Paul Morand
Paul Morand est né à Paris en 1888, décédé en juillet 1976. Une vie bien longue, au vrai, pour cet homme qui fleurtait si joliment avec la promptitude. Enfant cultivé, puis élève de l’Insitut des Sciences politiques, enfin diplomate distingué, Paul Morand ne laissa guère ensuite de voyager, tantôt pour les besoins du métier, tantôt pour les exigence du cœur. L'Académie française lui ouvrit ses portes en 1968. Ses premiers écrits furent poétiques : Lampes à Arc et Feuilles de température disent déjà le personnage : amoureux de la concision et gourmand de fantaisie. Ensuite seulement vinrent ses nombreuses nouvelles qui firent de Morand l’un des maîtres du genre, patriarche français du conte bref et du récit ciselé. Il obtint ses plus grands succès avec Tendres stocks (ouvrage préfacé par Marcel Proust), Ouvert la nuit, Fermé la nuit, Rien que la terre, livre publié en 1926 par André Malraux, Milady, Le prisonnier de Cintra et Les écarts amoureux. Au total, une petite centaine de titres où l’on découvre, outre le Morand nouvelliste, un historien (Isabeau de Bavière}, un essayiste {Guy de Maupassant), voire un dramaturge {Le voyageur et l’amour). Peinture truculent des années folles et observateur plus grave de l’après-guerre, cosmopolite de l’écriture (on va, dans Fermé la nuit, de Constantinople à Rome, de l’Irlande à l’Allemagne), Paul Morand n’aimait pas à s’attarder sur d’inutiles émotions, d’évidentes passions... Il avait plutôt l’art de glisser ses sentiments entre deux virgules. Déjà, Paul Morand était en avance sur son époque, atteignant parfois, dans cette langue rapide, à une modernité où nombre d’écrivains aujourd’hui sauraient se reconnaître. Si l’on mettait bout à bout tous les textes de Paul Morand, c’est un monde, assurément, que l’on verrait sourdre : dans l’acception géographique mais aussi humaine. Nul mieux que lui ne sut croquer les personnages, observer les tempéraments, raconter des vies — avec cette pointe de moralisme qui donne à l’ensemble un goût de fini. Il en est de ses livres comme de ce monde : on peut y vivre, s’y installer, n’en plus démordre. Morand nous offre une palette de personnages et un éventail de lieux : pourquoi ne pas s’en suffire ? Et l’on pense à cette Mlle de Briséchalas {A la fleur d’oranger) qui lit davantage qu’elle n’existe dans la réalité, «avalant à chaque bouchée plus de mots que d’aliments ». Silencieux sur lui-même, ne s’offrant pas volontiers aux journalistes et aimant à garder le mutisme du personnage de Tais-toi, Morand cultiva parallèlement dans son style une discrétion et une distinction — jusque dans la peinture d'Hécate et ses chiens — qui révélèrent, à n’en point douter, la trempe inimitable d’un de nos derniers écrivains classiques. Aussi, d’un de nos derniers grands voyageurs à col dur.
Principaux titres : Tendres stocks, 1921, Gallimard. Ouvert la nuit, 1922, Gallimard. Fermé la nuit, 1923, Gallimard. Mi lady, 1936, Gallimard. Rien que la terre, 1926, Grasset. Papiers d'identité, 1933, Grasset. Réflexes et réflexions, 1939, Grasset. Paris-Tombouctou, 1929, Flammarion. Guy de Maupassant, 1943, Flammarion. Giraudoux, notre jeunesse, 1948, Plon. Le visiteur du soir. Marcel Proust, 1949, Plon. A la fleur d'oranger, 1945, La Table ronde. Journal d'un attaché d'Ambassade, 1948, la Table ronde; Les écarts amoureux, 1975, Gallimard
MORAND Paul. Écrivain français. Né et mort à Paris : 13 mars 1888-23 juillet 1976. Son père, Eugène Morand, auteur dramatique et peintre, devint en 1902 conservateur du Dépôt des Marbres. Le jeune Paul fut élève du lycée Carnot. En 1905, il passa l’été à Munich. Il avait raté son bachot de philo en juin. On lui donna un précepteur pour préparer la session d’octobre : ce précepteur était Jean Giraudoux, alors correspondant du Figaro : ce fut la naissance d’une longue amitié. Après ce fameux bachot, Morand s’inscrivit à l’Ecole des Sciences Politiques et à la Faculté de Droit. Il passait toujours ses vacances à l’étranger : premiers séjours en Angleterre et en Italie. En 1908, son père devient directeur de l’Ecole des Arts Décoratifs. Paul passe une année à Oxford pour se perfectionner dans la langue du pays. Puis il doit accomplir son service militaire (au 36e R.I. à Caen). Ce brillant sportif est curieusement versé dans l’auxiliaire. Il revient ensuite à l’Ecole des Sciences Politiques et, en 1912, passe le concours des vice-consulats, aux Affaires étrangères. Il devient attaché au protocole. L’année suivante il est reçu au concours des ambassades et il est nommé attaché à Londres. En 1914, il est mobilisé au 4e zouaves, mais au bout d’un mois, il est renvoyé comme « affecté spécial » à l’ambassade de Londres. Ce qu’il appelle son « âge snob » commence. On en trouvera le reflet dans son Journal d’un attaché d’ambassade (1947). Son service lui permet de venir souvent à Paris. Il fréquente les salons, fait la connaissance de Marcel Proust, se lie avec la princesse Soutzo qui tiendra désormais une place considérable dans sa vie. Il quitte Londres et devient attaché au cabinet Briand, puis au cabinet Ribot. De cette époque date son amitié avec Cocteau, Auric, Milhaud. En 1917, il est nommé troisième secrétaire à Rome. C’est aussi l’année où il publie sa première nouvelle, Clarisse, dans le Mercure de France . Il écrit les poèmes de Lampes à arc. En 1918, c’est le retour à Paris, où il a rang de deuxième secrétaire et travaille dans les services culturels du ministère. Son premier recueil de nouvelles, Tendres Stocks, paraît en 1921 avec une préface de Proust. Puis c’est Ouvert la nuit (1922), Fermé la nuit (1923), Lewis et Irène (1924) qui font de Morand l’écrivain à la mode. C’est alors qu’il demande à partir pour Bangkok comme chargé d’affaires. Mais il n’y reste que quelques mois et, à son retour, se fait mettre en congé illimité aux Affaires étrangères. Peu après, il épouse Hélène Soutzo et le couple s’installe dans une luxueuse demeure de l’avenue Charles-Floquet (cadeau du père d’Hélène). Morand ne cesse pourtant d’être sur les routes. Son œuvre est une vaste enquête. C’est le présent dans toute sa nouveauté qui l’intéresse. Il considère ses nouvelles et ses brefs romans comme des « feuilles de température » du monde. Il baptise Chroniques du XXe siècle un ensemble de quatre volumes où il peint successivement l’Europe, la négritude, les pays asiatiques, l’Amérique du Nord. Titres : L’Europe galante (1925), Magie noire (1928), Bouddha vivant (1927) et Champions du monde (1930). Il ne s’exprime pas seulement dans des fictions. Au cours des années 30, il obtient quelques-uns de ses plus grands succès avec des portraits de villes : New York (1930), Londres (1933) et aussi avec un essai sur la "Belle Epoque", 1900 (1931). Néanmoins chacun admet que son chef-d’œuvre est la nouvelle intitulée Milady (1936) qui raconte une passion entre un cavalier et son cheval. En 1938, il approuve les accords de Munich et estime de son devoir de reprendre du service aux Affaires étrangères. On l’envoie représenter la France à la Commission internationale du Danube. En 1939, la guerre déclarée, il est nommé chef de la Mission française de guerre économique auprès du gouvernement anglais à Londres. En juillet 1940, il rentre en France et gagne Vichy où l’on ne sait trop quelle mission lui confier. Il revient alors à Paris et publie un roman, L’Homme pressé (1941) où les lecteurs de l’époque ne retrouvent aucune de leurs préoccupations du moment. Sur le plan politique, il s’abstient de déclarations publiques. Est-ce une attitude prudente ? Pas du tout, puisqu’il accepte en 1943 de devenir ministre de France à Bucarest. En 1944, il obtient l’ambassade de Berne et il occupe encore ce poste quand Paris est libéré. Il est bientôt révoqué sans pension et se retire à Montreux, puis à Vevey. Sa retraite est littérairement très féconde. Mais ce n’est plus le présent qu’il raconte. Il se penche plus volontiers vers le passé, qui lui permet d’ailleurs de très bien traduire ses préoccupations les plus actuelles. Dans ces années, ses voyages ne le conduisent pas plus loin que l’Espagne et Tanger (où il s’achète une maison). Toutefois, sa situation se rétablit en France. Dès 1953, le Conseil d’État casse le décret de révocation de 1944 et, en 1955, il est réintégré aux Affaires étrangères. Il est vrai qu’il est aussitôt mis à la retraite, mais il va percevoir des indemnités et une retraite d’ambassadeur. Des livres comme Hécate et ses chiens (1954) et La Folle Amoureuse (1956) trouvent beaucoup de jeunes admirateurs. La publication des Nouvelles d’une vie (1965) lui vaut une espèce de consécration. En 1968, il est élu à l’Académie Française. Et c’est en 1971 qu’il publie Venises, qui constitue le couronnement de sa carrière et de son œuvre.
♦ « Sous les couleurs de son style baroque, comme il écrit lisiblement, comme il moule ses lettres, comme il est clair, rapide, sobre, riche comme Crésus et simple comme bonjour ! » Jean Cocteau. ♦ «Il est l’inventeur du style moderne. Le trait en éclair, le ton cassant, l’image qui fait sursauter viennent de lui. » Jacques Chardonne. ♦ « Morand est désenchanté sans être désenchanteur. Car il vous est permis, quelles que soient vos opinions sur l’Occident et l’avenir de la civilisation chrétienne, de jouir, avec ou sans délectation morose, de ses grâces promptes, de sa curiosité inlassable, de son intelligence aiguë, de sa magie blanche. » Jean-Louis Bory.