Paranoïa
Paranoïa Psychose caractérisée par un délire plutôt systématisé, de mécanisme principalement interprétatif, à thème persécutif, et suivant les cas mégalomaniaques, érotomaniaques ou de jalousie. Freud utilise ce terme dès ses premiers écrits, mais dans un sens beaucoup plus large qu’il n’a aujourd’hui. En effet, il est contemporain du dégagement de cette notion par Kraepelin qui la distingue des démences précoces, appelées plus tard schizophrénies par Bleuler. Freud d’ailleurs soutiendra cette bipartition du champ des psychoses entre paranoïa et ce qu’il appelle paraphrénie et qui ne recouvre pas tout à fait la distinction psychiatrique entre paranoïa et schizophrénie. À partir de l’étude du texte du président Schreber, il définit la paranoïa comme une défense contre l’homosexualité. Lacan commentant ce travail de Freud y verra l’effet d’une forclusion portant sur le signifiant primordial qu’est le Nom-du-Père. C’est la défaillance de ce complexe paternel, présent au cœur de la névrose, impliquant la dimension symbolique de la fonction du père, qui explique que Freud a appelé homosexualité ce qui est l’expression de la prévalence de la relation imaginaire, puisque la fonction symbolique du père n’a pu advenir.
Ce terme de psychiatrie a d’abord désigné toutes sortes de délires, jusqu’à ce que le psychiatre Kraepelin d’abord, puis Freud, désignent plus spécifiquement par ce terme une forme de délire organisé ne remettant pas en cause l’ordre de la pensée, de la volonté et de l’action, ce qui l’opposait à la schizophrénie. Pour eux, la paranoïa se caractérise avant tout par le délire de persécution, l’érotomanie et le délire de grandeur. C’est à travers les mémoires d’un magistrat allemand, le président Schreber, que Freud va étudier la paranoïa, qui lui fournit le modèle théorique de la psychose. Freud montre dans cette étude de cas que le sentiment d’une mission divine chez le président Schreber et le délire de persécution étaient une construction destinée à refouler des sentiments homosexuels envers le père. Le mécanisme de défense à l’œuvre dans la paranoïa consisterait en un double mouvement de négation et d’inversion par rapport à une homosexualité refoulée. Le paranoïaque transforme¬rait ainsi un « je l’aime » en un « je le hais », puis en un « il me hait». La haine projetée à l’extérieur est retournée ensuite contre soi-même, dans un délire de persécution. La paranoïa est un retour de la libido au stade narcissique : « Le détachement de la libido ne saurait être en lui-même un facteur pathogène de la paranoïa, il faut qu’il présente en outre un caractère spécial permettant de différencier le “détachement paranoïaque de la libido [...] dans la paranoïa, la libido, devenue libre, se fixe sur le moi, [...] elle est employée à l’amplification du moi. » (Freud, Cinq Psychanalyses.) Les continuateurs de Freud, en particulier Lacan, sont revenus sur ce point de la paranoïa et de la psychose. Chez Lacan, la psy¬chose se distingue de la névrose par un trouble de la fonction paternelle symbolique, que Lacan appelle la forclusion du nom-du-père. Cette fonction paternelle symbolique faisant défaut, le sujet occupe la béance qu'elle laisse par un délire. Pour Lacan, la structure de la paranoïa ne se distingue pas de celle de la schizophrénie, les deux définissent celle de la psychose.
