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Patrick Modiano

Né en 1945, Patrick Modiano écrit entre dix neuf et vingt ans La Place de l’Etoile qui, publié en 1968, obtient le prix Roger Nimier. Grand Prix du Roman de l’Académie Française en 1972 pour Les Boulevards de Ceinture. Il a écrit avec Louis Malle le scénario du film Lacombe Lucien (1974). Livret de famille : le titre du dernier livre de Patrick Modiano fait plus qu’en désigner le contenu nettement autobiographique et où une grande importance est accordée au mariage, à l’enfant, à cette intégration dans la société que constitue la fondation d’une famille : il consonne avec l’ensemble de l’œuvre, il en résume la démarche comme les nostalgies qui la traversent. Depuis les aventures de Raphaël Schlemilovitch dans La Place de l’Etoile, jeune juif hanté par ses origines et refusant d’en être prisonnier, fasciné par la violence, rêvant, vivant (on ne sait tant il semble avoir besoin du docteur Freud ou du docteur Bardamu) la guerre et l’occupation dans la camaraderie des S.S. ou d’antisémites célèbres, tous les romans de Modiano se présentent comme une quête d’identité. Sans doute, parce que ses trois premiers romans (La Place de l’Etoile, La Ronde de nuit et Les Boulevards du ceinture) se déroulent pour l’essentiel au temps de l’occupation (avant la naissance de l’auteur) a-t-on parlé de mode rétro. Mais il s’agit pour Modiano de bien autre chose : d’une descente dans la mémoire collective, de l’exploration d’une époque ambiguë où les contraires pouvaient se ressembler et se heurter, où les individus étaient contraints de prendre en charge leur destin. Surtout, de Schlemilovitch s’identifiant aux figures les plus douloureuses ou les plus noires de l’occupation au père du narrateur de La Ronde de Nuit oubliant, retrouvant, oubliant se judeité dans des trafics louches et des histoires d’espionnage, le thème central demeure celui de l’exilé, de l’étranger, avançant toujours comme sur le fil du rasoir, entre le martyre et l’héroïsme, la honte et la gloire, la chute et le salut, et qui cherche son lieu. Peut-être est-ce dans Villa triste, au récit s’inscrivant dans les années cinquante, au moment de la guerre d’Algérie, que cette quête d’un lieu, ce désir d’enracinement — qui étaient comme les moteurs secrets des romans précédents à la composition plus éclatée, plus onirique, au ton à la fois plus tragique et plus dérisoire — se manifestent enfin avec évidence. De même que ses personnages s’interrogent sur leur filiation, cherchent à s’inscrire dans une tradition au lieu d’être écartelés entre deux cultures, aspirent au livret de famille, Modiano, par son écriture même, qui est révérence à Morand et à Larbaud ou, à l’inverse, à Céline (c’est-à-dire à la permanence, dans la modernité, d’une limpidité classique ou au dynamitage radical du langage) s’inscrit dans une grande lignée. Mais c’est tout ensemble pour l’illustrer et la pervertir. ► Bibliographie
Romans :
La Place de l'Étoile, 1968. La Ronde de nuit, 1969. Les Boulevards de ceinture, 1972. Villa triste, 1975.
Essai :
Livret de famille, 1977.
Scénario :
En collaboration avec Louis Malle : Lacombe Lucien, 1975. Tous ces titres aux Éditions Gallimard.