait fantastique : c'est plus souvent un
cadre modifié, un mélange entre différents cadres, c'est ainsi qu'il n'y a pas de
Chartreuse à Parme, et que la Cour de Henri II décrite dans la Princesse de Clèves est
bien plus souvent celle de Louis XIV.
C'est donc bien la définition même du roman : quand on dit à quelqu'un qu'il « raconte
des romans », on peut dire qu'il raconte des mensonges ; et on peut penser d'autre part
que si le lecteur lit des romans, c'est pour s'évader dans un autre monde, et non pour
retrouver sa réalité quotidienne.
Malgré son caractère de fiction, on ne peut oublier que le roman comporte beaucoup de
réalité, dans les romans réalistes bien sûr, mais aussi dans beaucoup d'autres types de
romans.
Les descriptions minutieuses qui commencent les romans de Balzac paraissent souvent
Bien loin de l'invention : avant d'en venir au caractère d'Eugénie Grandet, l'auteur écrit
de longues pages sur la ville de Tours, le quartier, la rue, l'extérieur de la maison,
l'intérieur et enfin l'apparence de la jeune fille et de son entourage.
De la même façon,
Flaubert, romancier réaliste, décrit dans les plus grands détails la casquette de Charles
Bovary et la pièce montée de son mariage, Zola s'est longuement documenté dans des
livres et par des témoignages directs sur la vie des mineurs, leur travail, leurs maladies,
avant d'écrire Germinal.
Même Gérard de Villiers va passer quelques semaines dans
chaque pays où il situe l'action de ses SAS.
C'est toujours l'idée des théoriciens réalistes,
les Goncourt, et plus tard Maupassant, dans La Préface de Pierre et Jean, d'après
lesquels seule une accumulation de détails permet de traduire le vrai.
Tout n'est pas toujours invention non plus dans les personnages, ou dans l'histoire : ainsi
Stendhal pour Le Rouge et le Noir, Flaubert pour Madame Bovary, se sont inspirés de
faits divers de leur époque : c'est alors une transposition dans le roman.
Certaines
tendances autobiographiques apparaissent dans l'Éducation sentimentale, où Flaubert
transpose sur Frédéric et Madame Arnoux son amour de jeunesse pour Élise Schlesinger,
dans A la Recherche du Temps perdu, où Proust retrouve la mémoire disparue de son
enfance et de son adolescence, pour en arriver à sa vie d'adulte, dans L'Immoraliste, où
Gide se confie sur ses tendances et ses amours particulières.
Enfin certains romans.
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