paranoïa, psychose chronique caractérisée par un délire systématisé, c’est-à-dire cohérent, clair, logique et élaboré à partir d’une idée précise. On distingue quatre formes de délire paranoïaque 1. le délire de revendication, où le sujet, convaincu d’être victime de quelque préjudice, en demande la réparation avec acharnement et, parfois, cherche à se venger lui-même (incendie, meurtre...) ; 2. le délire passionnel, dont le thème peut être la jalousie ou un idéal mystique, par exemple ; 3. le délire d’interprétation, qui s’accompagne presque toujours du sentiment d’être l’objet d’une animosité générale ; 4. le délire de relation des sensitifs, ou paranoïa sensitive (E. Kretschmer), où le sujet, hypersensible et vulnérable, vit une relation difficile avec le monde qui l’écrase. La paranoïa sensitive se distingue de la véritable paranoïa par l’absence d’agressivité. Les paranoïaques se signalent par leur orgueil démesuré, leur rigidité psychique, leur méfiance générale, leur hypersensibilité et leur pensée paralogique (c’est-à-dire que leur raisonnement, parfaitement logique, repose sur des postulats faux, des erreurs, des illusions, dictés par une affectivité anormale). Les anciens auteurs considéraient la paranoïa comme une psychose dépendante de causes internes. Actuellement, on insiste plutôt sur le rôle des événements existentiels dans le déclenchement de ces troubles (K. Jaspers, E. Kretschmer, J. Lacan). Il semble que la personne, incapable de supporter une situation traumatisante, régresse jusqu’à un stade primitif du développement affectif (sadique-anal) et utilise la projection, créatrice d’une fausse réalité, comme mécanisme privilégié de défense du moi (la proposition « je le hais » devient « il me hait »).
paranoïde, adjectif utilisé pour désigner certains états psychiques qui rappellent par quelque côté la paranoïa. En France, on l’emploie habituellement pour caractériser un délire mal structuré, incohérent, difficilement pénétrable (formulation abstraite, néologismes), dont le type se rencontre dans la schizophrénie. Pour les Américains (DSM III), le « type paranoïde » est une forme de schizophrénie dominée par une ou plusieurs des manifestations suivantes : idées délirantes de grandeur, de persécution, de jalousie, hallucinations à thème de persécution ou de grandeur.
PARANOÏA. Délire chronique qui étymologiquement se définit par une « pensée à côté ». Il évolue sur un terrain psychologique spécial. La structure de la personnalité paranoïaque se caractérise par : à) une surestimation pathologique du Moi avec orgueil démesuré et vanité excessive ; b) une méfiance — base des idées de persécution — génératrice d’une tendance à l’isolement, une inquiétude et attitude soupçonneuse vis-à-vis des autres ; c) une fausseté du jugement ayant recours à des déductions paralogiques qu’aucun raisonnement ne pourrait corriger. L’entêtement du paranoïaque, sa psychorigidité, sont inébranlables < comme un roc » ; d) l’inadaptabilité sociale se manifeste par l’impossibilité de s’intégrer à un groupe, l’incapacité d’accepter une discipline collective. Le délire paranoïaque est solidement charpenté, évoluant progressivement sans affaiblissement intellectuel. Dans la deuxième partie du chapitre xx de son ouvrage : Pratique et théorie de la psychologie individuelle comparée. Adler montre que la crise délirante survient lorsque le sujet se trouve dans une situation menaçante pour son besoin de valorisation : à la veille d’une entreprise, parfois au cours de son déroulement, d’autres fois par anticipation en face d’une situation dégradante ou du < danger » du vieillissement. La construction des idées délirantes trouve son origine dans l’enfance où le sujet réalisait dans ses fantasmes et ses rêveries la compensation à des situations humiliantes. De ces situations découle le pesant complexe d’infériorité, générateur d’aspirations surtendues et présomptueuses. Elles trahissent un besoin de supériorité qui se manifeste par une activité souvent belligérante avec attitude critique et hostile envers l’entourage. Dans l’attitude du paranoïaque, nous retrouvons l’allure hostile à l’égard de ses semblables dont le point de départ se situe dans les premières années de la vie de l’être. Le système paranoïaque, plus que toute autre psychose, possède des traits bien définis et ne peut être influencé qu’au début et dans des circonstances favorables. PARANOÏDE. Le terme est de Kraepelin, psychiatre allemand. Il désigne à l’origine une des trois formes de la démence précoce, vocable qui au début du siècle dénommait la schizophrénie. Il s’agit d’un système délirant mal systématisé où le malade se sent épié, menacé, observé, manipulé. Le sujet a l’impression que sa pensée est téléguidée par d’autres, que son cerveau est agressé par des rayons, par des ondes, de l’électricité. Il est en proie à des hallucinations auditives ou des voix généralement malveillantes lui adressent des injures.